Après avoir passé plus de vingt ans à développer une large gamme de logiciels et matériels audio, IK présente son premier synthé analogique, le UNO Synth… Avanti !
La société IK est née à Modène, au pays du vinaigre balsamique et des sportives de luxe, dans le nord de l’Italie, il y a plus de vingt ans. Elle a commencé par développer des logiciels pour l’audio (GrooveMaker, T-Racks, SampleTank, AmpliTube) avant de se lancer, il y a une dizaine d’années, dans le matériel pour tablettes Apple. Son catalogue compte aujourd’hui de très nombreuses références d’interfaces, contrôleurs, micros, moniteurs, logiciels et accessoires. Quelle ne fut pas notre surprise de découvrir, au SuperBooth 2018, le prototype d’un synthé analogique monophonique à prix très serré : le UNO Synth (nom qui démontre au passage la différence culturelle entre les Italiens et les Américains, si l’on se réfère au positionnement du One de Moog). Quelques mois plus tard, le temps de laisser la marque livrer les premiers modèles, développer son éditeur et parfaire son OS (1.1.3 testé), nous tenons entre nos mains le petit module prêt à rugir. Energia !
Touches capacitives
Le UNO Synth est un petit module compact tout en plastique occupant 26 × 15 × 5 cm, donc peu d’espace. Une fois posé, le fin profil en L couché tête en bas lui donne une orientation naturelle oblique idéale pour la manipulation. La façade est recouverte d’un Lexan avec touches capacitives (sélection des paramètres et clavier / séquenceur) et de 7 potentiomètres en partie supérieure. Les touches capacitives, inusables, répondent parfaitement, mais les potentiomètres ont tendance à bouger pas mal sur leur axe ; la construction globale ne semble toutefois pas trop fragile, l’ensemble reste bien rigide quand on tente de le déformer.
La partie supérieure gauche est dédiée à l’édition matricielle d’une vingtaine de paramètres de synthèse, comme sur un Evolver ou un Pulse 2 : sélection des modules en ligne et édition de quatre paramètres avec les potentiomètres ; lorsqu’une ligne comprend des fonctions secondaires, il suffit de maintenir le sélecteur pour l’activer. Changer une valeur est reflété par le petit afficheur central à 3 diodes 7 segments. Les paramètres de synthèse non accessibles en édition directe (une bonne vingtaine de plus) peuvent être modifiés en CC par un contrôleur externe ou l’éditeur maison gratuit (plus de détails en fin de test).
Les trois potentiomètres de droite ont une fonction fixe : fréquence de coupure du filtre, tempo et volume. Le pavé de droite situé juste en dessous permet de sélectionner le mode de jeu (sons, arpèges, séquences), de régler les valeurs de certains paramètres (flèches +/-), de sélectionner des paramètres (tempérament clavier parmi 15 choix, portamento, octave, délai et quelques fonctions secondaires telles qu’Autotune, canal MIDI, synchro, métronome) et de piloter le séquenceur (enregistrement / lecture). Signalons ici que les deux flèches sont le seul moyen de sélectionner les programmes et d’éditer les paramètres en dehors du pavé de synthèse à gauche ; c’est très peu pratique, il manque cruellement un potentiomètre de données ! On trouve aussi des interrupteurs pour lancer des modulations basiques en en temps réel : Autobend vers le haut, Autobend vers le bas, vibrato, wah wah et trémolo. La quantité d’action de ces boutons simples est uniquement pilotables par CC MIDI externes (contrôleur ou logiciel d’édition). La partie inférieure du UNO Synth est constituée d’un clavier capacitif 27 touches organisé sur deux rangées, la rangée inférieure de 16 touches permettant également de visualiser et programmer les pas du séquenceur. Sa réponse est très propre, ce qui permet des glissandi ultrarapides impossibles avec un clavier normal.
Connectique minimaliste
À l’arrière, la connectique est très minimaliste, que ce soit par le nombre ou le type de connecteurs : sortie audio double mono faisant aussi office de prise casque (mini-jack 3,5 mm), entrée audio double mono pour envoyer des signaux externes vers l’effet délai puis la sortie (mini-jack 3,5 mm), entrée / sortie MIDI sur mini-jack stéréo 2,5 mm (apparemment, ce type de connexion est désormais préconisé par la MMA), prise micro USB (MIDI et alimentation électrique) et interrupteur de puissance (arrêt, piles, USB).
