Infatigable depuis la sortie du second disque de SIMO, Let Love Show The Way (2016), le nouveau talent émergent du blues JD Simo est constamment sur la route pour défendre sa musique, lui qui du haut de ses 32 ans a déjà passé bon nombre d’années à œuvrer dans l’ombre. Fervent amateur de matériel vintage, JD Simo a eu la chance de jouer sur quantité de guitares à la valeur inestimable, au point que l’on pourrait vite voir en lui un enfant gâté ! C’est pourtant à force de travail, de prise de risques et de détermination que JD Simo est en train de prendre son envol. Nous avons profité de son concert donné au New Morning en novembre 2016 pour nous entretenir avec lui au sujet de son parcours, de ses amplis vintage et de sa guitare fétiche !
Tu es perçu comme une étoile montante du blues en Europe, mais tu as pourtant déjà bien roulé ta bosse. Peux-tu revenir sur ton parcours ?
J’ai commencé à jouer de la guitare très jeune, à l’âge de 4 ans. Je jouais déjà dans les bars lorsque j’avais 8 ou 9 ans. Puis j’ai formé mon premier groupe lorsque j’avais 12 ou 13 ans.
Il est amusant d’entendre que tu jouais dans des endroits où tu n’avais pas l’âge légal d’être client !
J’étais encore avec mes parents à l’époque et ils m’accompagnaient. J’ai continué de jouer sans relâche durant mon adolescence et j’ai tourné en long et en large à travers les États-Unis à de nombreuses reprises avec différents groupes, si bien qu’à l’âge de 20 ans, j’avais déjà l’impression d’être cramé ! J’ai alors senti le besoin de déménager dans un endroit qui m’offrirait plus d’opportunités et où je pourrais faire autre chose que de jouer dans les mêmes bars miteux. Je me suis donc installé à Nashville, car j’avais un pote qui vivait là-bas. J’ai grandi à Chicago, mais j’ai déménagé à Phoenix avec mes parents aux alentours de mes 12/13 ans. J’ai quitté la maison lorsque j’avais 15 ans et à partir de ce moment, j’ai vécu plus ou moins constamment sur la route. J’ai toujours cru que je reviendrais un jour à Phoenix, mais j’ai finalement posé mes valises à Nashville.
Mes premières années à Nashville ont vraiment été difficiles, car j’ai longtemps essayé de décrocher un contrat avec une maison de disques sans le moindre succès. J’ai rapidement eu un manageur, mais l’expérience n’a pas bien fonctionné. J’ai vite dépensé toutes mes économies au point que je ne puisse plus m’acheter le moindre matériel. J’ai heureusement fini par intégrer une formation très en vue à Nashville dans le circuit des clubs, qui a vu se succéder en son sein depuis le début des années 80 plusieurs guitaristes qui sont devenus importants par la suite. Quand j’ai intégré ce groupe, j’ai travaillé vraiment dur et j’ai fini par devenir musicien de studio et j’ai ainsi joué sur énormément de disques. Puis tout cela a fini par me lasser, j’avais un parfum d’inachevé à propos de ma vie. Je n’avais que 25 ans, mais j’avais l’impression d’être un vieil homme alors que j’étais encore très jeune.
C’est à ce moment que j’ai rencontré mes partenaires actuels avec qui j’ai formé SIMO. Nous n’avons pas fait grand-chose d’autre que de jouer à Nashville ou ailleurs dans le Tennessee à nos débuts. Mais il y a 2 ans, tout s’est accéléré pour nous. Nous avons eu un nouveau manageur, nous avons signé un contrat avec une maison de disques, et depuis nous sommes sur un rythme effréné ! Cela nous a permis de jouer un peu partout et de bâtir notre carrière par nous-mêmes. 2016 a été la première année où SIMO a pu tourner dans l’ensemble des États-Unis. Rien que sur l’année 2016, nous avons donné 200 concerts. Et nous en sommes déjà à quatre tournées européennes en moins d’un an ! C’est un rythme implacable, mais tout ce qui nous arrive depuis la sortie de notre album Let Love Show The Way est absolument génial !
Quelles sont tes influences à la guitare ?
