Cinq ans après les premiers Volca, la série s’enrichit d’un nouveau modèle consacré à la synthèse analogique modulaire d’inspiration West Coast. À vos patches !
Décidément, certains Volca poussent paisiblement à l’ombre des Minilogue. Trois ans en arrière, le Volca FM intégrait sans sourciller un DX7 dans le désormais célèbre mini-boitier monolithique, alors que le Minilogue faisait une entrée fracassante sur le marché du synthé analogique polyphonique. Cette année, ce sont deux nouveaux modules Volca qui arrivent discrètement sur la pointe des potentiomètres, alors que le Minilogue XD fait son show sous les sunlights du NAMM. La gamme Volca compte désormais huit modèles : Beats, Bass, Keys, Sample, FM, Kick… et maintenant Drum et Modular, qui viennent de nous parvenir en même temps. C’est le Volca Modular que nous testons ici.
Hello West Coast
Le Volca Modular est un mini-module qui reprend le format compact (19 × 11 × 4 cm) et léger (360 g) de ses aînés. La construction est sérieuse, avec une plaque en alu brossé vissée en façade et une coque rigide en plastique translucide. Les commandes ont un ancrage suffisant et une réponse fort correcte, que ce soient les 13 potentiomètres ou les boutons-poussoirs. La façade rassemble différents modules, à savoir 8 ou 11 suivant qu’on est de la police ou des manifestants. Il y en a un peu partout : oscillateurs à gauche, enveloppes au centre gauche, filtres au centre droit et effet à droite. Au-dessus, toujours des modules : horloge + Gates, générateurs aléatoires, split, sorties CV… en dessous, c’est le module de fonctions mathématiques qui occupe l’espace disponible sous les filtres. Quand on s’arrête sur le nom des modules, on sent déjà le truc inhabituel… c’est donc ça le West Coast style ?
On poursuit ce tour rapide avec les commandes de transport (+ fonctions secondaires) et un mini-clavier tactile de 16 touches en partie inférieure. Ce dernier permet de jouer le son, sélectionner l’octave, choisir des paramètres, appeler une séquence et programmer le séquenceur. Le Volca Modular a un look Buchla (alu, rouge, bleu) : West Coast style once again ?
La connectique, minimaliste, est située en partie haute : entrée alimentation (toujours pas fournie !) avec interrupteur secteur, entrée CV double mini-jack stéréo, entrée/sortie synchro mini-jack (l’entrée permettant aussi les mises à jour d’OS) et sortie audio stéréo mini-jack (casque / ligne). L’entrée CV permet de connecter deux sources, l’une à +/-5V (réduits ensuite à +/-3,3V en interne), l’autre à 1V/octave (0 à 6V convertis ensuite en interne) pour piloter le pitch ; elle est reliée à un module deux sorties au format physique du Volca Modular.
Il n’y a pas d’entrée MIDI, le choix du modulaire tout analogique est ici pleinement assumé (nous verrons d’ailleurs que le Volca Modular n’est pas vraiment un synthé qui se joue au clavier). Sous le capot, un mini-HP anecdotique et un compartiment permettant d’accueillir 6 piles AA (fournies cette fois) assurent l’autonomie totale de la machine, du moins pendant les 5 heures annoncées par le constructeur.
West Coast sound
Le Volca Modular est un synthé analogique monodique semi-modulaire avec séquenceur 16 pas. Les paramètres de synthèse ne sont pas mémorisables. En revanche, il y a 16 mémoires pour les séquences. Comme tous les Volca, l’un des atouts de la machine est de permettre de sélectionner, lire et enregistrer des séquences, tout en modifiant les sons avec les commandes en façade, sans interruption.
Nous avons parlé du West Coast style dans le look de la machine. Ce parti pris se traduit également dans les sonorités qui découlent du choix des modules. Rien à voir avec la synthèse soustractive habituelle que l’on trouve sur les modules Moog et dérivés ; ici, bien qu’en circuiterie analogique discrète, on parle de ratio, d’ondes repliées, de FM… Les sonorités obtenues sont très expérimentales, difficiles à décrire avec des mots répertoriés par l’Académie Française : on peut parler de FM distordue, d’aigus écartelés, de drones déchirants, de textures fuzzy (ça se dit, ça, Monsieur VGE ?) et de trucs qui ne tournent pas toujours rond. On adore ou on déteste, c’est pour le moins clivant ! Une petite réverbe numérique intégrée ajoute du bizarre à l’étrange en créant un effet spatial métallique, situé entre le ressort et la plaque. Bref, un caractère sonore singulier, spécifique, qui ne peut se suffire à lui-même.