En fouillant dans la boîte, on trouve deux cordons adaptateurs mini-jack / DIN femelle pour le MIDI, un cordon micro-USB vers USB et 4 piles AA. L’autonomie annoncée avec les piles est de 3 à 4 heures, suivant le type de pile utilisé (alcalines ou Ni-MH). Si on alimente le synthé avec un PC, il faut ajouter une perle de ferrite (le fameux cylindre isolant) autour du cordon USB pour réduire les bruits de fond : alimenté par l’une des 6 prises USB de notre vénérable PC en rack (qui visiblement crée une boucle de masse polluant l’USB), c’était inutilisable, alors qu’avec notre PC portable, aucune perturbation audio. L’autre solution est d’alimenter le module avec un bloc secteur USB, qui lui n’est pas prévu dans le carton. Curieusement, seuls nos blocs 5V – 750 mA et plus ont fonctionné, pas le 5V – 500 mA du Streichfett. Bref, tout cela est cheap, bienvenue dans le monde de la tablette ou du smartphone !
Cent mémoires
Le UNO Synth est pourvu de 100 mémoires de programmes, 20 présélections figées et 80 mémoires réinscriptibles. À l’allumage, la machine prend quelques secondes pour s’initialiser, en particulier s’accorder, bienvenue dans le monde des commandes en tension. Les sonorités fournies avec la machine sont très correctes et toutes accompagnées d’une mini-séquence sur 16 pas démontrant les possibilités de synthèse et de modulation. Au menu, différentes basses dans la pure tradition analogique, tantôt filtre fermé avec une pointe de résonance, tantôt filtre ouvert bien gras. On trouve aussi des leads tranchants, des lignes arpégées EDM, ici une Super Saw, là un effet de Glide, qui fonctionnent très bien. Quelques programmes font apprécier les modes passe-haut et passe-bande du filtre et ses possibilités de saturation. On apprécie aussi le fait que le filtre soit de type 2 pôles, ce qui sort des sentiers battus. Par contre, pas d’auto-oscillation, tant pis !
Au cours de nos tests audio, nous avons trouvé d’une part, que le filtre ne coupait pas totalement et d’autre part, qu’il y avait un bruit résiduel dès que le VCA était actif (réduit par une porte qui entre en action sous un certain niveau sonore), gênant pour ceux qui aiment les douces ondes triangulaires filtrées. Dommage, car le niveau de sortie global est élevé avec un bruit de fond minimal, il y a sans doute des compromis faits dans le VCA (rappelons-nous le MS20).
Le UNO Synth est également capable de produire des percussions convaincantes, en laissant les segments d’enveloppes au minimum, car elles ne sont pas des plus claquantes ; le séquenceur à pas permet d’en faire varier la couleur sonore à chaque pas, avec des automations dont nous reparlerons plus tard. Dommage que l’on ait parfois un plop lorsqu’on change de programme alors que le séquenceur tourne.
Au global, un caractère sonore bien trempé, un peu crade dans le bon sens du terme, qui n’a rien de gadget, malgré le prix serré…
- Uno Synth_1audio 01 Bass100:23
- Uno Synth_1audio 02 Bass200:33
- Uno Synth_1audio 03 Bass300:28
- Uno Synth_1audio 04 Squared00:17
- Uno Synth_1audio 05 Lead100:51
- Uno Synth_1audio 06 Lead200:34
- Uno Synth_1audio 07 HPF00:22
- Uno Synth_1audio 08 LPF100:25
- Uno Synth_1audio 09 LPF200:16
- Uno Synth_1audio 10 Lead300:14
- Uno Synth_1audio 11 Lead400:19
Ondes variables
Pour développer le UNO Synth, IK s’est attaché les talents d’Erik Norlander, claviériste, compositeur et producteur américain renommé, également ancien chef de produits Alesis et coconcepteur de l’Andromeda. Le travail d’Erik n’a pas dû être simple pour redescendre sur terre et choisir les paramètres à intégrer dans une machine à prix aussi tendu, notamment ceux à fournir en accès direct. On se retrouve avec une génération sonore à la fois simplifiée mais qui affirme ses différences : VCO à ondes variables, filtre multimode résonant, modulations prédéfinies, arpèges et séquences. Commençons par les deux VCO : chacun offre une onde continuellement variable, passant de triangle à dent de scie, de dent de scie à carrée, puis de carrée (impulsion à 50%) à impulsion à 98%.
