Près de trois ans et demi se sont écoulés depuis la sortie de l’excellent EZdrummer 2 et près de 10 ans depuis celle de Superior Drummer 2, soit une éternité à l’échelle informatique ! Inutile de dire qu’on n’en pouvait plus d’attendre cette troisième mouture de la batterie virtuelle de Toontrack. Souhaitons donc que notre patience forcée soit dignement récompensée.
Si Toontrack s’est appliqué à sortir de nouvelles banques de sons ou de presets pour Superior au cours des dernières années, force est de constater que le logiciel commençait à accuser son grand âge. Ce n’est donc pas tant au niveau du son qu’il y avait à redire, mais au niveau de l’interface vieillotte, de l’ergonomie et, plus encore, des fonctionnalités. Tant d’aspects que Toontrack avait révolutionnés avec son EZdrummer 2 de sorte qu’on se demandait ce qui pouvait bien prendre autant de temps à l’éditeur pour nous sortir un EZDrummer Pro qui aurait suffi à notre bonheur. Or, c’est bien de Superior Drummer 3 qu’il est question et si Toontrack a bien évidemment incorporé tout ce qui a fait le succès d’EZdrummer 2 dans cette nouvelle version, il ne s’est pas arrêté à cela, loin de là.
Des drums, des femmes et de la bière, nom de Dieu !
Cela commence avec une toute nouvelle banque de sons comprenant 6 kits de batterie enregistrés en multicanal aux studios Galaxy par George Massenburg, l’un des plus prestigieux ingénieurs du son au monde. On lui doit notamment la discographie d’Earth, Wind & Fire mais aussi d’avoir tenu les faders derrière James Taylor, Billy Joel, Toto, Journey, Madeleine Peyroux, Weather Report, Randy Newman, Lyle Lovett, Aaron Neville, Linda Ronstadt, Herbie Hancock… parmi bien d’autres ! Et on lui doit surtout d’avoir inventé au début des années 70 un outil qui a révolutionné le mixage : l’égaliseur paramétrique.
Bref, un grand monsieur doublé d’un parfait gentleman auquel Toontrack a demandé de venir enregistrer 6 batteries dans l’un des plus beaux et grands studios du monde. Pourquoi venir en Belgique aux Studios Galaxy, me demanderez-vous ? Parce qu’avec sa salle immense, le lieu est devenu une référence pour la captation multicanal. C’est là d’ailleurs la première grosse nouveauté de ce Superior 3 qui n’est plus limité à la stéréo mais s’ouvre au surround gérant jusqu’au 11.0 sur les 6 nouvelles batteries proposées.
…avec la gestion de la repisse entre les différents micros…
…pour les 6 batteries proposées : Ayotte, Gretsch, Ludwig Classic, Ludwig Concert, Pearl, Premier & Yamaha…
…certaines étant disponibles en jeu aux balais, aux rods ou aux mailloches…
…le tout complété par 350 samples issues des plus populaires boîtes à rythmes…
Résultat de l’addition : 230 GB de samples !
Ah oui, quand même : en vis-à-vis des 20 petits GB de samples de Superior 2, ça se pose là et va devoir en obliger plus d’un à investir dans un nouveau disque dur. Sauf que Toontrack a prévu le coup : pour un surcoût de 190 euros, il est possible d’acheter un disque SSD de 500 Go contenant la banque, tandis que l’installation est modulaire : vous pouvez très bien vous contenter d’installer les 6 kits avec les micros de base pour un rendu stéréo, ce qui occupera « juste » 40 GB d’espace. En fonction de vos besoins, vous pourrez y ajouter le pack Rooms Mics 1 (qui contient des micros d’ambiance supplémentaires), Rooms Mics 2 (qui permet de gérer le surround en 5.0), Rooms Mics 3 (pour le surround jusqu’en 11.0 avec gestion de la hauteur) et enfin le pack Extra Bleed, qui rajoute les samples de repisse qui ne sont pas inclus dans les autres packs. Voyez que chacun devrait trouver chaussure à son pied dans ces différentes options, même si l’on regrette qu’il ne soit pas possible d’installer tous les micros pour un seul kit seulement…
Je ne résiste pas à l’envie de vous faire écouter le même groove joué par les 6 kits dans leur plus simple appareil (pas de production côté mixage donc, juste le son de base des micros) :
- Kit Yamaha 00:25
- Kit Premier 00:25
- Kit Pearl 00:25
- Kit LudwigConcert 00:25
- Kit LudwigClassic 00:25
- Kit Gretsch 00:25
- Kit Ayotte 00:25
Ça sonne mais ce n’est pas une surprise, Superior Drummer 2 n’ayant déjà plus grand-chose à prouver sur ce terrain depuis longtemps. Et ça donne surtout une bonne idée des instruments mis à votre disposition et que vous allez pouvoir combiner, mixer, traiter comme bon vous semble pour trouver LE son de batterie.
Pour en finir avec la banque, précisons d’ailleurs que Toontrack propose à des fins de layering plus de 350 samples de boîtes à rythmes qui vont venir gonfler vos kits. De Buchla à Steiner en passant par Roland ou Simmons, il y a de quoi booster chaque élément de votre kit, sachant que pas mal de ces samples sont produits avec une optique gros son qui fait plaisir. Voyez d’ailleurs ce qu’on obtient en rajoutant quelques couches d’électronique sur le kit Ayotte de base :
- Layers Ayotte Electro original 00:05
- Layers Ayotte Electro 00:05
Bref il y a de quoi faire sachant qu’après cette entrée en matière, l’heure est d’ailleurs venue de pénétrer plus en profondeur dans le logiciel, en nous arrêtant d’abord sur son interface flambant neuve.
Du flat pour nos flas
Le premier changement visible concerne bien évidemment l’interface qui profite de cette mise à jour pour prendre un bon coup de jeune. Si cette dernière s’organise toujours autour d’une représentation photoréaliste du kit en cours d’utilisation, on se débarrasse enfin du look métal en simili 3D de la version 2 pour passer au flat design, de sorte que Superior est enfin cohérent avec EZdrummer sur le plan graphique, reprenant pour l’essentiel sa charte graphique à ceci près qu’on passe des teintes orangées aux bleus, seul survivance de la charte de Superior 2. Outre cette refonte esthétique réussie, on appréciera surtout la modernisation fonctionnelle de l’interface dont les différents onglets peuvent désormais être détachés, les panneaux escamotés pour certains, les tableaux réordonnés et repliés, et l’ensemble changé de taille pour s’adapter à vos préférences comme à la résolution de vos écrans. Même si le côté Responsive Design a ses limites (les tranches de la table demeurent à taille identique quelle que soit la grandeur de la fenêtre), ça nous change du rectangle minuscule qu’était devenu Superior 2 au fil du temps et des résolutions, et apporte un réel confort à l’usage. Rien que pour cela, la mise à jour pourrait se justifier, sachant qu’il ne s’agit là que de la petite face émergée et cosmétique de l’énorme iceberg.
Sur le plan ergonomique, les habitués d’EZdrummer 2 et de SD 2 retrouveront vite leur repères au sein de l’interface qui propose une organisation similaire en onglets : Drums pour éditer le kit et les éléments qui le composent, Grooves pour parcourir votre bibliothèque de patterns MIDI, Mixer pour accéder à la table de mixage virtuelle… et Tracker dont nous parlerons plus tard. Si ce Superior 3 intègre, comme on l’attendait, tous les excellents outils proposés par Toontrack dans EZdrummer 2, l’éditeur a profité de l’occasion pour améliorer ces derniers mais nous gratifie aussi de quelques vraies nouveautés sur lesquelles nous allons nous pencher, onglet par onglet. Commençons par donc par Drums.
Can I tweak it ? (Yes, you can !)
Comme sur EZdrummer 2, le centre de l’interface est occupé par un aperçu photoréaliste de votre kit qui évolue en fonction des éléments que vous y placez. Un clic droit sur n’importe quel fût ou cymbale permet d’accéder aux éléments susceptibles de le remplacer ainsi qu’aux différentes techniques de jeu disponibles (balais, rods, baguettes). Notez que rien ne vous empêche de mettre une cymbale à la place d’une caisse claire, ou une caisse claire à la place d’une grosse caisse, sachant que Toontrack s’est fendu d’un gestionnaire d’instruments très bien foutu et nanti d’un filtre multicritères.