A l’origine ce sont Elvis Presley et le film The Blues Brothers (1980) qui m’ont influencé. Pour moi c’est une façon fantastique de découvrir la musique, car Elvis est le dénominateur commun de beaucoup de gens que j’admire aujourd’hui. J’ai un grand respect pour Elvis et son guitariste Scotty Moore. Leurs chansons sont les premières que j’ai appris à jouer. Quant à Steve Cropper et Matt Murphy du Blues Brothers Band, ce sont ceux qui m’ont donné envie de devenir musicien. Aujourd’hui mes influences sont très variées. Michael Bloomfield est un de mes héros. Probablement mon plus grand héros si jamais je devais n’en choisir qu’un, à la guitare du moins. J’adore également Freddie King et Lightnin’ Hopkins, ce dernier m’obsédant particulièrement en ce moment ! Mais il y a plein d’autres gars qui me plaisent et je pourrais en parler pendant des heures. Il y a même des mecs contemporains comme Heath Fogg des Alabama Shakes dont j’apprécie tout particulièrement le jeu, surtout pour quelqu’un de mon âge !
Parlons un peu de tes guitares maintenant. Tu arbores la plupart du temps une Gibson ES-335 rouge. C’est ta guitare principale ?
Absolument ! Elle est d’ailleurs rangée juste à côté de toi dans son étui. J’ai eu la chance de pouvoir jouer sur énormément de très bonnes guitares vintage, mais au bout du compte, c’est cette guitare que je préfère ! Elle appartenait à un ami et quand je l’ai jouée j’en suis directement tombé amoureux. Je ne recherchais aucun modèle de guitare en particulier sur le moment, je ne cherchais même pas à acquérir une nouvelle guitare à vrai dire. Mais parfois tu ressens une réelle connexion avec certaines choses et c’est de très loin la guitare avec laquelle je suis le plus en phase. C’est la guitare qui me donne le sentiment que quoi qu’il arrive, quelles que soient les conditions, tout se passera bien !
Ta préférence va à cette ES-335 strictement pour des raisons de confort de jeu ou plutôt pour le son qu’elle dégage ?
J’aime le son qu’elle dégage, évidemment, mais la raison majeure de mon amour pour cette guitare est que je la connais par cœur. Cela fait un bon moment que je l’ai maintenant, je l’ai jouée une tonne de fois, je la vois vieillir et s’abimer au fur et à mesure. Quand je l’ai eue, elle était dans un état quasiment neuf bien qu’il s’agisse d’une guitare vieille de 50 ans ! Elle était vraiment en très bon état, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui et toutes ces marques du temps et d’usure viennent de moi. La raison principale de mon attachement est vraiment le confort que je ressens dessus. Quand je ne l’utilise pas, je joue sur un modèle signature que Gibson a fait pour moi, qui n’est autre qu’une copie de cette ES-335 (la marque a d’ailleurs proposé cette guitare en édition limitée il y a un an). Je m’en sers de backup. Je me sens tout aussi à l’aise dessus, car c’est une réplique de l’autre guitare, mais toute neuve. Je préfère néanmoins utiliser l’originale comme guitare principale et mon modèle signature en backup.
Gibson a donc reproduit à l’identique ton ES-335. Comment cela s’est passé pour les micros ?
Ils ont particulièrement dû travailler sur ce point. Je leur ai fait modifier les micros de ce modèle signature au moins une fois si je me souviens bien, déjà car je ne voulais pas que les micros soient paraffinés et la première version qu’ils m’ont envoyée était comme ça. Les fabricants paraffinent quasi systématiquement les micros de nos jours, car les gens aiment brancher leur guitare dans un ampli « Hi Gain » et ils ne veulent pas que cela se mette à siffler. Mais une guitare comme celle-ci n’est pas destinée à cet usage et j’ai donc insisté pour que les micros soient sans paraffine. Les micros sont des Gibson, mais ce ne sont pas ceux que l’on trouve habituellement sur leurs différents modèles. Ce sont des micros qui viennent de Gibson Memphis et qui ont été conçus spécifiquement pour ce modèle signature.
Sur ton ES-335 originale, les micros sont-ils ceux d’origine ?
Oui ce sont les P.A.F d’origine. Difficile de connaitre leurs spécifications, ils sonnent bien en tout cas ! Je n’ai fait qu’une seule modification à cette guitare, que l’on retrouve également sur le modèle signature. J’ai un push/pull sur un potard de tonalité qui en position haute met les deux micros hors phase. J’adore ce son ! Je sais que certains n’aiment pas, mais moi j’en suis très friand et j’aime avoir à portée de main les deux possibilités. Voici la seule modification apportée à cette guitare !
On te voyait également il n’y a pas si longtemps avec une Gibson Les Paul vintage. Qu’est-elle devenue et de quelle année était-elle ?