L’accordage automatique a lieu au démarrage et pendant les moments d’inactivité, ce qui laisse à penser qu’il s’agit de VCO dont la tension de commande est pilotée numériquement. En accès direct, on peut faire varier l’onde des VCO, leur accordage et leur niveau. Visant à réduire le nombre de commandes directes, le réglage de l’accordage est un peu spécial : quand on part de la valeur centrale (désaccordage nul à midi), on commence par les réglages fins (centièmes), puis on passe aux demi-tons (jusqu’à une octave), tout ça avec le même potentiomètre, pour les deux directions. Via les CC MIDI (contrôleur/éditeur), on peut aussi régler l’action de l’enveloppe de filtre et du LFO sur la position d’onde ou la largeur d’impulsion, sympa ! Beaucoup moins sympa (Erik aurait dû insister !), l’absence d’interaction possible entre les VCO : ni synchro, ni modulation en anneau, ni FM, ce qui disqualifie la machine pour pas mal d’amoureux de la synthèse. Un générateur de bruit blanc peut être ajouté aux VCO et finement dosé avant d’attaquer le VCF.
Filtre inhabituel
Ce dernier est de type 2 pôles multimode résonant, ce qui nous change du 4 pôles passe-bas. On peut donc régler le mode de réponse (passe-bas, passe-bande, passe-haut), la fréquence de coupure (avec un potentiomètre dédié, rappelons-le), la résonance, l’action bipolaire de l’enveloppe et le suivi de clavier (uniquement par CC pour ce dernier). Une saturation permet de réchauffer le signal et d’apporter du grain ; ce réglage reste assez sage et ne permet pas de destruction massive du son.
La résonance est très colorante et ne va pas jusqu’à l’auto-oscillation. Là encore c’est une alternative aux filtres passe-bas 4 pôles que les constructeurs se plaisent à faire hurler ; ici, on apprécie le piqué du filtre, sans agressivité excessive, même avec le drive à fond. En bout de course, après le VCA, un délai numérique très basique permet de créer un écho ; on ne peut éditer que le temps (non synchronisable) et le dosage sec/mouillé (Mix), donc pas le feedback ou autre exotisme au programme, bon… Quand on monte le paramètre Mix du délai, il se produit un petit claquement cyclique indépendant du temps, ainsi qu’une perturbation impulsionnelle (quantifiée) quand on fait varier la résonance du filtre et ou le drive, curieux…
Modulations précâblées
Les modulations sont peu nombreuses et prédéfinies par le constructeur. Au programme, un Glide, un LFO, deux enveloppes et la vélocité. Le LFO offre 7 formes d’onde (sinus, triangle, dent de scie, rampe, carré, bruit et S&H). Sa fréquence peut être réglée dans l’absolu (jusqu’à 30 Hz, donc pas très rapide) ou calée au tempo suivant différentes divisions temporelles (1/1…1/16d, 1/16T) ; dommage, le cycle est toujours libre (non redéclenché par une note), ce qui peut parfois poser problème pour certains sons. Il peut moduler le pitch, le VCF et la position d’onde / la largeur d’impulsion de chaque VCO. Dommage que ces deux paramètres ne soient pas accessibles en façade…
Les enveloppes sont de type ADSR. L’une est assignée au VCA, l’autre au VCF ; cette dernière peut toutefois moduler la position d’onde / la largeur d’impulsion de chaque VCO. Ces deux derniers paramètres ne sont pas non plus accessibles en façade. En revanche, depuis l’OS 1.1.1, on peut accéder à tous les paramètres ADSR des deux enveloppes (fonctions secondaires non sérigraphiées des lignes Filter et Env), ouf ! On ne peut pas assigner d’enveloppe au pitch, il faudra se contenter de l’Autobend et c’est bien dommage. Enfin la vélocité peut piloter le VCA, VCF, l’enveloppe de VCF et la vitesse du LFO. Ces quatre réglages sont uniquement accessibles par CC MIDI.
Séquences à mouvements
Pour faire bouger les notes sans trop bouger les doigts, le UNO Synth est équipé d’un arpégiateur et d’un séquenceur. Chacun agit de manière exclusive et les réglages sont sauvegardés dans chaque programme, bravo ! Tous les deux transmettent les notes en MIDI, mieux que chez Sequential ! L’arpégiateur offre 10 motifs : haut, bas, haut/bas, haut/bas avec répétition des notes extrêmes, bas/haut, bas/haut avec répétition des notes extrêmes, tel que joué, double-haut, double-bas et aléatoire ; pas mal ! Il peut être transposé sur 1 à 4 octaves. On peut en régler le temps de Gate, mais uniquement via CC MIDI. Un bouton Hold permet de maintenir les arpèges et ainsi laisser nos mains se balader ailleurs.