C’est à partir de cet onglet que vous pourrez également réaliser des stacks, soit des empilements d’instruments suivant la technique du layering ou encore créer ou remplacer un instrument par un sample de votre choix. Un coup de fourchette en guise de charley ? Une porte qui claque en guise de caisse claire ? C’est possible et ça fait bien plaisir, même si nous verrons que la chose a ses limites.
Auparavant, passons par le panneau de Propriétés qui permet de tweaker à loisir chaque élément du kit : niveau, accordage, lecture inversée, enveloppe de volume et de pitch, courbe de vélocité, assignation MIDI, etc. Grâce à ces paramètres très simples à comprendre et utiliser, on pourra par exemple inhiber ou au contraire prononcer le timbre d’une caisse claire, raboter l’attaque un peu violente d’un kick, jouer avec la hauteur d’une résonance. Bref, c’est un premier étage de réglages très intéressant, en amont de tout ce qui nous attend au niveau du mixage.
Je vous vois venir : vous vous dîtes qu’en combinant l’import de samples, le système de stacks et le Velocity Gate qui permet de circonscrire un instrument dans une plage de vélocités, on pourrait se bricoler sa propre caisse claire à partir de sons glanés sur le net, des batteries virtuelles concurrentes ou de ses propres prises de son. Et oui…. Mais non. Comprenez qu’on peut effectivement charger dans un stack les différents samples correspondant aux différentes vélocités d’une caisse claire, en leur assignant à chacun une plage de vélocité. Sauf qu’à la différence d’un Perfect Drums, Toontrack ne gère pas le fait d’importer des prises venant de différents micros. On pourra certes se débrouiller avec quelques réverbes pour compenser cela, mais c’est une démarche bien compliquée pour un résultat qui ne sera pas forcément ultra pertinent à la fin. Bref, en dépit de cette possibilité d’importer des samples, on sent bien que Toontrack n’a pas joué à fond la carte de l’ouverture côté banques, et c’est bien dommage car il y a quantité de petits éditeurs, en plus des utilisateurs, qui auraient pu proposer bien des choses pour SD3 et qui se rabattent sur Kontakt faute de mieux… De quoi rester un peu sur sa faim, ce qui n’est pas si grave puisqu’….
On passe à table
Dans l’onglet Mixer nous attend la table de mixage du logiciel dont l’ergonomie ne déroutera personne. Petit regret : si la table grossit bien lorsqu’on change la résolution d’affichage du logiciel, ses proportions demeurent fixes même lorsqu’on étire la fenêtre. Il sera donc impossible d’agrandir la hauteur des faders, tout comme il est impossible de déterminer l’ordre des tranches ou de colorer ces dernières. Toontrack se rattrape toutefois en proposant un filtre qui permet de choisir ce que l’on affiche : les tranches micros, les bus, les sorties.
C’est évidemment ici qu’on va gérer chaque micro en termes de niveau, de panoramique, de phase ou de routing, mais aussi de repisse via le panneau Properties qui se situe sur la droite. Pour peu que vous ayez installé les packs nécessaires, vous pourrez ainsi sur chaque piste régler le niveau de repisse de chacun des autres éléments (ainsi que la phase de ces derniers) pour obtenir un son plus ou moins réaliste : en coupant tout pour ne garder que le son direct, on a vite fait de se retrouver avec un son qui rappelle certaines méthodes de prods des années 80 où l’on enregistrait la batterie élément par élément pour virer toute repisse au mépris du groove. Rajoutez une réverbe gatée sur la caisse claire et vous y serez !
Mais là où Superior 3 fait très fort, c’est qu’il offre toute latitude pour router chaque canal de repisse vers une tranche de la console : libre à vous de traiter cela comme bon vous semble ensuite. Et quand on sait qu’avec l’enregistrement fouillé de Massenburg, on dispose sur certaines percus de pas moins de 19 éléments qui repissent et dont on peut faire ce que l’on veut, on se dit que les possibilités sont dantesques. Les aficionados du tweaking vont adorer mais que les débutants se rassurent : rien ne les oblige à s’intéresser à ces aspects pour disposer d’une batterie qui sonne d’enfer.
