Surprise de taille de cette fin d’année 2010, le nouveau Motif XF de Yamaha met un coup de booster à la qualité sonore et à la spontanéité des workstations. Quelle distance met-il dans la vue de ses concurrents ?
Depuis le M1 sorti il ya plus de 20 ans, les workstations n’ont cessé de progresser. Si 128 voix de polyphonie semblent devenues un standard de nos jours (ou une barrière technologique ?), la taille de la mémoire PCM et de la section effets continue à se développer. