Premier produit de la division Nu:Tekt de Korg a être testé par AudioFanzine, le Korg Nu:Tekt NTS-1 digital kit, sorti en 2019, mais toujours d'actualité, est bien plus qu'un simple synthétiseur monophonique de la taille d'un Monotron à monter soi-même...
La sortie du tout premier Korg Monotron en 2010 avait fait grand bruit (dans tous les sens du terme). Je m’en souviens très bien, car à l’époque je ne pouvais faire l’impasse sur ce joujou aux multiples facettes, imaginé par Tatsuya Takahashi, qui eut la bonne idée d’y insérer la célèbre puce Korg-25 pour filtrer comme un MS-20. Il marquait le retour de Korg dans la synthèse analogique après quand même presque 20 ans d’absence, et constituait une véritable leçon de simplicité, de musicalité, de fun, de minimalisme, ainsi qu’un incroyable instrument de torture pour les diners mondains, grâce à son enceinte intégrée et sa tessiture pouvant aller vers le fort + aigu, qui m’accompagnait chaque soirée et/ou dans chaque restaurant, détrônant du même coup mon fidèle Kazoo. Loin de se cantonner à un rôle de jouet, mais limité par ses 5 potentiomètres et son clavier à ruban phare, on a ainsi vu fleurir des vidéos YouTube de musiciens avec un certain doigté réalisant des compositions en empilant plusieurs couches de Monotrons, l’utilisant comme effet grâce à son entrée minjack, ou encore apportant des modifications et des améliorations à son fonctionnement. En effet le constructeur a livré rapidement après la sortie du produit le schéma du circuit, et la carte électronique rend visibles délibérément des points de patch. Bref tout ça ressemblait à une invitation à personnaliser son Monotron, ce que Tatsuya Takahashi a confirmé dans une interview du Push Turn Move de Kim Bjørn, et ce pas uniquement pour rajouter une entrée CV+gate ou MIDI…
Donc naturellement, le casseur d’oreilles portatif eu droit à ses déclinaisons (les Monotron Delay et Monotron Duo ainsi que la groovebox Monotribe fin 2011), et à un redesign « plus sérieux » qui a donné la série des Korg Volcas (2013), dont le format et l’esprit « une machine, une fonction » sont évidemment familiers, mais avec une dimension personnalisation moins prononcée (ce qui n’a pas empêché certains de rajouter de la FM au Volca Bass par exemple).
Si je vous parle de tout ça, c’est parce que le Korg NTS-1 digital (Nu:Tekt Synthesizer), premier produit de la division Nu:Tekt de Korg, sorti fin 2019, est à mes yeux le vrai héritier du Monotron, plus que la série Volca classique pour moi, qui en a profité pour récupérer au passage des éléments de technologie qui trainaient dans le coin issus du Prologue (2018) ou du Minilogue XD (début 2019). Et ça tombe bien, c’est le sujet du (rétro- ?) test d’aujourd’hui !
Nu:Tekt Summer One
Avant toute chose, précisons que le NTS-1 est livré en sortie de boîte en pièces détachées ! La partie montage et « Do It Yourself » (DIY, fais-le toi-même) est moins prononcée que sur des kits Moog par exemple, puisqu’aucune soudure n’est nécessaire. Il s’agira ici simplement de détacher des plaques de métal et de visser des éléments en suivant des instructions, disponibles dans un manuel papier ou PDF (avec la langue française), et avec des vidéos. Rien de très méchant donc (attention aux gros doigts quand même). En plus des différentes pièces et du manuel, le NTS-1 — disponible aujourd’hui au tarif de 99 euros — est livré avec un petit tournevis, un câble USB, et un papier avec un code donnant accès à des licences de logiciels Korg (des versions LE de synthétiseurs de la Korg Collection), du UVI Digital Synsations, des produits AAS ainsi que des licences pour Ozone Elements et Propellerhead Reason lite.