Tout le monde sera intéressé en revanche par les possibilités de traitements offertes par le logiciel, que ce soit via les Inserts de piste ou via les 16 bus que propose la console virtuelle.
L’effet, rien que l’effet
De la même façon que la banque de sons, la section d’effets proposée par le logiciel a elle aussi significativement grandi puisqu’en lieu et place des quelques traitements Sonalksis de la V2, on se retrouve désormais avec pas moins de 35 plug-ins répartis en 6 catégories : EQ, Dynamics, Distortion, Reverb, Delay et Modulation. On ne s’étonnera pas d’y trouver quantité de traitements inspirés de classiques du studio (1176, LA2A, Big Muff, Tube Screamer, Fairchild 670, Neve 1084, etc.), le tout formant un arsenal très complet pour faire des prods traditionnelles comme des choses plus barrées, notamment grâce aux divers delays (tous avec option Reverse) et filtres (Auto-wah, Creative Filter) ou aux modules de distorsion/bit crushing. La qualité de ces derniers est dans l’ensemble excellente, autant qu’on puisse en juger dans le contexte de la seule batterie. Cela n’a rien d’extraordinaire si l’on considère que depuis EZmix, c’est Overloud qui se charge des effets dans les produits Toontrack et que les italiens sont tous sauf des rigolos en la matière comme en témoignent leurs excellentes réverbes ou leurs amplis virtuels.
Les presets livrés avec le logiciel permettent toutefois de se faire une bonne idée de son potentiel en termes de traitements avec, en marge des sons classiques, des choses très intéressantes d’Andreas Estensen pour l’électro expérimentale ou d’Alexander Juneblad pour le hip-hop, ces derniers ne se privant évidemment pas pour recourir aux samples de TR, Linndrum et autres gloires des boîtes à rythmes que Toontrack a incorporées à sa banque.
Voici quelques morceaux choisis autour d’un même groove :
- PresetFelicity 00:18
- PresetCobweb 00:18
- PresetScrapyard 00:18
- PresetWhynill 00:18
- PresetOasis 00:18
- PresetBringIt 00:18
- PresetNamibia 00:18
- PresetCrispBrunch(2) 00:18
- PresetBobRock1 00:18
Voyez qu’entre l’édition, les possibilités de mixage et les effets, le terrain de jeu est large, même s’il aurait pu l’être davantage encore en permettant aux utilisateurs d’intégrer des plug-ins de tierce partie. Cela n’a rien de bien grave dans la mesure où vous pouvez tout à fait faire votre tambouille dans votre STAN ensuite, mais pour ceux qui utilisent la version autonome du logiciel, c’eût été un plus bien agréable.
On note aussi ça et là quelques détails perfectibles parmi les 35 gaillards : si bon nombre d’entre eux gèrent une entrée latérale (side chain), le Mid/Side n’est présent que sur le compresseur Fairchild. De son côté, le prometteur Creative Filter, qui est en fait un filtre résonant multimode modulable, ne dispose pas hélas d’un step séquenceur. Lorsqu’on souhaite le moduler à partir d’une séquence, il faut donc choisir entre dix patterns prédéfinis sans trop savoir ce qu’ils contiennent. Et si l’on découvre avec plaisir que tous les delays disposent d’un bouton Reverse et Reverse Stereo (bien pratique pour élargir l’image stéréo), on regrettera enfin de ne pas disposer d’outils liés à la spatialisation : pas de visualiseur pour veiller à la phase et pas d’auto pan qui aurait ouvert encore bien d’autres horizons en termes d’expérimentation. Au rayon des caprices, on aurait enfin apprécié de disposer d’un processeur à convolution accompagné d’un jeu de réponses impulsionnelles du studio Galaxy, histoire de parfaire l’intégration des anciennes banques avec les nouveaux kits. Mais reconnaissons qu’en dehors de ces petites choses, Toontrack a très bien bossé sur ce sujet.