- Volca Modular_1audio 01 Arp FM01:00
- Volca Modular_1audio 02 FM Bass00:50
- Volca Modular_1audio 03 RM Manual00:37
- Volca Modular_1audio 04 RM Seq00:53
- Volca Modular_1audio 05 RM FM00:46
- Volca Modular_1audio 06 Arp Random00:58
- Volca Modular_1audio 07 Wookie Balls00:46
West Coast synthesis
Le principe d’un synthé modulaire est de connecter différents modules pour créer, moduler et déclencher des sons. Le Volca Modular est semi-modulaire, ce qui signifie que certains modules sont préconnectés en interne ; dès qu’on branche un cordon, on interrompt la connexion préétablie pour créer sa propre organisation.
Qui dit micro-modules dit micro-cordons qui se branchent dans des micro-trous (50 entrées et sorties au total). En fait, ce sont des cordons à petite pointe métallique sans masse (qui se fait en interne). La machine est livrée avec 20 cordons de différentes tailles et couleurs. Les pointes ont tendance à plier facilement et les connections ont un peu de jeu, on se questionne sur la durabilité de tout cela. C’est également très facile de les égarer ou de les faire tomber entre deux tranches de console…
Faute de mémoires, la machine est livrée avec quelques programmes imprimés dans le manuel lapidaire de type double feuille de choux et sur un petit carton pense-bête. Les entrées et sorties des modules sont facilement différenciables par l’épaisseur du trait qui les entoure. Les tensions véhiculées entre les modules peuvent prendre 4 formes : audio (-3,3 à +3,3 V), commande (unipolaire 0 à +3,3 V ou bipolaire –3,3 à +3,3 V), Gate (+3,3 V) ou Trigger (+3,3 V). Ils ne sont donc pas directement compatibles avec le format Eurorack, c’est un choix pour préserver l’autonomie sur piles. Une protubérance circulaire dans le graphisme indique un signal audio, mais on peut connecter tout et n’importe quoi sans risque.
West Coast waves
Passons à la description des modules : on commence par le double VCO à ondes triangulaires organisées en porteuse / modulatrice FM exponentielle. On définit le ratio (1:4, 1:2, 1:1, 2:1, 3:1, 4:1) et la quantité de modulation avec des potentiomètres dédiés. Un troisième potentiomètre contrôle le repliement du spectre de l’onde porteuse, pour ajouter de la modulation audio, à mi-chemin entre un métaliseur et un larsen (le principe est de retourner la forme d’onde à partir d’une certaine amplitude). Amis des leads doux flûtés, passez votre chemin… le module offre 4 entrées de modulation (pitch, ratio, FM et repliement) et 2 sorties audio (porteuse modulée, modulatrice). Le pitch est aussi commandé par le clavier, suivant le choix d’octave et de tempérament ; on trouve 14 tempéraments en mémoire, avec possibilité de créer une gamme microtonale (précise au centième) à partir du tempérament en cours.
Les deux modules LPG combinent chacun un VCF passe-bas et un VCA simplistes. Ils offrent une entrée audio, une entrée niveau (qui contrôle à la fois la fréquence du filtre et le gain du signal filtré), un potentiomètre Cutoff (fréquence maximale de filtrage) et une sortie audio. Ces modules trop dépouillés : c’est un peu idiot de devoir passer de sons faibles filtrés à des sons forts brillants, puisque les deux paramètres font modulation commune ; de plus, il n’y a pas de contrôle de résonance. Petite déception sur ce plan, qui prive le Volca Modular de jolis sons filtrés bien ronds. En sortie, un effet numérique (hé oui !) permet d’élargir le signal injecté à son entrée, avec potentiomètre d’action et sortie séparée ; il s’agit d’une réverbe stéréo bouclée très court, dont on dose simultanément le niveau et le temps. Rigolote, sans plus…
West Coast mods
Après les modules de traitement audio, c’est au tour des modules de modulation. On commence par les deux enveloppes ; la première est une AHR avec réglages d’attaque et relâchement par potentiomètre, trois entrées (Gate, A, R) et trois sorties (modulation positive, modulation inversée et Trigger de fin de cycle). La seconde est une enveloppe AD ; on a deux potentiomètres pour régler les segments AD, trois entrées (Trigger, A, D) et 3 sorties (modulation positive, modulation inversée et Trigger de fin de cycle). Relier l’entrée et la sortie Trigger de cette enveloppe la fait tourner en boucle ; tant mieux, car il n’y a pas de module LFO.
Passons au module Woggle (les mouettes !), un générateur d’ondes aléatoires, doté de deux entrées (Sample et Trigger) et deux sorties (S&H et S&H lissée) ; deux petites LED battent en cœur à chaque impulsion.