Je trouve quand même que l’aspect DIY est légèrement exagéré sur la partie montage, avec un côté un peu gimmick au premier abord, même s’il est possible d’aller plus loin en allant sur le site web du produit. En effet, Korg recommande pour les intéressés à cette étape de personnaliser leur appareil, via des nouvelles coques qui tiennent compte de la taille des vis de montage et de quelques éléments supplémentaires présents dans la liste des pièces. Je ne suis pas allé jusque là personnellement, mais on peut trouver sur https://nutekt.org des exemples réalisés par des utilisateurs, qui vont de la simple coque supplémentaire à des choses qui modifient complètement l’organisation des contrôles, ou rajoutent des commandes supplémentaires, à base de nouveaux PCBs et de Arduino IDE, grâce à une quantité importante de données et d’instructions fournies par Korg concernant sa machine, et qui n’ont pu être possibles que grâce à des mises à jour continues du firmware.
Une dizaine de minutes de vissage après ouverture, on se retrouve donc avec un petit Monotron-like, de dimension 129 × 78 × 39 mm contre 120 × 72 × 28 mm pour un Korg Monotron, qui coche toutes les cases comme dirait un certain Youtubeur. Il se présente avec un clavier à ruban, trois potentiomètres, sept boutons-poussoirs, un écran basique qui permet d’afficher 4 caractères mais aussi des textes plus longs par défilement, un réglage de volume via une molette à l’arrière, un mini haut-parleur d’appoint, et une connectique plutôt étonnante dans le bon sens (entrée MIDI minijack type A, entrée audio minijack stéréo et sortie casque stéréo, entrée/sortie sync, port USB). L’appareil a un look un peu austère, mais on lui ne lui tiendra pas trop rigueur.
Une Korg à linge au marché du synthétiseur
Le Korg NTS-1 digital est donc un synthétiseur monophonique monotimbral numérique, qui s’alimente exclusivement par USB (branché à un ordinateur ou au secteur), conçu notamment par Yoshito Yamada (encore lui), Kazuya Miura et Etienne Noreau-Hébert. Il propose un choix d’oscillateurs, de filtres, d’enveloppes, et d’effets accessibles en simultané (modulation + délai + réverbe + trémolo), accessibles respectivement via le bouton-poussoir associé, ainsi qu’une section arpégiateur. Le clavier à ruban ne cassant pas trois pattes à un canard audio, on lui préférera la plupart du temps l’usage d’un contrôleur MIDI externe (merci Korg d’avoir inclus les E/S MIDI directement pas comme sur les Monotrons), ce qui n’empêchera pas avec une petite batterie portative de l’utiliser à l’occasion avec son haut-parleur externe pour éclater les oreilles du voisin de table ou d’espace de coworking. Cela est d’autant plus intéressant que l’appareil reconnaît le signal de la molette de pitch.
En appuyant sur un des boutons-poussoirs donc, on pourra accéder aux paramètres principaux de la section idoine, via le potard Type (encodeur cranté infini), et les deux potards A et B (continus avec une position de début et de fin). Il existe également deux autres manipulations pour accéder à des fonctions supplémentaires. Soit on pourra rester appuyé sur le bouton poussoir (section 2), et manipuler les deux potards A et B pour accéder à d’autres paramètres. Soit toujours en restant appuyé sur le bouton poussoir, on tourne d’un cran le potard Type, puis on relâche le bouton poussoir et on continue à tourner Type seul pour faire défiler plusieurs autres paramètres, jusqu’à 6 en tout (section 3). On passera donc notre temps d’utilisation à appuyer sur ces boutons de différentes manières pour accéder aux fonctionnalités.
L’effet de chaque manipulation est informé par l’allumage d’une LED au-dessous des boutons, mais aussi via les caractères affichés sur l’écran, qui ne peut certes en afficher que 4 à la fois plus des petits points synchronisés au tempo, mais peut faire également défiler son contenu pour afficher le nom complet et la valeur du paramètre édité en cours, ce qui permet de ne jamais être perdu. En collaboration avec le manuel, on pourra alors retenir rapidement comment accéder à chaque section du synthé, dont l’ergonomie est plutôt immédiate, même s’il est parfois pénible de devoir rester appuyé sur un bouton pour accéder à une fonction.
Notons au passage qu’un onglet de paramètres globaux est disponible en allumant le NTS-1 en restant appuyé sur le bouton Réverb. Cette section permet de régler l’emplacement dans le chemin du signal de l’entrée extérieure ainsi que son volume d’entrée, des options concernant la mise en veille automatique, synchronisation extérieure via MIDI ou les entrées sorties sync, le choix entre un mode mono brut ou legato activé par défaut, le canal MIDI, et l’usage du MIDI via USB ou via la connectique MIDI, car oui le NTS-1 peut aussi être piloté par USB !
Korg sous tension
Le synthétiseur monophonique avec (ou sans) legato propose en standard un choix d’ondes dent de scie, triangle, carré avec deux paramètres assignés aux paramètres A (shape) et B (alt) pour jouer sur la forme de l’onde (largeur d’impulsion pour le carré par exemple, et sub supplémentaire avec B), ainsi qu’un type d’oscillateur appelé (Nord) VPM pour Virtual Phase Modulation qui permet avec seulement deux paramètres de donner accès à des sonorités typiquement FM (et qui est une version très simplifiée de celui du Minilogue XD). On pourra également y ajouter des algorithmes d’oscillateurs tiers (le fameux moteur Multi-Engine des logues) qui permettent d’étendre les possibilités de la machine, avec 16 slots utilisateurs disponibles (on en reparle après), qui se paramètrent avec A et B ainsi que les paramètres section 3. Dans la section 2, on pourra régler la vitesse d’un LFO, et son amplitude pour moduler au choix le pitch ou le paramètre A/shape de l’oscillateur.
- Démo SAW00:32
- Démo VPM Mod01:32
Dans l’onglet de filtrage, on pourra de même choisir entre plusieurs topologies, sans possibilités tierces cette fois-ci, avec uniquement du très classique, au choix passe-bas/bande/haut avec 2 ou 4 pôles. Les paramètres A et B permettent de changer la fréquence de coupure et la résonance pour aller jusqu’à l’auto-oscillation. Simple, peut-être avec un léger manque de caractère, mais efficace (le filtre du Monotron nous manque à ce stade). En section 2, on pourra également régler la vitesse et l’amplitude d’un « sweep » sur la fréquence de coupure, sorte de modulation avec une enveloppe dédiée simplifiée qui se déclenche à chaque nouvelle note en dehors du legato.
L’onglet enveloppe dédié donc à l’amplitude uniquement est assez intéressant également. Il propose le paramétrage de l’attaque et d’un paramètre de déclin différent pour chaque type d’enveloppe, qui peut être au choix ADSR (avec un decay fixe et un sustain intermédiaire pour avoir un effet un peu percussif en dehors du legato), AHR (sans l’effet percussif donc), AR (sans maintien de la note), AR « loop » en boucle (qui permet de faire des choses intéressantes en fonction de la source et des constantes de temps), ou ouvert (la dernière note jouée est toujours active), ce qui permet de couvrir pas mal d’usages. C’est aussi ici dans la section 2 qu’on trouvera un effet bonus, un trémolo (modulation du volume), dont on pourra régler l’amplitude et la fréquence.
