Plus d'un an après sa première présentation publique, la Tempest affiche enfin des fonctionnalités dignes de son standing. Allez hop, souquez les Artimuses !
On ne présente plus Dave Smith et Roger Linn, les géniteurs de la Tempest. Lorsque le père des synthés analogiques polyphoniques rencontre le père des boîtes à rythmes, la logique veut qu’il finisse tôt ou tard par en sortir une BAR hybride analogique numérique polyphonique. Plutôt tard d’ailleurs, parce que le projet remonte à de nombreuses années. Ceux qui suivent le développement de produits se souviendront sans doute des différentes incarnations des BoomChick / LinnDrum II, d’abord en version unique, puis déclinée en 2 modules, avant d’être packagée dans une grosse console au look vintage. Sous l’effet du soleil et du vin californien, les lois de la génétique ont fini par transformer une dernière fois la bête en tempête tropicale. Initialement présentée au NAMM 2011, la Tempest est sur le marché depuis presque un an. Au départ franchement immature tant dans les fonctionnalités que dans la stabilité, la machine a mis pas mal de temps à atteindre un niveau satisfaisant, d’où notre attente avant de la tester. Avec l’OS 1.2, le niveau est maintenant suffisant pour une mise à l’épreuve en bonne et due forme, sans concession. Nous avons testé la version 1.2.0.8, puis la 1.2.1.7 beta.
Physique et connectique
Au déballage, la Tempest surprend par son côté compact et ramassé. On peut sans problème poser deux Tempest sur le capot d’une LM-1 ! La construction est soignée : carcasse métallique, flancs en bois, potards et encodeurs robustes, écran Oled monochrome haute résolution d’une finesse et d’un contraste exceptionnels, sorties audio vissées… La façade parvient à contenir 14 encodeurs, 10 potards (avec repère de position), 49 boutons, 43 LED isolées de différentes couleurs et 16 Pads. Ces derniers sont lumineux, bien dimensionnés et offrent une excellente réponse à la vitesse de frappe, selon l’une des 4 courbes globales de vélocité. Ils sont disposés en 2 rangées de 8, ce qui s’avère extrêmement pratique à l’usage, que ce soit pour le jeu, l’enregistrement, l’appel de différents beats ou la coupure/activation de sons. Un excellent choix de conception ! Des utilisateurs se sont plaints du double déclenchement de Pads dans certaines conditions de jeu, il semblerait que cela soit dû à un serrage trop important d’un circuit imprimé ; il suffirait alors d’ouvrir la machine et de dévisser légèrement la carte des Pads, opération simplissime qui conserve la garantie. Pour notre part, aucun problème constaté sur notre Tempest de test.
A toutes ces commandes s’ajoutent 2 rubans verticaux de modulation équipés de diodes latérales de contrôle. Chacun peut piloter 2 paramètres en alternance (FX1 à FX4), à définir dans l’éditeur ; ils peuvent au choix répondre en mode direct ou conserver la position après relâchement ; suivant que le paramètre à commander est mono ou bipolaire, la modulation commence en bas ou au centre. Ce premier contact confirme immédiatement l’orientation de la machine, basée sur la spontanéité, le temps réel, que ce soit pour la partie synthèse ou pour la partie séquences… bref, la performance ! Le panneau arrière comporte toute la connectique, plutôt étoffée : pas moins de 8 sorties audio (mix stéréo et 6 sorties individuelles – une par voix), une sortie casque (tout cela au format jack 6,35), 2 prises pour pédales, un duo d’entrée/sortie Midi DIN, une prise USB (transmission des données Midi uniquement) et la borne pour l’alimentation secteur universelle toujours aussi cheap. L’interrupteur marche/arrêt n’a pas été oublié ; en revanche, rien n’a été prévu pour éliminer l’affreux bruit sur les sorties audio à l’allumage ou à l’extinction, on se croirait sur une Linn 9000 tellement c’est fort !