Le séquenceur offre, quant à lui, 1 à 16 pas (on aurait préféré 32, comme toujours, ainsi que des subdivisions de pas !) et 3 sens de lecture : avant, arrière, alterné sans répétition des pas extrêmes ; on aimerait bien le mode alterné avec répétition et le mode aléatoire, tant qu’on y est. Il manque également la possibilité de lancer et transposer les séquences au clavier, interne ou externe, un axe d’amélioration indispensable ! Un paramètre Swing est accessible via CC MIDI. Il existe trois modes d’enregistrement : pas à pas, temps réel et édition pas à pas. En pas à pas, on entre la note, l’octave, la durée (de 0,5 à 16 pas, ce qui permet, entre autres, de lier la note avec le pas suivant), la vélocité et la valeur de n’importe quel paramètre de synthèse (20 au total), tout cela pour chaque pas. En temps réel, on active le métronome et on joue les notes souhaitées en tempo ; idem pour les mouvements des paramètres de synthèse qui sont alors enregistrés en continu. Pour enregistrer la vélocité en temps réel, il faut utiliser un contrôleur externe. Attention avec les paramètres modifiables exclusivement via les flèches (tels que le délai) : comme l’enregistrement des mouvements s’arrête au premier cycle et que la machine rebascule en mode Preset, si on continue à appuyer sur les flèches, on change de programme et on paume tous ses réglages, pfff… cela mériterait une mise à jour d’OS, avec une sorte de temporisation ou un blocage. Enfin en édition pas à pas, on sélectionne le pas ciblé et on entre directement la valeur des paramètres à faire bouger, sans les notes. On peut aussi supprimer un pas donné. Voilà qui devrait satisfaire à peu près tout le monde…
Éditeur complémentaire
Pour accéder à tous les paramètres de synthèse, faire certains réglages globaux, gérer les programmes ou piloter le UNO Synth en standalone ou depuis une STAN, il faut installer un éditeur dédié téléchargeable gratuitement après avoir enregistré son produit sur le site de IK. Ce dernier tourne sur PC (> Windows 8) et Mac (> OS 10.10) uniquement sous OS 64 bits. On peut y régler les paramètres système : canaux MIDI, synchro, mode de réponse des potentiomètres (saut/seuil/relatif, merci !), MIDI Soft Thru, contrôleur USB… On accède aussi à tous les paramètres de synthèse, dont ceux « cachés », que l’on rappelle ici pour mémoire : modulation de la position d’onde des oscillateurs par le LFO et l’enveloppe du filtre, coupure directe des VCO / bruit, suivi de clavier du filtre, quantités d’action des 5 boutons situés en façade (vitesse de l’Autobend vers le haut, vitesse de l’Autobend vers le bas, profondeur du vibrato, profondeur du wah wah, profondeur du trémolo), quantités d’action de la molette de modulation vers 5 destinations (vibrato, wah wah, trémolo, filtre, vitesse du LFO), plage du pitch bend, swing du séquenceur, Gate de l’arpégiateur et quantités d’action de la vélocité sur 4 destinations (volume, filtre, enveloppe de filtre, vitesse du LFO). Petit point d’amélioration, l’affichage en temps réel sur le UNO Synth du changement des valeurs d’un paramètre piloté depuis l’éditeur.
Conclusion
Le UNO Synth offre des qualités inhabituelles dans sa gamme de prix : outre son caractère sonore analogique spécifique, il possède des mémoires, des VCO originaux, un VCF multimode et un séquenceur à mouvements. Sa prise en main est immédiate, son autonomie est assurée par le mini-clavier capacitif et la possibilité d’alimentation par piles. A contrario, son prix serré impose une connectique dépouillée, un VCA un peu bruyant, une alimentation USB cheap, des commandes directes limitées (au détriment de l’ergonomie), un arbitrage dans les fonctionnalités… ceci impose, on le comprend, l’utilisation d’un contrôleur MIDI ou d’un logiciel externe pour accéder à toutes les fonctions. La machine pourrait encore progresser dans sa partie numérique : un second LFO, des enveloppes plus souples, d’autres possibilités de modulation, des séquences transposables au clavier… C’est pourquoi le UNO Synth se positionne comme complément sonore dans un setup numérique ou comme point d’entrée dans le monde de la synthèse, là où sont appréciées les solutions autonomes, compactes (sans être microscopiques) et très abordables.