Au passage, j’ai apprécié la présence de l’arpégiateur, que l’on peut enclencher d’une pression sur le bouton idoine, ou utiliser en mode « latch » continu avec une pression prolongée. Celui rend l’appareil déjà beaucoup plus intéressant si vous n’avez pas de quoi le séquencer dans un set particulier, et il peut être synchronisé à un tempo spécifié ou extérieur via la commande B, avec un nombre de pas paramétrable par la commande A. Le potard Type permet alors de changer le motif de succession des notes (haut, bas, différentes méthodes aléatoires, etc.), à partir d’un ensemble de notes qui provient de la tonique spécifiée pendant le jeu, et d’un type d’accord qu’on ne peut choisir que parmi un ensemble de 6 possibilités, accessibles cette fois-ci en appuyant sur les boutons de sélection de sections : octave, triade majeure ou mineure, suspendu ou augmenté et mineur diminué. On ne pourra ainsi pas sélectionner le nombre de notes ou le contenu de l’accord utilisé via un clavier extérieur malheureusement, probablement lié au fait que le clavier à ruban est limité pour faire de la polyphonie… Ces paramètres sont exclusivement accessibles en maintenant la pression sur le bouton ARP.
Vivre sur la Korg raide
Au niveau des effets, en plus du trémolo donc, il est possible de cumuler à la fois un effet de type modulation, un délai ET une réverbération. Dans chaque onglet, on pourra choisir le type exact d’effet, sélectionner un paramètre de temps (fréquence en modulation, durée sur le délai, taille de la réverb) et un paramètre de quantité, qui peut agir sur plusieurs choses en même temps. La section deux permettra de rajouter un troisième paramètre supplémentaire de mix, permettant d’aller d’un signal full dry (non traité) à un signal full wet (traité) pour délai et réverbe seulement. Ici aussi on est plutôt gâtés, car les effets proposés sont une sélection (partielle malheureusement) des effets proposés dans le Minilogue XD et du Prologue que j’affectionne particulièrement.
On y trouve ainsi la quasi-totalité des délais mono et stéréo du Minilogue XD (classiques, ping-pong, avec un filtre high-pass, et avec une modélisation d’enregistreur à bandes, plus le pitch qui varie en jouant sur la durée de délai) mais sans la synchronisation au tempo et les modes Doubling ou One Tap, avec la possibilité de mettre beaucoup de feedback et d’aller jusqu’à 500 ms. Il y a également un seul représentant pour chaque effet de modulation (Chorus, Ensemble, Flanger, Phaser) contre plusieurs dans le Minilogue XD, et les réverbes Hall, Plate, Space, Riser et Submarine, donc sans les Smooth, Arena, Early Ref, Room et Horror du Minilogue XD. On pourra ici aussi étendre les possibilités du NTS-1 avec 8 à 16 slots utilisateurs pour chaque type d’effet.
Tout ce beau monde est d’autant plus intéressant que la machine possède une entrée audio minijack. Il est donc possible d’utiliser le NTS-1 comme multieffet stéréo, ou de mixer au son du synthé celui d’un autre élément dans un set hardware ! On pourrait ainsi imaginer jouer un motif avec l’arpégiateur et improviser par-dessus avec un autre synthétiseur ou par exemple l’utiliser exclusivement avec une guitare électrique. De plus, la machine peut être contrôlée via MIDI ou pas USB, pour avoir une interface utilisateur plus claire ou personnalisée, via CC sauf pour les 6 paramètres oscillateurs tiers qui passent par du NRPN si j’ai bien compris, ce que je n’ai pas pu essayer malheureusement pendant ce test.
Korg à sauter
Le NTS-1 peut bien sûr être connecté à un ordinateur, qui le reconnait comme interface MIDI avec ports d’entrée et de sortie, ce qui signifie qu’on peut lui envoyer des signaux MIDI et de clock sans avoir besoin d’utiliser les entrées sorties MIDI physiques. La connexion permet également de mettre à jour le firmware si nécessaire (actuellement en version 1.20), en installant le driver Korg USB MIDI généraliste sur Windows et en utilisant une application dédiée pour Windows ou Mac OS, qui demande de redémarrer le NTS-1 en restant appuyé sur le bouton OSC. Des utilisateurs ont fait état de drivers un peu erratiques pour les appareils Korg sur Windows au fil des années, mais je n’ai pas eu ce problème personnellement.