L’éditeur a d’autant mieux bossé qu’il a profité de cette version pour introduire un nouvel outil : les macros controls, accessibles via un volet escamotable au bas de l’interface. Comme vous vous en doutez, il s’agit de potards auxquels vous pouvez assigner la plupart des paramètres du logiciel via un simple clic droit sur ces derniers. Cela comprend évidemment les contrôles de la table de mixage (fader, pan pot, niveau d’envoi, etc.), tous les réglages des plug-ins, mais aussi la plupart des choses que l’on trouve dans le panneau de propriétés des instruments, en sachant que vous pouvez ajouter autant de paramètres que vous voulez à un seul potard et que vous pouvez définir un jeu de contraintes : valeur minimum, valeur maximum, inversion et même courbe de progression, hélas accessible via une valeur numérique ‘Slope’ et non pas un graphique qui aurait été plus pratique. Sachant que vous pouvez définir jusqu’à 100 macros, il y a vraiment de quoi se faciliter la vie, que ce soit pour le live ou pour faire des automations complexes. Ce sont d’ailleurs ces macros qui sont utilisées pour proposer les contrôles dédiés qu’on trouve dans EZdrummer 2, tandis que les effets mis en oeuvre par ces derniers sont visibles dans la table sous la mention Black Box, avec pour certains des possibilités d’édition.
Bref, le bilan du côté mixage est très largement positif, sachant que le domaine où l’éditeur excelle le plus par rapport à ses concurrents se situe dans l’onglet Grooves que nous allons à présent détailler.
EZdrummer Pro
Profitant des nombreuses innovations d’EZdrummer 2 pour simplifier la programmation MIDI, l’onglet Grooves permet ainsi de naviguer dans vos collections de patterns via l’arborescence de dossiers, sachant que vous pouvez combiner celle-ci avec un filtre à critères multiples : on peut ainsi voir tous les grooves du dossier Superior 3 avec une signature en 3/4 ou 6/8 et en excluant ceux joués à la ride ou une charley ouverte. L’outil est déjà un modèle du genre mais comme le savent les utilisateurs d’EZdrummer 2, c’est surtout l’intégration de la fameuse fonction Tap 2 Find que l’on sera enfin ravi d’accueillir dans Superior. Grâce à cette dernière, il vous suffit de séquencer vite fait un rythme et de lancer la recherche pour que le logiciel vous remonte les grooves qui sont les plus proches de votre idée de base dans sa collection : c’est tellement lumineux comme idée qu’on peine à croire qu’elle n’ait pas été intégrée chez tous les concurrents et, au-delà, dans les séquenceurs même.
Autre transfuge d’EZdrummer 2, la fonction Song Creator permet quant à elle de présélectionner un jeu complet de grooves (classés en Intro, Outro, Verse, Fill, Bridge, Chorus) en se basant sur un pattern que vous aurez choisi. Là encore, l’idée est excellente car à partir d’une unique idée de rythme, on se voit suggérer de quoi bâtir une piste batterie complète.
Pour ce faire, on pourra bien sûr glisser chaque pattern dans sa STAN ou encore utiliser un autre transfuge en provenance d’EZdrummer : la Song Track.
Cette dernière, qui dispose désormais d’un système d’onglets pour bosser sur plusieurs pistes en parallèle, vous permettra ainsi de préconstruire votre piste de batterie mais aussi et surtout d’accéder à deux outils pour éditer vos patterns : l’éditeur de style de jeu (Edit play style) et le Grid Editor.
Vous avez bien lu : on dispose enfin dans Superior comme dans BFD d’un éditeur de patterns MIDI qui permettra de faire des ajustements précis sur n’importe quel groove. Rangeant intelligemment les différentes articulations d’un même instrument au sein de dossiers dépliables (on a ainsi toutes les nuances de jeu de la charley dans un dossier Hi-hat), cet éditeur permet en outre de gérer simplement la dynamique des coups (au moyen d’un potard bien pratique ou via les traditionnelles barres) ou encore n’importe quel contrôle continu, et s’avère autrement plus agréable à utiliser que le piano roll généraliste d’une STAN. En regard de ce que propose un BFD, il n’en demeure pas moins un peu rustique, nous y reviendrons.
