Présenté au Superbooth 2019, le UNO Drum vient seconder le UNO Synth, un petit module analogique monodique très abordable. Il s’agit cette fois d’une BAR pleine de surprises, mêlant sons analogiques et échantillons.
Il y a un an, la société transalpine IK présentait le UNO Synth, son premier synthé analogique monodique, en format mini-module à prix très serré. Nous avions pu apprécier ses VCO à ondes continues, son VCF multimode, son arpégiateur, son séquenceur à mouvements, ses mémoires, son autonomie, sans oublier son tarif très abordable. Nous avions en revanche regretté le bruit de fond du VCA, certaines limites dans les modulations, le nombre réduit de commandes directes et la connectique un rien cheap. Il faut croire que le Superbooth est le lieu propice à l’annonce de nouveautés pour le constructeur, bien décidé à créer une gamme de modules de synthèse. En effet, le UNO Synth a désormais un petit frère, le UNO Drum, une boite à rythmes mélangeant percussions analogiques et PCM, développée en squadra avec Sound Machines pour la partie analogique, société bien connue des amateurs de modules et capteurs sonores. Forza !
Membrane toujours
Le UNO Drum reprend le même format compact que son petit frère, à savoir un module ultraléger (400 g) mesurant 26 × 15 × 5 cm. Le profil en L couché lui permet une inclinaison optimale une fois posé. La technologie et l’ergonomie sont semblables à celles du Synth, basées sur une membrane tactile pour sélectionner les paramètres, jouer les pads ou programmer les pas. On retrouve également les sept rotatifs en partie supérieure, qui bougent un poil sur leur axe. La réponse de la membrane est en revanche satisfaisante, mis à part les 12 pads en partie centrale, un peu capricieux lorsqu’on active les deux zones de vélocité ; dans ce mode, le pad est divisé en deux zones horizontales, ce qui permet d’entrer deux niveaux de vélocité (100 ou 127) dans les séquences, faute de réponse en vélocité réelle. La coque en plastique blanc est bien rigide, mais elle ne passera évidemment pas le test voirie lourde !
La partie supérieure gauche permet de régler, de manière matricielle, les différents paramètres de chaque percussion, effet ou séquence. On sélectionne la ligne à éditer, puis on tourne l’un des quatre encodeurs lisses du haut. La valeur éditée est immédiatement reflétée sur le petit écran à 3 diodes 7 segments. La partie supérieure droite intègre l’encodeur cranté de données (un net progrès par rapport au UNO Synth qui en était dépourvu), le potentiomètre de tempo (couplé à une touche Tap tempo) et le potentiomètre de volume global. Ils surplombent les touches de sélection du mode d’édition (son, kit, motif, morceau), de longueur (nombre de pas du motif / morceau), de sélection pour édition (ponctuelle ou globale), d’activation des parties instrumentales et de transport du séquenceur (deux touches lecture/arrêt et enregistrement), sans oublier la touche Alt (sélection des fonctions système). Tous en bas du panneau, on trouve une rangée de 16 touches permettant d’activer / couper des pas de séquences, flanquées de leur diode ambre, passant au vert lorsqu’on ajoute des automations (cf. ci-après). Tous les paramètres sonores et système sont directement accessibles en façade, aucun logiciel externe n’est nécessaire pour éditer quoi que ce soit, excellente nouvelle !
Connectique minimaliste
À l’arrière, la connectique est identique à celle du UNO Synth, c’est-à-dire très minimaliste, que ce soit par le nombre ou le type de connecteurs : sortie audio double mono faisant aussi office de prise casque (mini-jack 3,5 mm), entrée audio double mono pour envoyer des signaux externes vers le compresseur global (mini-jack 3,5 mm), entrée / sortie MIDI (commutable en Thru) sur mini-jack stéréo 2,5 mm (type de mini-connecteur désormais préconisé par la MMA), prise micro USB (données MIDI et alimentation électrique) et interrupteur secteur à trois positions (arrêt, alimentation par piles, alimentation par USB).
Le carton d’emballage contient également deux cordons adaptateurs mini-jack / DIN femelle MIDI, un cordon micro-USB vers USB et quatre piles alcalines AA. L’autonomie annoncée est de 1,5 à 2,5 heures suivant le type de pile utilisé (alcaline ou Ni-MH). Si on alimente le module avec un PC branché au secteur, il peut être utile d’ajouter une perle de ferrite (le fameux cylindre isolant) autour du cordon USB pour réduire les bruits de fond : alimenté par l’une des 6 prises USB de notre vénérable PC en rack (qui visiblement crée une boucle de masse polluant l’USB), c’était inutilisable, alors qu’avec notre PC portable sur batterie, aucune perturbation particulière. L’autre solution est d’alimenter le module avec un bloc secteur USB 5 V (non fourni) ou une Power Bank. Bref, tout cela reste bien cheap, bienvenue dans un monde miniature.