L’ordinateur permet aussi d’envoyer et de recevoir le contenu tiers pour les effets et les oscillateurs du moteur multi-engine, via l’application NTS-1 Digital Librarian. L’envoi et la récupération du contenu des slots se font très simplement avec deux boutons et des glissés-déposés. À noter que le format de fichier pour le contenu tiers est le format « ntkdigunit », mais que la plupart du temps les équivalents pour le Minilogue XD et le Prologue se chargent également sur le NTS-1, l’API étant apparemment compatible… La différence principale entre ces formats se situe au niveau des optimisations de code, et la gestion des entrées oscillateurs sub sur le format du Prologue.
Il existe également des utilitaires software ou web app dédiés au pilotage du NTS-1, ce qui permet d’avoir une vision globale sur les paramètres du synthétiseur, même si je n’en ai pas vus qui permettent de contrôler les fameux paramètres oscillateurs gérés par NRPN à ma connaissance malheureusement. Attention toutefois aux boucles de masse USB dans ce contexte, lorsque l’ordinateur alimente le NTS-1 en général, pour éviter d’avoir quantité de bruits de fond dans la sortie audio…
Encore pendu à une Korg
Pendant l’écriture de ce test et l’enregistrement des démos, j’ai passé beaucoup de temps à essayer plusieurs combinaisons de connexions du NTS-1 avec son environnement voisin. Le plus pratique pour moi a été de jouer du NTS-1 avec un clavier MIDI, de le séquencer dans Ableton Live/Reaper ou via mon Circuit Tracks. Je n’étais pas un grand fan des claviers à ruban des Monotrons, mais celui du NTS-1 me semble encore un cran en dessous honnêtement, d’autant plus qu’on ne peut pas changer l’octave en cours… Ainsi, au premier démarrage du joujou, avec le rendu sonore sur haut-parleur pour le préset de base et le clavier à ruban, celui-ci m’avait plus que laissé de marbre !
Dans mes STANs, j’ai soit enregistré directement mon jeu en live en audio, soit généré et édité des clips MIDI qui sont envoyés dans le NTS-1 et dont j’enregistre le rendu avec l’automation réalisée en cours de lecture à la main, avec les effets en interne et un peu de plug-ins par-dessus. D’ailleurs c’est un exercice pédagogique assez intéressant de faire une composition entièrement en passant uniquement par le NTS-1 sans présets et sans recall, donc avec tout le sound design à gérer en live en plus de la performance.
Par contre, l’alimentation se faisant par USB, le synthétiseur est sujet à ces fameux bruits stridents issus des boucles de masse USB si vous utilisez un des ports USB de votre ordinateur, comme on peut en avoir avec la moitié au moins des appareils équivalents. Faute de possibilité d’utiliser des piles ou une batterie interne, on pourra se rabattre au choix sur une alimentation externe standalone, comme celles qui permettent de recharger les téléphones, utiliser des isolateurs USB, des hubs actifs correctement conçus, ou encore se brancher directement sur le secteur. On regrettera aussi l’absence de bouton ON/OFF, ce qui oblige à débrancher/rebrancher la machine pour l’éteindre/l’allumer. Attention aussi avec certaines batteries externes qui risquent de faire la tête si le NTS-1 envoie trop de signal, chose qui m’est arrivée avec des délais à feedback.