Flux créatif
L’ergonomie de la Tempest correspond à celle d’une BAR orientée temps réel et performance : peu de mémoire, beaucoup de commandes, minimisant les interruptions du jeu. Beaucoup de commandes et encore plus de paramètres, au point que pratiquement toutes ont une fonction secondaire accessible via la touche Shift, ce qui vient parfois compliquer les choses. Cette touche est d’ailleurs si essentielle qu’il y en a 2 : l’une tout en haut à gauche, l’autre vers la droite sous l’écran ! Le tempo possède son encodeur dédié (qui gère aussi le Swing, avec la fameuse touche Shift). Sous l’écran, on trouve des commandes de transport complètes (mais un peu petites) compatibles MMC, mais sans pointeur de position. Les éditeurs sont organisés sous le principe pages menu avec 4 touches de navigation et 2 touches Page Up /Down, ainsi que 4 encodeurs contextuels (au-dessus de l’écran) et 1 bouton contextuel (en-dessous à gauche), dont le rôle est fonction de la page menu en cours. Il existe 6 modes de jeu pour les Pads et 4 modes d’édition qu’il convient de bien comprendre pour utiliser la Tempest sans interruption du processus créatif.
Commençons par les modes de jeu pour les Pads : en mode 16 beats, chaque Pad appelle l’un des 16 beats constituant un projet ; le beat peut être joué sans interruption ou uniquement lorsque le Pad est maintenu (fonction Play Hold) ; dans ce mode, l’écran affiche le nom abrégé des beats assignés à chaque Pad avec possibilité de modifier rapidement le mode d’enchaînement (fin du beat, fin de la mesure, fraction de mesure de 1/2 à 1/16, immédiat), le facteur Swing ou encore la signature des roulements automatiques. En mode 16 Sounds, chaque Pad sélectionne un son et le joue, sauf si la touche Shift est maintenue (sélection sans le jeu, bien vu !) ; l’écran affiche le type de son assigné à chaque Pad avec possibilité de charger immédiatement un son ou de modifier la quantisation du beat. En mode 16 Mutes, l’écran affiche l’état de chaque Pad ; on peut alors activer/couper les sons en temps réel à l’aide des Pads, voire tout activer d’un coup. Le mode 16 Time Steps représente 16 divisions temporelles d’une mesure (portion de beat, suivant la signature) pour un Pad donné, avec la possibilité d’activer/couper un pas ; l’un des encodeurs contextuels permet de naviguer entre les différentes portions du beat. En mode 16 Tunings, le son en cours est accordé sur les 16 Pads suivant un tempérament, idéal pour les sons harmoniques ; le tempérament, la tessiture, l’octave et la transposition par demi-ton sont directement modifiables à l’aide des encodeurs contextuels ; le tempérament de base est à choisir dans une liste de 31, parmi lesquels des modèles de tous les continents… Enfin, le mode 16 Levels permet de répartir le volume sonore du son en cours sur les 16 Pads, offrant ainsi une alternative à la dynamique de frappe.
Quelques fonctions additionnelles viennent enrichir le mode de jeu des Pads : Sound Bank B permet de sélectionner 16 sons additionnels, un beat pouvant contenir 32 sons ; Reverse permet d’inverser le sens de lecture des échantillons des oscillateurs PCM et des enveloppes des oscillateurs synthétiques ; Roll permet de déclencher des roulements automatiques à une signature définie dans le beat, en maintenant le Pad enfoncé, l’intensité de pression exercée contrôlant le volume ; Fixed Level joue tous les Pads au niveau de vélocité fixe défini dans les paramètres Système. En mode 16 beat, enclencher Roll et maintenir un Pad crée un court bouclage du beat entier, suivant une signature à définir (1/8 à 1/32 y compris les valeurs ternaires).
Passons maintenant aux 4 modes d’affichage, à sélectionner dans la section Screens : en mode Pads, l’affichage est fonction de l’un des 6 modes de jeu pour les Pads que nous venons de décrire. En mode Events, une grille 4 × 16 apparait avec les notes programmées dans le beat en cours ; elle affiche 4 sons en ligne sur 16 pas en colonne, chaque note étant représentée par un rectangle dont la hauteur indique la vélocité. En mode Sounds, l’écran détaille l’ensemble des paramètres de synthèse sous forme de pages menus ; beaucoup de ces paramètres de synthèse sont directement accessibles avec les commandes en façade, mais beaucoup d’autres le sont via les menus, qui totalisent 16 pages ! On y accède via différentes touches de navigation : 4 flèches et 2 défilements de pages ; dès qu’on bouge une commande physique, on se retrouve à la page correspondant au paramètre édité, ce qui simplifie une navigation somme toute assez pénible. En mode Mixer enfin, l’écran indique les différents paramètres de mixage (détails ci-après). Au global, l’ergonomie de la Tempest est plutôt satisfaisante, compte tenu du nombre important de paramètres à gérer et de modes de jeu disponibles. Ce qu’il faut retenir, c’est que le flux créatif est rarement interrompu tant qu’on n’entre pas dans les paramètres Système.