C’est un modèle de 1960. Je l’ai jouée énormément pendant une bonne année, rien que pour le fait d’avoir l’honneur de pouvoir jouer dessus. Mais au bout du compte, j’ai réalisé que je préférais jouer sur l’ES-335 ! Je me moque un peu des guitaristes qui changent souvent de guitare en concert. J’essaie de m’éloigner le plus possible de cette logique (en pointant du doigt une affiche de Wayne Shorter sur le mur des loges du New Morning) ! Regarde ces mecs sur le mur. Tu crois que Wayne Shorter change de saxophone en plein milieu du concert ? Non, il a un saxophone qu’il adore et qu’il connait par cœur. Je pense que beaucoup de guitaristes devraient s’inspirer des joueurs d’instruments à vent sur ce sujet. Je pense qu’il est important de savoir quelle est sa guitare, celle sur laquelle tu vas passer quasiment tout ton temps et que tu vas finir par connaitre sur le bout des doigts !
Quelles cordes utilises-tu ?
J’utilise des D’Addario 10–46 et je suis accordé en Mi standard. Il m’arrive d’utiliser des open tuning sur une guitare acoustique faite par Waterloo By Collins que j’adore vraiment et que j’utilise avec un vieux micro des années 50. Mais je ne l’ai pas emmenée en Europe.
On peut voir sur ta page Wikipedia une liste impressionnante de guitares t’étant affiliées, avec notamment une Les Paul Goldtop de 1957 ayant appartenue à Duane Allman. Ces guitares, ainsi que ton ES-335, doivent coûter une fortune, comment as-tu pu te payer tout ça si tôt dans ta carrière ?
En fait elles ne m’appartiennent pas ! L’ES-335 m’appartient, mais pas les autres. Effectivement j’ai joué la guitare de Duane Allman sur l’album ainsi que de vieilles Flying V et Les Paul des années 50. Comme je le disais au début de notre interview, j’ai eu l’honneur de pouvoir jouer sur une multitude de guitares incroyables. Il s’avère simplement que je suis devenu ami avec des gens qui possèdent ces guitares et qui ont la gentillesse de me proposer de jouer avec pendant un certain temps. J’ai eu la chance de jouer sur des tonnes d’instruments déments comme ça. Mais de toutes ces guitares, c’est vraiment mon ES-335 de 1962 que je préfère, je vais te la montrer (il sort la guitare).
Tu as modifié le chevalet n’est-ce pas ?
Oui, car je préfère avoir un chevalet fixe. Mais l’avantage sur ces modèles de 1962 est que les trous sont déjà percés et sont recouverts d’une plaque. Donc lorsque tu veux passer sur un chevalet fixe, tu n’as aucune modification structurelle à faire sur la guitare. Tu n’as qu’à enlever le vibrato et visser ton chevalet fixe. Tu peux constater que je l’ai bien abimée ! Elle a été refrettée pas mal de fois.
Lorsque tu te retrouves avec la guitare de Duane Allman. Ressens-tu une certaine magie à jouer sur un tel instrument ou au contraire est-ce juste une guitare comme les autres pour toi ?
Pour moi, il y a plein de choses qui peuvent être source d’inspiration, et le fait d’avoir dans ses mains une guitare comme celle-ci peut très clairement t’inspirer à jouer quelque chose que tu n’aurais pas forcément joué avec une autre guitare en main. Il y a un brin de magie qui accompagne une guitare comme ça. Et d’un autre côté, il n’y a aucun instrument qui te rendra meilleur. Cela doit venir de toi. Mais jouer sur la guitare de Duane a été une expérience vraiment spéciale et de surcroit nous nous trouvions dans sa maison à Macon en Géorgie, une petite ville au sud d’Atlanta. Ça ajoute clairement quelque chose même si, au final, ça reste toi qui joues l’instrument et personne d’autre. Je dirais que du point de vue du jeu, cela n’ajoute pas grand chose de plus, en revanche cela rend l’enregistrement et l’expérience globale beaucoup plus agréables !
Utilises-tu des effets ?
J’en utilise quelques-uns. J’ai toujours une pédale wah-wah avec moi. Je suis obsédé par les vieilles pédales wah-wah des années 60, mais elles me rendent dingue, car elles tombent toujours en rade !
Et elles crachotent lorsque tu les enclenches, n’est-ce pas ?
Oui, mais je recherche ce genre de sons à vrai dire ! Dunlop fabrique aujourd’hui une pédale signature Clyde McCoy qui sonne vraiment bien et j’utilise donc cette dernière désormais. Sinon j’ai également une vieille pédale Marshall Supa Fuzz, qui date de 1967, fabriquée en Angleterre et dont je me sers occasionnellement. Je l’utilise principalement lorsque nous allons loin dans nos improvisations en live, pour créer du larsen et des choses comme ça. Je ne l’utilise pas beaucoup. Finalement l’effet que j’utilise le plus est sans aucun doute le trémolo intégré dans mon ampli Fender.