Autres remarques, malgré le fait que le synthétiseur soit numérique, ses concepteurs n’ont pas souhaité y intégrer de système de présets. Pire, contrairement à un synthétiseur analogique « à l’ancienne », où il est possible au moins de laisser ses câbles et positions de potards en place d’une session sur l’autre, le NTS-1 se remet toujours sur son état par défaut au démarrage, il n’est pas possible de faire de recall de son état précédent. Ainsi, le moins qu’on puisse dire, c’est que le NTS-1 impose à ses utilisateurs d’apprendre à s’en servir et d’aller à l’exploration. Il est possible toutefois d’utiliser les applications de pilotage du NTS-1 pour sauvegarder des sets de paramètres — et donc des présets — mais cela impose d’utiliser l’ordinateur systématiquement, et à l’heure actuelle toutes les applications que j’ai essayées ne gèrent pas les paramètres secondaires des utilisateurs tiers…
Parlons également d’un petit détail, les câbles ! Je ne sais pas si je suis le seul à galérer avec ça, mais pour me faire une petite installation « portable » à base de NTS-1, Circuit Tracks, et NTS-2 (on en reparlera prochainement promis !), j’ai eu l’impression de devoir utiliser un standard de câble différent pour chacune des connexions : minijack stéréo, MIDI DIN vers minijack, séparateur stéréo vers câbles mono minjacks, adaptateurs, jacks 6,35 mm, etc.
En dehors de ces problématiques, je n’ai pas eu de souci particulier pour utiliser le NTS-1, dès que celui-ci est connecté correctement à son environnement. Je le trouve plutôt robuste, avec un niveau de bruit relativement faible, même en utilisant des effets tiers de distorsion. Les formes d’ondes de base font le taf, avec des possibilités de sound design étendues grâce à leurs paramètres Shape (dont le premier est modulable par le LFO), et je n’ai pas constaté spécialement d’aliasing, juste un peu d’atténuation dans le haut du spectre. Le filtre passe-bas est également vraiment utile pour amplifier certaines zones de fréquences en utilisant la résonance, voire pour donner un peu d’agressivité à certains sons, mais ne possède pas de personnalité très affirmée y compris en auto-oscillation.
- Illusion or not02:15
- Axiom of Sorrow02:50
Concernant les effets de base, j’ai été assez agréablement surpris par les réverbes, comme ce fut le cas sur le Minilogue XD, qui sont assez diversifiées, notamment avec leur réglage de taille, et particulièrement la Space ainsi que celles qui proposent un effet Shimmer vers le haut (la Riser) et vers le bas/le gras (la Submarine), du plus bel effet. Les délais proposent un peu de diversité, notamment le Tape que je trouve du plus bel effet, et on peut jouer avec les tailles de délai en live pour obtenir des effets de pitch shifting, ou faire des choses marrantes avec un feedback assez élevé, pour faire des accords ou des drones comme sur un looper. On regrettera simplement de ne pas pouvoir les synchroniser au tempo, même si heureusement des délais proposant cette fonctionnalité existent en contenu tiers. L’information de tempo est utile principalement pour l’arpégiateur, et la synchronisation se fait de manière plutôt transparente dans un environnement branché au MIDI avec un STAN.
Pour les modulations elles font le taf on va dire, même si j’aurais aimé des phasers avec un peu plus de diversité par exemple, n’étant pas fan personnellement de ceux du Minilogue XD non plus. J’ai l’impression que l’effet « Ensemble » envoie un peu plus de signal d’un côté que de l’autre de la stéréo, mais rien de très méchant. Enfin, l’aspect multieffets est vraiment très utile et pratique pour mixer des signaux de synthétiseur dans un set avec le rendu sonore classique du NTS-1, ou comme unité de modulation/délai/réverbes dans un pedalboard pour guitariste. Par contre, le signal externe ne peut pas passer au travers du filtre.
De nouvelles Korg à son arc
On aurait pu s’arrêter là dans le test, ou évoquer rapidement la possibilité d’embarquer du contenu tiers dans le Korg NTS-1 si le test avait été fait à la sortie du produit. Sur le papier, la proposition de Korg de donner accès à 16 slots utilisateurs pour les oscillateurs et entre 8 et 16 pour chaque type d’effet (mod, delay, reverb) est effectivement intéressante pour apporter un peu de diversité au rendu du synthétiseur monophonique, et permettre un peu de personnalisation supplémentaire pour les aguerris du code qui veulent s’attaquer au SDK logue (voir encadré). On pourra trouver des exemples de contenu additionnel payant ou gratuit disponible en visitant une page dédiée de Korg, ou encore en faisant des recheches sur Google, Github, ou sur les pages Facebook et Reddit du NTS-1.