Coming out
L’écoute des différents beats fournis donne un bon aperçu de ce qu’est capable la machine. Il y en a pour tous les goûts et toutes les époques, avec une forte orientation électronique. On reconnait immédiatement des sons signés Linn et Roland au temps où les BAR se synchronisaient avec beaucoup de sueur et d’incantations… la panoplie de sons acoustiques est restreinte et ne fait appel qu’à des échantillons mono simples, bien moins réalistes que ce qu’on peut trouver sur des MPC. Mais comme nous le verrons bientôt, la puissance du moteur de synthèse permet de transformer la Tempest en véritable synthé, aussi à l’aise dans les percussions analogiques que dans les sons harmoniques : basses, pads analogiques, textures hybrides, leads incisifs, effets spéciaux… on se retrouve à la tête d’un synthé à mi-chemin entre un PolyEvolver (pour les générateurs hybrides et les filtres étendus) et un Tetra (pour le Sub-oscillateur et la multitimbralité), avec une polyphonie toutefois supérieure. La distorsion et la compression analogiques ajoutent du grain et de la puissance, s’il en était besoin, étant donné les niveaux audio générés !
Curieusement, après quelques semaines de triturage, on s’est rendu compte qu’on utilisait plus volontiers les PCM peu filtrés pour les sons de percussions que la partie synthèse analogique pure, même si cette dernière est optimisée pour cela. C’est dommage, car un Sampler type Groovebox fait mieux dans ce domaine, avec une polyphonie et des échantillons potentiellement plus généreux… On a en fait fini, petit à petit, par réserver la synthèse aux sons harmoniques, types basses ou pads. On s’est alors demandé si cela relevait de la psychanalyse ou de la sénilité, mais on s’est rassuré quand on a appris que DSI lançait un challenge de programmation de sons percussifs faits uniquement à partir des DCO, afin de valoriser davantage la partie analogique.
- 1PlayRibbons01:00
- 2DelayAndRolls00:48
- 3CompressAndLimit00:36
- 4RollsRolls00:46
- 5Disto00:31
- 6MoreDisto00:50
- 7HipHop01:14
- 8Electro01:15
- 9PolySnth00:56
- 10SomeBass00:59
Moteur hybride
La Tempest est une BAR basée sur un moteur de synthèse hybride analogique et numérique. La polyphonie et la multitimbralité sont de 6 voix. Chaque Pad renferme les réglages de tous les paramètres de synthèse disponibles et fait appel à l’une des voix, par allocation dynamique. En parallèle, on peut utiliser la Tempest comme synthé polyphonique, à concurrence des voix disponibles, ce mode ayant la priorité sur les Pads. Le mode synthé possède son propre canal Midi, qui pilote le son stocké dans un Pad à déterminer une fois pour toutes ; cela manque un peu de souplesse pour la gestion rapide des banques ; par exemple, il n’est pas possible de créer un split clavier à 2 sons, contrairement aux synthés polyphoniques de la marque ; nous ignorons si cela est prévu dans une future mise à jour de l’OS. De même, cela complique la gestion des sons, puisque pour changer de programme de synthé poly, il faut soit changer le numéro de Pad de référence, soit changer de beat, ou alors se mettre en mode 16 Sounds pour changer de son avec deux des encodeurs contextuels (un pour la catégorie, l’autre pour le nom).