Justement, parlons maintenant de tes amplis.
Je joue donc sur un vieux Super Reverb de Fender ainsi que sur le Futura d’Epiphone, un ampli beaucoup moins connu sur lequel jouait également Michael Bloomfield. Si je me souviens bien, le Futura a été fabriqué en 1963 ou en 1964 et sa production a duré à peine plus d’un an. Il ressemble à un vieux poste stéréo en quelque sorte. Cet ampli Epiphone possède un son vraiment cradingue. J’utilise ces deux amplis, car le Fender est très propre sur lui et possède une réverbe alors que l’Epiphone est vraiment sale, cela me donne un bon panel. Il m’arrive parfois d’utiliser un Fender Tweed en troisième ampli comme l’autre soir à Cléon, mais je ne l’utilise pas ce soir à Paris (ndlr : interview réalisée le jour du concert de SIMO au New Morning le 14 novembre 2016). Mais en gros tout ce dont j’ai vraiment besoin est un Super Reverb poussé à fond.
Ce sont tes amplis personnels ?
Le Super Reverb m’a été prêté par un ami qui vit en Allemagne. C’était déjà le cas lors de notre dernière tournée et il s’agit du même ampli que celui que je possède aux États-Unis. En revanche l’Epiphone Futura étant introuvable, je dois faire voyager le mien pour pouvoir l’utiliser en Europe ! J’utilise vraiment beaucoup la réverbe et le trémolo sur le Fender et j’ai un footswitch pour pouvoir balancer mon signal ou non vers l’ampli. Je fais des allers et retours entre le Fender et l’Epiphone, et lorsque je n’utilise plus la réverbe et le trémolo, j’arrête d’envoyer le signal au Fender. Ce sont vraiment les deux effets que j’utilise le plus.
Tu préfères donc utiliser de très vieux amplis en tournée. Les trouves-tu plus robustes ou au contraire moins fiables sur la route ?
Ils peuvent être assez fiables, cela dépend surtout de la façon dont tu les traites. Si tu t’en occupes bien, tout se passera bien, mais il y aura toujours quelques problèmes inévitables. La plupart du temps avec les vieux amplis, les problèmes viennent des lampes. C’est pourquoi nous emmenons avec nous une boîte remplie de vieilles lampes. L’autre jour en Hollande, j’ai justement eu un problème avec le Super Reverb. Il nous a fallu une demi-heure pendant les balances pour déterminer quelle était la lampe défectueuse, mais une fois qu’elle est localisée et que tu la remplaces, c’est reparti pour un tour !
Ces deux amplis sont des combos et je ne modifie pas les haut-parleurs qui les équipent. Ils sonnent vraiment bien tels quels. Le Super Reverb est monté avec des Jensen d’époque il me semble. Ce sont des HP Jensen également dans l’Epiphone et ces derniers sont plus originaux, car ce sont des 8" (ndlr : il y en a quatre) et ils confèrent vraiment à l’ensemble ce côté « ampli merdique des années 50 » que j’adore !
Niveau repiquage, quelque chose de particulier ?
Notre ingé son capte le son du HP sur l’Epiphone comme n’importe qui d’autre le ferait en pointant le micro sur le haut-parleur. En revanche pour le Super Reverb, et les gens pensent souvent que notre ingé son est ivre ou mauvais à cause de cela, il place le micro au milieu des 4 HP de 10" en ne pointant sur aucun d’eux en particulier. Les amplis Fender possèdent suffisamment de brillance comme ça, cette technique permet d’atténuer cette brillance et d’obtenir un son beaucoup plus plaisant dans la salle. Il s’agit d’une vieille technique de captation, car si tu jettes un œil à de très vieilles photos de scène, tu ne verras jamais le micro pointé directement sur un haut-parleur comme tout le monde fait aujourd’hui. Il y aura toujours un peu de distance entre le micro et le HP, ce qui permet d’obtenir un son plus épais et moins criard. J’ai commencé à utiliser cette technique de placement de micro quand j’utilisais des amplis Marshall et j’ai continué de le faire par la suite, car je préfère le résultat. Mais c’est drôle, car nous recevons beaucoup de critiques là-dessus. Il y a des gens qui postent des photos sur Facebook et Twitter en nous disant : « Mais qu’est-ce que vous faites ??? » (rires). Eh bien, sachez que nous le faisons totalement consciemment ! Nous utilisons la plupart du temps les SM57 qu’il y a sur place à la salle, mais nous emmenons aussi désormais un vieux micro allemand dont j’ai oublié le nom et que nous aimons utiliser pour repiquer le Super Reverb.