Quant à l’éditeur de style, il demeure une arme redoutable pour modifier un pattern de manière intuitive, en définissant la fréquence des coups et la vélocité pour chaque percussion, mais aussi la main maîtresse qui bat la mesure (habituellement la charley, la ride ou un tom). Bref, tout ce qu’on adorait dans EZdrummer est là : on est content.
Reste à parler de la nouveauté neuve qu’on n’avait pas vue venir et qui se cache dans l’énigmatique onglet Tracker.
Tracker vaillant
Si l’onglet Grooves cible le public des compositeurs qui bossent en tout MIDI concernant la batterie, bien des ingés son utilisent des batteries virtuelles pour faire du Drum Replacement (remplacer une caisse claire par une autre par exemple) ou encore du layering (jouer plusieurs caisses claires en même temps pour épaissir le son de cette dernière). Pour ce faire, ils disposent de plug-ins appelés Drum Replacers qui se chargent de transformer l’audio en MIDI, et de déclencher la lecture d’un sample ou une batterie virtuelle à chaque fois qu’un coup est perçu sur la piste. La bonne nouvelle pour ces derniers, c’est qu’il n’auront plus nécessairement besoin d’un plug-in pour le faire vu que l’outil est désormais incorporé à Superior Drummer 3 sous le nom de Tracker.
Relativement facile à comprendre et configurer, Tracker assure une détection polyphonique et reconnaît a priori tout seul à quel type de percussion il a affaire, de sorte qu’avec un éclaté de piste, on a vite fait de récupérer un pattern MIDI fidèle à l’original. Il peut bien arriver que quelques Ghost Notes échappent à la détection de base mais on arrive vite à ce qu’on veut en affinant le seuil et la sensibilité de détection, tandis qu’il est possible de supprimer des faux positifs ou de gérer la repisse d’autres éléments. Bien évidemment, plus vos pistes seront clean et sans réverbe et mieux la chose marchera, sachant que c’est sur la charley qu’on rencontre le plus de problèmes : l’algorithme peine en effet parfois à bien détecter ce qui est ouvert ou fermé et il y aura donc un peu d’édition à prévoir dans certains cas pour remettre tout cela au carré.
C’est d’autant plus flagrant lorsqu’on tente une détection sur une batterie mixée en stéréo. Si le kick et la caisse claire de l’intro de Billie Jean sont parfaitement reconnus, Tracker a détecté une charley ouverte alors qu’elle est plutôt très fermée. Nul doute que la réverbe et le croustillant de la caisse claire pose problème à l’algo. Sur l’intro du Supersonic d’Oasis, c’est pire encore : la charley ouverte à la double croche largue complètement l’algorithme. Ça a beau être l’un des pires sons de batterie de la pop 90's, ça n’en reste pas moins indicatif quant aux limites à travailler avec des mixes stéréo plutôt que des éclatés.
Reconnaissons toutefois à Toontrack le mérite de proposer un outil simple et fiable comme le prouvent ces exemples. Notez qu’outre le groove original, vous pouvez entendre comment le logiciel se débrouille à partir d’un mix stéréo de ce dernier, puis d’un éclaté de piste (Kick, Snare, Charley) puis ce qu’on obtient en corrigeant le mapping du charley sur la bonne articulation.
- TrackerOriginal 00:33
- TrackerMultitrack 00:33
- TrackerMix 00:33
- TrackerMultitrackCorrect 00:33
Pas mal, non ?
Et on applaudira d’autant plus Toontrack que si certains de ses concurrents proposent un Drum Replacer au sein de leur catalogue, ils se sont bien gardés de l’intégrer à leur batterie (N’est-ce pas XLN Audio ? N’est-ce pas Slate ?).