Côté synthèse, l’architecture sonore est d’ailleurs assez proche de la série Evolver, comme nous allons le constater, ce qui fait de la Tempest un puissant synthétiseur. Chacune des 6 voix est constituée de 4 oscillateurs : 2 DCO (oscillateurs analogiques dont la hauteur est contrôlée numériquement) et 2 PCM (échantillons stockés en Rom), auxquels s’ajoute un sub-oscillateur à onde carrée à l’octave inférieure du DCO1. Les DCO offrent 4 formes d’onde : dent de scie, triangle, dent de scie + triangle, impulsion à largeur variable (0 % à 99 %). La hauteur se règle sur une plage de 10 octaves, par demi-ton (Pitch) et centième de ton (Fine). Le Glide est indépendant pour chaque oscillateur et offre 4 modes : temps fixe, vitesse fixe, chacun avec ou sans legato. Le suivi de clavier peut être activé ou désactivé, très utile pour les percussions à hauteur fixe. Un paramètre Wave Reset permet de démarrer le cycle des DCO à l’enfoncement de touche, créant un impact additionnel sur les attaques rapides, comme sur la basse Minitaur de Moog. On salue le constructeur d’avoir ajouté ces paramètres, très cohérents avec l’orientation de la machine. Enfin, les 2 DCO peuvent être synchronisés et disposent d’un paramètre Slope (simulation de l’instabilité des VCO).
Passons aux 2 oscillateurs PCM : la Tempest renferme 462 échantillons monauraux et monocouches en Rom : percussions acoustiques/électroniques de différentes BAR vintage (LM-1, LinnDrum, TR-808, TR-909), bruits divers et formes d’ondes numériques du Prophet-VS. L’échantillonnage a été effectué en 16 bit/44 kHz. Pour chaque oscillateur PCM, on choisit un échantillon et on règle son volume, qui peut aller dans certains cas jusqu’à saturation (écrêtage numérique peu musical). La transposition peut se faire sur plus ou moins 2 octaves par demi-ton (Pitch) et par centième de ton (Fine), sauf pour les bruits qui sont à Pitch constant. On retrouve les mêmes paramètres de Glide et suivi de clavier que pour les DCO. Une fois les signaux des 2 PCM mélangés, une balance Pre / Post Filter dose les niveaux d’envoi avant et après filtrage, ce qui permet de conserver intactes les harmoniques de rang élevé caractéristiques des sons de percussions. Précision essentielle, la Tempest ne permet pas l’import d’échantillons utilisateur, DSI restant flou sur une possible évolution.
Filtres en série
Au niveau mixage des sources, ce n’est pas le moment de s’endormir car le routage du signal se complexifie un peu (voir schéma) : d’un côté, la balance des DCO est ajoutée au sub-oscillateur et au mélange des 2 sons PCM, tout ça allant joyeusement rejoindre le VCF. N’oublions pas que le mélange des 2 sons PCM dispose d’une balance pré/post filtrage, comme nous venons de le voir. Tout ce beau monde, filtré et non filtré, rejoint au final un VCA stéréo, dont le canal gauche crée une boucle de réinjection dans le filtre, pour faire saturer ce dernier. Il y a 2 filtres dans la Tempest : le premier est un VCF passe-bas résonant 2 ou 4 pôles avec modulation audio et auto-oscillation. La fréquence de coupure se règle sur 165 valeurs couvrant une plage de 13 octaves. En mode 4 pôles, une résonance élevée met le filtre en auto-oscillation, alors qu’en mode 2 pôles, la résonance est plus colorante et « creuse » moins les fréquences en-dessous de la fréquence de coupure. On peut moduler le filtre en audio avec le DCO1, ce qui permet des sons FM de type cloche. Un suivi de clavier positif est paramétrable sur la coupure de ce filtre (0 à 200 %). A l’écoute, ce filtre est agréable et apporte un grain typique DSI, moderne sans être agressif et très vairé entre les deux types de pentes. Mais ce n’est pas tout, puisqu’on trouve également un second VCF en série, de type passe-haut 2 pôles non résonants, avec fréquence de coupure et suivi de clavier (0 à 200 % également). En sortie de filtres, le signal entre dans un VCA stéréo, dont le canal gauche peut être réinjecté avant filtrage, pour créer des saturations plus ou moins violentes. Pour les techniciens, la partie analogique de chaque voix (DCO / VCF / VCA) est basée sur un circuit Curtis qui équipe les instruments DSI depuis l’origine, à savoir le « DSI-120 » PA397. Comme le monde analogique est imparfait, il existe une routine de calibrage automatique des paramètres analogiques.