Dans les faits… Disons qu’un des intérêts principaux de Korg NTS-1 réside en fait dans son contenu tiers, et que si vous utilisez la machine avec certains oscillateurs ou effets utilisateurs, si vous n’étiez pas encore fan de la machine jusque là, vous pourriez carrément en tomber amoureux ! La créativité des développeurs et utilisateurs du synthétiseur, possible grâce à l’ouverture de Korg et la mise à disposition du SDK logue, a en effet rajouté beaucoup d’intérêt à la machine (et aux autres synthétiseurs Korg d’ailleurs).
Sans faire un tour complet de l’existant, disons que certains contenus actuellement disponibles au moment du test sont plutôt classiques, et constituent des alternatives aux oscillateurs et effets existants, tels que les excellentes réverbes gratuites de Hammond Eggs Music, le portage de la réverbe granulaire Albedo de Sinevibes, les innombrables oscillateurs tiers qui permettent de faire de la supersaw avec formes d’ondes et detuning variables (démo ci-dessous), des effets de chorus comme cette modélisation du chorus Juno 60 de peterall, ou des délais et chorus à base de BBD et synchronisés (ah !) au BPM courant, l’oscillateur orienté chiptune, une incontournable section de 4 oscillateurs virtual analog…
Et puis il y a le reste, avec pêle-mêle un looper dont on peut effacer l’enregistrement en bougeant un potard très vite de gauche à droite, des oscillateurs tiers qui génèrent des sons avec plusieurs notes voire des accords dont on règle le nombre de notes et l’intervalle, une modélisation complète de miniKorg 700 S, de Volca bass ou de Roland J-6 avec toute sa banque d’accords et de patterns, des portages de certains effets et oscillateurs des modules Eurorack de Mutable Instruments, des boites à rythme comme ce Bobby qui s’affranchissent de l’absence de polyphonie pour jouer plusieurs sons en même temps avec patterns et consorts, des distorsions, des compresseurs, des oscillateurs qui modélisent une section analogique à 4 oscillateurs ou un synthétiseur FM, même un sampleur ou un programme qui récupère des samples et génère un oscillateur tiers qui les contient, des séquenceurs avec mémoire, des effets de stuttering, des générateurs de dessin pour les oscilloscopes, des sources de bruits, des oscillateurs avec un paramètre de glide qui faisait défaut au NTS-1. J’ai même pu tomber sur une distorsion qui s’appelle Cabernet qui propose en option différents simulateurs d’enceinte guitare, codée en assembleur, ce qui permet de brancher directement un préampli ou une sortie d’amplificateur atténuée dans le multieffet (démo avec juste un AMT P2 sortie préamp branché dedans). Le NTS-1 pourrait d’ailleurs vraiment trouver une place de choix dans un pedalboard, si on considère qu’en plus des effets classiques et du Cabernet, on a ici accès à un looper ou à la possibilité de jouer des accompagnements grâce à l’arpégiateur !
- Bobby Phaser Reverb02:41
- J6 Chords00:40
- Super Monotron01:28
- PH neutre (Corrosion + ARP)04:23
- Gros Champignon de Métal Baveux00:41
En résumé, c’est du costaud, tellement qu’il faudra faire attention avec certains contenus qui peuvent monopoliser la charge CPU disponible et vous obliger à couper certains autres effets, sous peine d’avoir des craquements ! J’ai constaté également que l’usage de délais utilisateurs avait une fâcheuse tendance à couper le son sur les réverbes (factory), je ne sais pas si c’est un simple bug ou des problèmes de partage de ressources… Petit inconfort, comme sur le Minilogue XD, il est impossible d’utiliser à la fois un délai utilisateur et une réverbe utilisateur, il faudra se contenter du contenu de base dans une des deux catégories.