Là où la batte blesse
Avec tant d’efforts déployés pour un prix demeurant des plus raisonnables, il faudrait être de bien mauvaise foi pour ne pas reconnaître l’éclatante réussite de ce Superior 3. Pour autant, le logiciel n’est pas sans défaut, loin de là, à commencer par une lacune qu’on retrouve dans quasiment toutes les batteries virtuelles : les balais frottés ne sont pas crédibles. Certes, c’est un détail qui ne gênera pas la plupart des utilisateurs et qui n’a vraiment d’intérêt que pour le jazz lent, mais il n’en demeure pas moins agaçant de voir que personne ne se penche sérieusement sur le sujet qui demeure l’un des derniers défis à relever pour les batteries virtuelles, et qui ne le sera probablement qu’en mêlant samples et modélisation au sein d’une interface dédiée.
Voyez ce groove tournant originellement à 60 BPM fourni avec SD3 et le preset Crisp Brushes, que je me suis amusé à accélérer à 80 puis 100 BPM :
- Brushes60BPM 00:32
- Brushes80BPM 00:24
- Brushes100BPM 00:19
Dans le tempo de base, ce n’est déjà pas jojo en termes de réalisme mais plus on accélère et plus l’on sent le côté artificiel du sample. Ce n’est vraiment pas utilisable.
Au rang des préoccupations plus communes, on regrettera aussi la rusticité du gestionnaire de presets : alors que Toontrack fait un sans-faute sur la gestion des grooves MIDI ou du parc d’instruments, on s’étonne de ne pas pouvoir parcourir les presets autrement que par une arborescence qui n’a rien de très ergonomique (les presets sont classés par ordre alphabétique dans des dossiers correspondant à leur auteur). Un système de tags et de favoris accompagnés d’un petit moteur de recherche permettrait à coup sûr d’assouplir cela, tandis que deux boutons pour charger le preset suivant ou précédent rendrait également leur audition plus intuitive. On est très loin là-dessus de l’excellent travail réalisé par XLN Audio qui propose un extrait audio réellement inspirant pour chaque preset…
Enfin, même si c’est compréhensible, on regrettera que Superior ne soit pas aussi ouvert qu’un Perfect Drums qui permet de réaliser des kits complets et multimicros en important ses propres samples. C’est d’autant plus dommage que cela pourrait être une solution pour l’un des plus ennuyeux défauts du logiciel à l’heure actuelle : le manque de variété des banques qu’il propose. 6 batteries, c’est bien, mais on aurait préféré 5 batteries et un jeu complet de percussions permettant de mettre un peu d’exotisme dans tout cela. Bien sûr, il est possible d’aller chercher ce genre de choses en achetant les petites banques EZX Latin Percussion ou Twisted Kit notamment, mais ces dernières ne datent pas d’hier (on ne peut pas dire que le sampling y soit très détaillé) et l’éditeur, depuis la première version de Superior Drummer en 2003, n’a toujours pas trouvé le temps de nous proposer un set complet de percussions africaines, asiatiques ou d’orchestre/fanfare. Disons qu’à côté de BFD qui propose des choses beaucoup plus variées, on déplore un tantinet l’obsession de Toontrack pour le genres Rock, Metal, Pop et Country… La chose ne dérangera pas la plupart des utilisateurs, mais à l’heure où le logiciel s’ouvre au surround et donc au son à l’image, ce manque d’ouverture empêche pour l’heure Superior 3 d’être LA batterie ultime capable de couvrir tous les besoins.
Puisqu’on en parle, BFD 3 a encore l’avantage sur l’éditeur de Batterie qu’il intègre. En effet, si l’on se réjouit de voir que Superior inclut enfin un Grid Editor, on notera que ce dernier demeure encore très rudimentaire, ne proposant pas comme son concurrent un système pour « peindre » facilement les motifs élémentaires du jeu de batterie (qu’on appelle rudiments dans BFD 3). On a d’ailleurs pas non plus de commandes pour avancer ou reculer un coup d’un tick : il faut faire ça à souris levée, ce qui n’a rien de très précis. Notons-le enfin : pour accéder à cet outil, il faut éditer un groove, Toontrack n’ayant pas envisagé qu’on puisse se servir de Superior pour séquencer un pattern from scratch…
De fait, programmer un pattern façon marching band dans Superior est un double tour de force : d’abord parce qu’on n’a pas les outils pour le faire. Ensuite parce qu’on n’a pas les sons. Mieux vaut en avoir conscience.