Cent pour cent
Le UNO Drum est une BAR offrant 12 instruments de percussion pour une polyphonie de 11 voix (les hi-hats sont exclusifs). À l’allumage, la machine ne prend que quelques secondes pour se préparer. Les instruments sont stockés au sein de 100 kits avec leurs réglages, qui peuvent être joués par 100 motifs, eux-mêmes chainables dans un (seul) morceau.
Tous les kits et motifs sont préchargés en usine, ce qui permet de se faire rapidement une idée de la qualité sonore et de l’expressivité de la machine. Bon point, la sélection des kits et des motifs à l’encodeur reboucle dans les deux sens (après 100, on repasse à 1 et réciproquement). Le changement de kit (immédiat) ou de motif (à la fin de la boucle) se fait proprement et rapidement, on ne s’en plaindra pas. Les programmations de IK sont bien fichues et démontrent bien le potentiel de la machine, tout en constituant un point de départ précieux. On apprécie le groove enrichi par le Swing ou la fonction Humanize, dont nous reparlerons plus tard. Avec les automations, les motifs vivent.
On reconnait immédiatement des timbres d’inspiration 80’s, certains aux accents TR-606/707/727/808/909 typiques, d’autres orientés BAR à Eprom, genre Linn ou Oberheim, avec des sons purement électroniques ou pseudo-acoustiques. Les réglages extrêmes dénaturent les samples d’origine, ce qui n’est pas sans rappeler des samples transposés vers le bas de Prince sur la LM-1. Certains sons détournés évoquent des lignes de basse jouées grâce aux automations des paramètres de synthèse. Le compresseur est capable de booster le niveau sonore, tout comme la distorsion vient détruire le son plus ou moins sauvagement. Le niveau de sortie global est bon, le bruit de fond limité et la qualité sonore un peu crado comme on l’aime. La patate est là, les percussions claquent, on ne s’ennuie pas, contrairement à certaines BAR analogiques récentes un peu asthmatiques. Revers de la médaille, compte tenu de la qualité volontairement Lo-fi d’échantillonnage, on entend parfois les portes de bruit sur certaines percussions PCM quand on les joue séparément.
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Percussions analogiques
Au commencement était le kit, capable de stocker 12 sons de percussions (les « instruments »), que l’on peut activer/couper et éditer en temps réel. Chaque instrument offre cinq variations. Pour les six instruments de la rangée inférieure (kick 1, kick 2, snare, hi-hat fermé, hi-hat ouvert, clap), la première variation est un son généré par synthèse analogique et les quatre suivantes des échantillons PCM. Pour les instruments de la rangée supérieure, les cinq variations sont des échantillons PCM (nous les décrirons au chapitre suivant). Cela représente donc un total de 60 sons, à savoir 6 sons analogiques et 54 sons PCM éditables, ce qui est confortable. Les circuits analogiques ont été développés en collaboration avec la société transalpine Sound Machines, nous l’avons dit. Les réglages disponibles dépendent du son. Le premier kick est le plus complet, intégrant même de la FM ; le timbre est résolument moderne. On peut en régler l’accordage (30 à 100 Hz), le déclin, l’accordage de la FM, la quantité de FM, le temps de balayage, le snap (niveau des transitoires pour ajouter du timbre sur l’attaque) et le volume ; idéal pour simuler des kicks électroniques résonants.
Le second kick a un son plus vintage, plus arrondi ; on peut régler l’accordage (31 à 80 Hz), le déclin, le snap et le niveau. Là encore, ça claque pas mal avec le snap venant renforcer les transitoires ; un déclin un peu plus long aurait été parfait pour ceux qui aiment les kicks qui trainent. Il va de soi qu’un système d’amplification descendant dans les infrabasses est indispensable pour apprécier le bas du spectre, où le UNO Drum excelle. La caisse claire a une patate remarquable ; tantôt moderne, tantôt vintage, on peut accorder le corps, régler le déclin, ajuster le snap (type et volume), modifier le HPF du générateur de bruit (timbre) et régler le volume. Les hi-hats ouverts et fermés disposent des mêmes types de réglages, totalement indépendants : couleur de métal (4 types), déclin et volume. Ils savent assurément être tranchants, acidulés ou crades, évoquant parfois la TR-808, parfois la TR-606. Sur le hi-hat ouvert, si on redéclenche le son avant la fin du déclin (Release pour être exact), le volume global met un certain temps avant de repasser au maximum, confirmant le côté analogique du circuit (temps de décharge/charge du condensateur d’enveloppe). Enfin le clap, plus simple, dispose d’un réglage de déclin (8 valeurs) et de volume. On apprécie son côté claquant généreux, bien TR dans l’esprit.