Surfons rapidement sur le module Split à deux entrées et quatre sorties, capable de fonctionner à l’envers (mixeur passif). Attardons-nous un instant sur le module mathématique, voué à additionner deux signaux (A et B), dont le deuxième est modulé par un troisième © ; on trouve trois entrées (A, B et C), un potentiomètre de dosage pour C et deux sorties calculées (A+BxC et A-BxC) ; original, ça sent le Ring Mod ! Enfin, le module horloge + Gate est connecté au séquenceur à pas, dont nous parlerons plus tard. Il dispose d’un potentiomètre et d’une entrée horloge, ainsi que cinq sorties : Fourth, Third, Half, Gate et pitch. Un signal Gate est émis à la sortie Gate à chaque fois qu’une note est jouée, alors que les trois premières sorties sont des compteurs, qui émettent le signal Gate respectivement une fois sur quatre, trois ou deux.
West Coast motions
C’est déjà compliqué de bien maîtriser les différents modules du Volca Modular. Et si on les faisait bouger ? C’est tout le propos du séquenceur à mouvements intégré. On dispose de 16 pas comme sur tous les Volca sortis à ce jour. Le tempo est global. Pour perturber le cycle, on peut désactiver / réactiver n’importe quel pas sans détruire ce qu’il contient. On peut aussi jouer sur le sens de lecture : avant, rebond (avec répétition des pas extrêmes) ou stochastique. Dans ce dernier mode, la lecture d’un nouveau pas peut connaître quatre issues aléatoires : lecture du pas suivant, lecture du pas précédent, lecture du même pas ou saut du pas suivant ; c’est assez rigolo à écouter et à regarder, car les petites LED de pas se baladent dans tous les sens… Cette fois, on perd la fonction Step Jump, c’est la machine qui jumpe partout où elle veut ! On perd aussi l’accentuation et le découpage des pas, présents sur le Volca Drum. De même, le West Coast style ne connait pas le swing. Par contre, il est possible de changer la note de référence de la séquence de 1 à 12 demi-tons vers le haut (transposition), pas aussi pratique qu’une transposition clavier mais toujours bon à prendre.
Pour programmer un motif, on entre les notes soit en temps réel (par passes), soit en pas à pas (de manière séquentielle). L’édition se résume, en mode pas à pas, à supprimer le pas en cours d’enregistrement. Si on rate son coup en mode temps réel, on peut effacer les pas actifs ou toute la séquence. On peut modifier le temps de Gate, mais ça se limite au choix court / long et c’est global par séquence. Pour pimenter l’ambiance, rien de tel que l’enregistrement du mouvement des potentiomètres translucides (hors tempo) ; le Volca Modular capture les évolutions pendant le premier cycle, puis repasse en lecture ; les potentiomètres dont la valeur change s’éclairent alors en rouge et en rythme, sympa ! On peut désactiver les mouvements enregistrés (sans les effacer) ou les effacer réellement. Pour ceux que la programmation rebute ou qui aiment remettre au hasard le sort de leurs compositions, Korg a prévu une fonction de création aléatoire de séquences ; elle peut concerner les notes, l’activation des pas ou le micro-accordage. Une fois la séquence satisfaisante, on l’enregistre dans l’un des 16 emplacements mémoire. Il n’existe pas de fonction d’archivage externe. Un dernier mot pour signaler que le Volca Modular est dépourvu de mode Song. Il est toutefois possible de chainer plusieurs motifs consécutifs en maintenant 2 des 16 pads afin de définir la plage de chainage / bouclage. Ce chainage n’est pas mémorisable. Mince consolation…
Byebye West Coast
Le Volca Modular assume totalement son West Coast style : choix des modules original, sonorités singulières. Ses territoires sont dans un registre bien spécifique : timbres agressifs, modulations extrêmes, micro-séquences infinies… il faut le savoir avant de se lancer, le Volca Modular est certes très original, mais pas du tout polyvalent ! Produit clivant par excellence, certains vont l’adorer, d’autres le détester. Nous avons pour notre part mis pas mal de temps à intégrer le concept : les modules ont peu de paramètres, les réglages sont hyper-sensibles, le séquenceur à mouvements est difficile à doser et les sons obtenus sont éloignés de nos goûts. Bref, nous sommes peut-être trop East Coast, mais tout cela reste subjectif. Ce qui est objectif en revanche, c’est l’interrogation sur la durabilité des cordons de patch et des points de connexion. De même, nous regrettons l’incompatibilité avec le format Eurorack. Au final, notre recommandation la plus appropriée, une fois n’est pas coutume, c’est d’aller le tester soi-même…
Tarif généralement constaté : 199 €