- La danse du ducking02:06
- Nu:Tekno Summer One04:10
- Siawave05:50
Au passage, le contenu disponible gratuitement est plus que conséquent et suffisant pour étendre les possibilités du NTS-1. Les contenus payants sont évidemment également intéressants, notamment tout ce qui est proposé par la boite Sinevibes, mais honnêtement je les trouve assez chers en comparaison du prix du NTS-1 (entre 19 et 49 euros pour des oscillateurs par exemple). Je n’en conseille l’acquisition que si vous avez déjà bien épluché le contenu gratuit, que vous comptez vous en servir avec d’autres machines logue, ou qu’un certain oscillateur ou effet vous fait vraiment trop de l’œil.
Conclusion
Lorsque j’avais fait la découverte du Korg NTS-1, je dois avouer que j’étais passé un peu à côté du truc. Je me servais beaucoup du Minilogue XD, que j’avais commencé à programmer pour combler quelques manques, et le NTS-1 me servait de machine de test du code d’appoint, puis de compagnon au Novation Circuit Tracks, mais sans grand enthousiasme. Il faut dire qu’au premier abord, le synthétiseur ne paye pas de mine, que ce soit au niveau du design ou des fonctionnalités, notamment avec ce fichu clavier à ruban, ou le haut-parleur très lo-fi. À la première utilisation, on a donc un bidule qui fait juste « pouet pouet » et qui est difficile à jouer. Et puis en l’utilisant, en lui ajoutant du contenu tiers, et en le branchant à une interface audio + des contrôleurs, la proposition devient plus qu’intéressante, même un peu abusée pour un synthétiseur hardware et multieffet à seulement 99 euros ! Sa valeur s’est vraiment bonifiée avec le temps, ou ses extensions parfois novatrices, et je pense sincèrement ne pas en avoir encore fait le tour.
Alors il n’est pas exempt de défauts évidemment, qu’on excusera en grande partie pour son prix, notamment sur l’absence de bouton d’alimentation (ce qu’ils n’ont pas fait avec son successeur on y reviendra), le choix bizarre de ne pas attribuer de CCs aux paramètres oscillateurs, l’impossibilité de sauvegarder des présets ou de faire du recall. Des utilisateurs ont fait état également de problèmes de solidité dans le temps, que je n’ai pas constatés personnellement sur ma machine (achetée en 2020). Je n’ai rien trouvé de vraiment rédhibitoire, surtout que la prise en main est assez rapide et le workflow efficace, et pour les présets j’irais même plus loin, je trouve que c’est une bonne chose qu’il n’y en ai pas ! Ici je trouve que cela oblige à vraiment se l’approprier sans que ce soit si problématique, l’architecture étant quand même relativement simple d’accès.
Et chaque ajout de contenu tiers, heureusement disponible en quantité sans débourser un euro supplémentaire, ouvre des possibilités qu’il est nécessaire de découvrir soi-même, ou peut donner des idées à ceux qui veulent se frotter au code. Bref l’usage du NTS-1 créé de l’engagement, et dispose de territoires et d’usages à explorer plus que conséquents, chose étonnante pour un « simple » synthétiseur monophonique multieffet en bonus. Je ne connais pas de produit équivalent honnêtement, à part peut-être le Empress Effects Zoia qui est beaucoup plus cher et plus complexe, donc beaucoup moins accessible. À la limite, le seul gros bémol à mon sens est que le support du NTS-1 semble un peu abandonné par Korg, qui ne fait plus de mises à jour du firmware depuis 2021, ou même de la page qui répertorie les producteurs de contenu tiers. Bon, on aurait quand même vraiment apprécié la possibilité de l’alimenter sur piles, ou d’avoir un moyen simple de faire du recall par exemple pour le contexte live…
Mais malgré les quelques défauts relevés, pour tous ses bons points, et encore une fois en vertu du prix affiché, je n’ai pas d’autre choix que d’accorder à ce produit la note de 9/10 et un award qualité/prix, pour le set de fonctionnalités et l’expérience apportée !