Relativisons toutefois ces reproches qui pourraient bien, pour certains, être balayés par les prochaines mises à jour du logiciel et par la sortie de nouvelles banques. À présent qu’il a mis un pied dans le Surround, on se doute bien en effet que l’éditeur nous prépare un paquet de nouveaux SDX, et peut-être même des révisions de banques récemment sorties. Le bilan est donc très largement positif, au point qu’on peut sans conteste, pour l’heure, parler de Superior Drummer 3 comme de la meilleure batterie virtuelle du marché. Reste à parler des prix pour conclure.
Conclusion
Puissant, complet et sonnant du feu de dieu, Superior Drummer 3 est probablement la meilleure batterie virtuelle à ce jour, que ce soit pour écrire, produire ou simplement jouer. Sa belle ergonomie et ses outils hérités d’EZdrummer 2 lui permettent en outre d’être utilisable par le pro comme par le débutant, le compositeur comme l’ingé son ou le batteur, tandis que la gestion du surround lui ouvre les portes du son à l’image. Entre les 230 GB de sons livrés, le Drum Replacer, les 35 plug-ins inclus et les myriades de possibilité offertes, on se dit par conséquent que le prix de 350 euros réclamés par l’éditeur n’a rien de délirant, en sachant que la mise à jour depuis SD2 est à 180 € et qu’il vous en coûtera 270 € pour y accéder depuis EZdrummer 2.
Ce serait donc la batterie virtuelle idéale ? Oui, à deux ou trois petits détails près : sans parler de certains aspects perfectibles (Grid Editor, gestionnaire de presets, balais frottés), on regrettera surtout les lacunes du catalogue EZX/SDX qui s’avère très fourni du côté du rock, de la pop ou du métal mais qui fait quasiment l’impasse sur les percussions. En dehors du vieux Latin Percussion et d’éléments qu’il faudra aller glaner ça et là dans certains EZX, Superior n’est certainement pas aussi polyvalent en termes de styles qu’un BFD qu’il surpasse pourtant sur quasiment tous les aspects logiciels : mieux vaut le savoir si vous avez des besoins en termes de musique africaine, latino, asiatique, orchestrale ou encore de fanfare.
Si les possesseurs de BFD 3 auront donc matière à réflexion en fonction de leurs besoins, on recommandera très chaudement aux utilisateurs de Superior Drummer 2 de faire la mise à jour tant ils y gagneront en possibilités et en productivité. Quant au fait de troquer son baril d’EZdrummer 2 contre un Superior 3, même sans avoir aucune ambition en termes de mixage de batterie et en se contrefichant du surround, c’est surtout le saut qualitatif entre EZX et SDX qui pourra motiver l’upgrade. Sur un « tchack poum » bourrin dans un mix chargé, inutile de dire que la différence ne saute pas aux oreilles, mais dès qu’on s’attaque à un jeu plus nuancé ou que la batterie se retrouve dans un contexte plus épuré ou en solo, le réalisme des instruments et notamment des cymbales est autrement plus à son aise grâce au sampling détaillé dont bénéficient les banques SDX. Cela vaut-il 270 euros ? À vous de voir, en sachant que les batteurs qui veulent disposer de la batterie la plus réaliste possible ne se poseront pas deux heures la question…
Quant aux autres batteries virtuelles du marché, je ne rentrerai pas ici dans le cas par cas, mais disons qu’au-delà du niveau de détail du sampling qu’on appréciera selon les compétiteurs, c’est surtout sur ses capacités d’édition et de mixage, sa gestion du surround et sur les outils de l’onglet Grooves que Superior 3 se distingue. Chacun verra donc midi à sa porte, sachant que le dernier né de Toontrack devrait sans trop d’encombres sortir vainqueur de tous les duels qu’on lui proposera. En attendant de voir quelle sera la réaction des uns et des autres pour se mettre au niveau, disons qu’il y a un nouveau roi sur la montagne et que si l’attente fut longue, elle n’en valait pas moins sacrément la peine.