Percussions PCM
Passons maintenant aux instruments PCM. Issus de la collection maison SampleTank, ils sont échantillonnés sur 12 bits / 32 kHz mono, ce qui leur confère un caractère vintage bien trempé (aliasing quand on transpose vers le haut des sons contenant de hautes fréquences et artefacts métalliques vers le bas). La durée réduite des samples (surtout pour les cymbales) rappelle les BAR à Eprom des années 80, comme déjà dit plus tôt dans ce test.
On peut accorder les samples PCM (sur plus ou moins une octave environ, soit une vitesse de lecture de 0,5 à 2 fois celle d’origine) et régler leur délai (en rapport avec leur vitesse de lecture). Tout comme pour les sons analogiques, on trouve un réglage de volume et de réponse en vélocité sur le volume, mais toujours pas de panoramique : la UNO Drum est définitivement une BAR mono et c’est bien dommage.
Renseignements pris auprès de l’équipe de développement (merci Enrico !), IK a confié à des tiers la création de banques PCM additionnelles, dont une grande partie serait offerte. Les PCM viendraient remplacer les sons existants, la mémoire interne étant très limitée. Les développeurs réfléchissent même à ajouter une fonction pour importer nos propres PCM, ce qui serait exceptionnel dans cette gamme de prix ! Une fois mélangés, les sons internes et externes (provenant de l’entrée audio) passent dans un compresseur analogique global, dont on peut ajuster le seuil. Le tout arrive ensuite dans un Drive analogique, dont on peut doser le gain ; il peut saturer en douceur ou littéralement déchirer le signal. Tous les réglages de percussions (analogiques ou PCM) et d’effets sont stockés au sein de l’un des 100 kits en mémoire, indépendamment des motifs.
Motifs mouvementés
Le UNO Drum permet d’enregistrer 100 motifs rythmiques sur 11 pistes simultanées (les hi-hats sont exclusifs, rappelons-le) de 1 à 64 pas. On alterne les différentes sections de 16 pas avec la touche > flanquée de ses témoins indicateurs 1–2–3–4 (il n’y a hélas pas de touche <, il faut boucler les sections pour atteindre à nouveau les précédentes). Chaque motif possède une division temporelle globale (4/4, 3/4, 6/8 ou 4/8), il n’y a donc pas de polymétrie. On peut régler la longueur globale du motif (nombre de pas) indépendamment de cette division temporelle, ce qui permet certains exotismes intéressants. Il existe deux modes d’enregistrement : pas à pas et temps réel. En pas à pas, on commence par sélectionner l’instrument à entrer (la diode de son pad s’allume en vert), puis on entre les pas à activer avec la rangée de 16 touches. On peut aussi entrer un niveau de vélocité de 100 au lieu de 127 en maintenant le pad de l’élément sonore tout en entrant le pas ou en utilisant l’encodeur. Il en est de même pour tous les paramètres de synthèse disponibles pour l’instrument sélectionné, qui peuvent prendre une valeur différente sur chaque pas. Pour supprimer les paramètres édités, il suffit de désactiver le pas puis le réactiver. On passe ensuite aux autres instruments de la même manière.
On peut aussi enregistrer en temps réel, avec l’aide d’un métronome, en maintenant les touches Play et Record. Dans ce mode, on entre les pads en temps réel, avec leurs deux zones de vélocité 100 / 127 si la fonction est activée ; on peut aussi entrer la vélocité précise avec un clavier MIDI externe. La rythmique est automatiquement quantifiée sur le pas le plus proche (pas de micro-timing). La fonction Roll permet d’enregistrer des roulements automatiques sur différentes divisions temporelles (1/8, 1/8T, 1/16, 1/32). En mode temps réel, on peut aussi enregistrer le mouvement des commandes de synthèse pour chaque instrument. L’enregistrement n’est pas arrêté après la première boucle, si bien qu’on écrase les valeurs si on arrête de bouger les commandes alors que la touche REC est toujours activée. Nous avons suggéré une mise à jour, peut-être aura-t-on un jour les deux modes au choix. Dommage aussi qu’on ne puisse automatiser les paramètres d’effets, cela aurait notamment permis d’actionner le compresseur en rythme. Signalons la possibilité, intéressante, de copier/coller des pas ou motifs. Pour les musiciens en manque d’inspiration, une fonction Random permet de créer des lignes rythmiques par élément ou sur le motif complet. Chose curieuse assumée par le constructeur, les motifs ne sauvegardent pas les numéros de kit ; changer un motif ne change pas le kit en cours. De même, on ne peut programmer le changement de type d’instrument à chaque pas…
Motifs arrangés
En plus des automations, il existe d’autres fonctions très intéressantes pour faire bouger davantage les motifs rythmiques. Pour commencer, rien de tel qu’un petit peu de swing, réglable entre 50 et 70%. Encore mieux, Humanize crée des variations aléatoires, plus ou moins prononcées suivant réglage, à chaque boucle d’un motif, tant au plan du calage temporel que de la vélocité ; le réglage est global pour toute la machine, pas par motif. Enfin, Stutter est un effet MIDI que l’on enclenche avec le bouton éponyme. Il y a 10 types de Stutter : certains forcent certains éléments du motif à jouer en boucles de différentes tailles (3, 4, 6, 8 pas), d’autres créent des fill-in (2 types), d’autres des variations de hauteur à chaque pas (vers le haut ou vers le bas), d’autres enfin créent des vélocités aléatoires en boucle (sur 3 ou 4 pas). Avec le réglage de quantité, on définit le nombre d’éléments du motif concernés par l’effet (de 1 à 12 instruments qui se cumulent dans un ordre donné). C’est une idée aussi originale qu’excellente pour créer rapidement des variations rythmiques en temps réel, on aurait aimé encore plus de types et la possibilité de choisir plus précisément les instruments concernés.