Modulations variées
Les modulations sont toutes numériques. Au programme, 5 enveloppes, 2 LFO et une matrice de modulation. Les enveloppes sont de type DAPDSR (D pour Délai et P pour Peak Hold), mais peuvent être commutées en mode APD, optimisé pour les percussions. La première est assignée au pitch global, la deuxième au filtre passe-bas et la troisième au volume ; toutes trois sont cependant réassignables, alors que les deux autres (Aux 1 et Aux 2) sont libres d’assignation, à une liste de paramètres que nous allons bientôt préciser, via un paramètre de destination directe ou la matrice de modulations. Nous n’avons pas d’indication précise sur l’intervalle des segments de temps, mais ces enveloppes sont suffisamment rapides pour générer des sons de percussions synthétisées. Pour chacune, on peut régler une quantité bipolaire de modulation directe, ainsi qu’une quantité de modulation additionnelle par la vélocité (en positif uniquement). Les courbes des enveloppes sont logarithmiques ; en les modulant par elles-mêmes via la matrice, on pourra créer différents profils de réponse (de logarithmique à exponentiel), sympa !
Les 2 LFO ont une fréquence variable entre 30 secondes (donc trrrrrrrrrèèèèèès lent) à 523 Hz (niveaux audio), ce qui est bien appréciable en synthèse. La vitesse peut être synchronisée en Midi, suivant 16 valeurs multiples ou divisions temporelles, passant par les triolets et les notes pointées. Il y a 5 formes d’onde basiques : triangle, rampe, dent de scie, carrée et Sample & Hold. Comme les enveloppes, les LFO disposent d’une destination de modulation directe parmi une liste dont nous allons reparler maintenant, puisqu’identique à celle de la matrice de modulation. Cette dernière offre 8 points pour connecter des sources à des destinations, avec quantité de modulation bipolaire. Les 22 sources sont constituées des 5 enveloppes, 2 LFO, vélocité, numéro de note, bruit, générateur aléatoire, pression des Pads, 2 rubans (position et pression), 2 pédales et 4 contrôleurs Midi (pitchbend, modulation, contrôleur de souffle, expression). Les destinations offrent 58 choix : les fréquences de toutes les sources (DCO, PCM), leur niveau/balance, le feedback, les fréquences des LPF et HPF, la résonance du LPF, la FM sur le LPF, le VCA, le panoramique, les LFO (fréquence et quantité de modulation), chaque segment ADR de chaque enveloppe, chaque quantité de modulation de chaque enveloppe, les 8 points de modulation (permettant de construire des modulations de modulations) et le compresseur (cf. ci-après). Ouf !
Quelques mots sur l’assignation des 6 voix : comme on dit au bord de la voix, un Pad peut en couper un autre (simulation hit-hat ouvert/fermé) ; de même, si l’allocation des voix est dynamique, on peut toutefois décider d’assigner un Pad à une voix donnée, ce qui permet d’éviter qu’il soit coupé par d’autres Pads, sauf ceux assignés à la même voix. Les sons en mémoire vive sont sauvegardés au sein des beats, donc il y en a potentiellement 512 à tout instant (32 sons x 16 beats). On peut également faire appel aux sons des beats sauvegardés, ou à des sons individuels sauvegardés à part. La mémoire Flash est de 4 Mo, dont 128 Ko sont dédiés aux sons individuels et 3,7 Mo aux beats/projets/OS. D’après le constructeur, cela représente plusieurs milliers de sons empaquetés dans des beats et environ 650 sons individuels. Et si ce n’est pas assez, un petit Dump en Sysex réglera définitivement le problème !
Séquences à BAR
Au plus haut niveau hiérarchique, il y a le projet. La mémoire vive ne peut contenir qu’un seul projet à un instant donné. Le projet est constitué de 16 beats renfermant chacun une séquence Midi et 32 sons. La résolution du séquenceur est de 96 bpqn (avec une précision de 0,5 ms), ce qui fait de la Tempest une BAR monocanal plutôt qu’un séquenceur multipistes haute résolution. La signature temporelle d’un beat peut prendre les valeurs 2 à 64 au numérateur et 4–8–16 au dénominateur. Toutefois, la longueur totale d’un beat de peut excéder 16 temps, soit 4 mesures 4/4 ou 1 mesure 64/16.