Une fois les motifs satisfaisants, il est possible d’en chainer jusque 64 au sein d’un morceau. C’est bien, mais il n’y a qu’une mémoire de morceau. Pire, on ne peut pas sélectionner les motifs par Program Change, contrairement aux kits. Contactés à ce sujet, les développeurs ne prévoient pas d’ajouter plusieurs emplacements pour les morceaux dans la mémoire interne. La touche X permet d’effacer les pas, pistes, motifs, morceau, sons ou kits. Le tempo est synchronisable à l’horloge interne ou MIDI/USB. On peut régler les canaux d’entrée et sortie MIDI de 1 à 16. Les commandes de synthèse sont transmises en temps réel par CC, tout comme les pads, les commandes de transport, les notes enregistrées et les modulations enregistrées, la totale ! Pour sauvegarder ou recharger la mémoire en kits et motifs, il faut utiliser l’éditeur maison, dont nous allons parler sans plus tarder.
Éditeur de la casa
Bien que le UNO Drum puisse être programmé de A à Z tout seul, IK offre un éditeur bibliothécaire fort pratique. Il suffit pour cela d’enregistrer son instrument sur le site IK, de passer la machine en OS 1.0.2 (minimum) et d’installer l’éditeur sur son ordinateur. Il tourne sous Windows 8 / OS 10.10 / iOS 11.0 (64 bits) et fonctionne aussi bien en mode standalone que plug-in VST2/VST3/AU/AAX pour intégration dans une STAN. Tous les paramètres du UNO Drum sont ainsi facilement accessibles en quelques écrans : paramètres globaux, éditeur de sons et éditeur de séquences (notes, automations, morceau).
On apprécie d’avoir sous la main l’ensemble des paramètres des sons dans une même page écran très visuelle, qui réagit au quart de potentiomètre ou de souris. De même, l’éditeur de motifs permet d’entrer les pas sous forme de grille de 16 pas (x4 sections) en visualisant l’ensemble des instruments. On peut aller dans le détail par instrument, afin de régler la vélocité et l’automation des paramètres de synthèse disponibles. De même le chainage de motifs en morceau se fait en quelques clics. C’est clair et immédiat ! On apprécie de pouvoir gérer le contenu de la mémoire interne, en particulier archiver ou recharger l’ensemble des kits et des motifs. Merci !
Conclusion
Tout comme le UNO Synth, le UNO Drum offre des qualités inhabituelles dans sa gamme de prix : séquences à 64 pas, mémoires de kits, automation des commandes, moteurs sonores analogiques + PCM, polyphonie confortable, éditeur multiplateforme intégrable sous forme de plug-in, sans oublier la qualité sonore typée 12 bits et le caractère analogique bien trempé, rehaussé par des effets globaux analogiques. Sa prise en main est immédiate, son autonomie totale, grâce à ses pads intégrés, l’accès direct à l’ensemble de ses réglages et à la possibilité de l’alimenter par piles. En contrepartie, son prix serré impose quelques sacrifices : pads statiques, porte de bruit audible sur certains sons PCM, alimentation USB cheap, commandes directes limitées, connectique dépouillée et sortie audio monophonique. Toutefois, au regard du prix, difficile de trouver un package aussi attractif dans la grande famille des BAR, surtout si IK offre de nouvelles banques PCM comme cela semble bien parti, voire pourquoi pas un jour l’import de PCM utilisateur. Un excellent choix pour tous les amateurs de musiques qui bougent, d’hier et d’aujourd’hui, qui mérite bien un petit Award Audiofanzine Qualité/Prix 2019.