Nous avons parlé précédemment des différents modes de jeu disponibles pour les Pads de la Tempest, ainsi que des fonctions de roulement et d’inversion. Tout ceci s’applique fort logiquement à l’enregistrement de séquences. Le type de programmation dépend du mode des Pads : par exemple en mode 16 Sounds, on lance l’enregistrement de la séquence et on entre les notes en temps réel pour les 16 Pads (à concurrence des 6 voix de polyphonie). En mode 16 Time Steps, chaque Pad représente un pas que l’on peut activer ou non, pour le son en cours. C’est comme sur une bonne vieille TR des familles, avec le même type de visualisation grâce aux Pads lumineux. L’enregistrement temps réel est facilité par l’activation du métronome via une touche dédiée en façade. Signalons que toutes les manipulations décrites ici se font sans arrêter les beats, en enregistrement comme en lecture !
Au sein des beats, il y a 8 paramètres de synthèse qui peuvent venir modifier globalement ceux enregistrés dans les sons : Pitch, fréquence du LPF, résonance du LPF, modulation audio du LPF, fréquence du HPF, feedback du VCA, Attack des enveloppes et Decay des enveloppes. Tourner un bouton modifie la valeur pour tous les Pads proportionnellement aux valeurs stockées, ce qui rend les évolutions sonores très naturelles ; une fonction Revert permet de revenir aux paramètres stockés, via le bouton contextuel ; c’est pour ce genre de fonction astucieuse qu’on aime la Tempest !
Un mot sur les 2 rubans FX : en mode 16 beats, ils sont assignables à l’ensemble du beat, avec différentes destinations globales (4 FX par beat) : leurs mouvements sont joués mais pas enregistrables. Dans les autres modes, les 2 rubans FX sont assignés aux sons individuels et deviennent enregistrables en temps réel au sein des beats. L’édition des beats peut se faire avec la fenêtre beat Events dont nous avons déjà parlé : une note est représentée par un rectangle au point d’intersection d’une ligne (correspondant au Pad en cours) et d’une colonne (dont le nombre dépend de la quantisation) ; pour chaque note, on peut éditer 8 paramètres : la vélocité, la durée, la hauteur, le décalage temporel et les 4 FX. L’édition précise se fait avec les encodeurs contextuels et les touches de navigation. Cela va plutôt vite quand on a bien pigé le truc.
On trouve également quelques fonctions plus macro : une touche Undo (+ Redo) à un seul niveau, pour annuler l’édition en cours ; une touche d’effacement rapide pour supprimer un beat entier, tous les événements liés à un Pad dans un beat ou certains événements liés au Pad sélectionné (effacement à la volée lorsque le beat tourne) ; la touche Copy fonctionne de manière analogue. Quelques fonctions d’édition plus poussées permettent, suivant le cas, de copier, initialiser, insérer, supprimer ou renommer des mesures, beats, sons et projets. Précision importante, la Tempest est une BAR dont la partie séquenceur est uniquement orientée sons internes, les notes rejouées par le séquenceur ne sont pas transmises par Midi out et il y a encore moins de pistes dédiées pour le pilotage d’instruments Midi externes, comme sur une Linn 9000. Au sein d’un projet, les beats peuvent être enchaînés en Play Lists de 99 pas ; pour chaque pas d’une liste, on choisit le beat, le nombre de mesures à jouer et le comportement à la fin de la liste (arrêt ou bouclage). La version 1.2.1.7 bêta ne gère qu’une seule Play List par projet et de manière très basique, mais le mode d’emploi fait état de 10 Play Lists à terme, à suivre… Autre limitation bonne à savoir, le séquenceur est uniquement orienté par pas, ce qui signifie que les quelques contrôleurs continus disponibles actuellement ne sont pas pris en compte en continu, mais par valeurs discrètes « échantillonnées » sur chaque pas. Cela évoluera-t-il ?… Au global, d’après le constructeur, la mémoire Flash interne peuvent contenir au minimum 500 beats individuels et jusqu’à 60 projets de taille moyenne, soit 960 beats.
Embellissements sonores
En sortie de chaîne, la Tempest offre un mélangeur 32 canaux et un petit processeur d’effets analogique. Le mélangeur fonctionne comme une mini table de mixage, avec pour chaque canal volume, panoramique, départ délai, coupure/activation, solo. En mode Mixer, l’écran permet de visualiser les tranches par paquet de 16, suivant la banque de Pads activée. Le délai global permet de générer des boucles à une division temporelle donnée ; lorsqu’on relâche l’effet, le beat se poursuit non pas au moment où il a été bouclé, mais là où il devrait être s’il n’avait pas été interrompu ; cette fonction est basée sur le Midi, ce n’est pas un effet au sens commun du terme, ce qui signifie que les notes répétées consomment des voix de polyphonie ; si on active trop de Pads ou l’ensemble du beat, des effets de vol de voix se produisent rapidement.
En sortie de bus stéréo, on trouve une distorsion et un compresseur, cette fois de véritables effets analogiques. Ils sont hélas appliqués globalement au mix, sans possibilité d’insertion sur certains Pads uniquement. La distorsion est plutôt violente, entrant en scène brutalement dès qu’on dépasse 1/4 de tour de potard. Le compresseur permet d’ajouter du niveau aux sons les plus faibles en écrasant la dynamique. Il est optimisé comme un compresseur/limiteur de bus et ne permet pas véritablement d’effets spéciaux type pompage outrageux sans écraser les attaques. Bref, on aurait aimé pouvoir utiliser ces effets en insertion sur des Pads au choix et disposer de plus de paramètres pour affiner la couleur de la distorsion ou les modes de compression (au moins ratio, attaque et relâchement). Cette section ne remplacera donc pas des effets externes et on salue DSI d’avoir doté la Tempest de 6 sorties séparées.
Still wanted
En ce moment, chaque semaine ou presque, un nouvel OS voit le jour pour la Tempest. Il reste à notre sens quelques fonctionnalités à ajouter pour qu’elle soit vraiment parfaite : à commencer par la transmission/réception de tous les paramètres de synthèse par CC Midi, pour faire des automations complètes. Ensuite, la gestion de tous les contrôleurs en continu dans les séquences internes, plutôt qu’en valeurs discrètes pour chaque pas. Ensuite, des beats de plus de 16 temps et plus de 16 beats par projet (s’il pouvait y avoir 16 banques de 16 beats !) Tant qu’on y est aussi, l’enregistrement polyphonique dans le séquenceur interne : cela permettrait de pouvoir entrer un accord en une seule fois au lieu de le faire à plusieurs reprises et avec plusieurs Pads. Et puis, pourquoi ne pas permettre à la Tempest de piloter des instruments Midi externes via les séquences (et pas uniquement en jeu direct sur les Pads), comme le faisait si bien la Linn 9000 en 1984 avec ses pistes Synth ! Et aussi a minima un split/double pour le mode synthé poly, ça on aimerait bien. Oh, et un arpégiateur, ça serait bien un petit arpégiateur qu’on puisse rebalancer dans le séquenceur quand ça nous chante, non ? Bon, si tout ça venait à trop se compliquer, un petit éditeur ne serait pas de refus, mais ce n’est pas le boulot de DSI, d’après ce qu’ils disent…
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Temps de conclure
Au final, la Tempest est une BAR extrêmement souple et originale, tant par son puissant moteur sonore que ses possibilités d’utilisation live. C’est d’ailleurs là son domaine de prédilection, car elle est résolument orientée performance, avec des Pads de grande qualité, des modes de jeu multiples, des commandes temps réel faites pour l’expressivité, des projets intégrant l’ensemble des paramètres rapidement disponibles… La contrepartie, c’est l’orientation du séquenceur par pas plutôt qu’en continu, l’enregistrement monophonique, le peu de beats simultanés en mémoire vive et le nombre restreint de Play Lists au sein d’un projet. Ce qui limite la machine à un type précis d’utilisation, d’autant que le mode synthé polyphonique est largement perfectible et qu’on ne peut importer ses propres échantillons. Nous attendons encore quelques progrès dans l’OS qui porteront la Tempest au rang qu’elle mérite. Pour ceux qui recherchent une BAR autonome orientée performance, offrant une véritable synthèse hybride analogique/PCM, la Tempest n’a aujourd’hui pas d’équivalent.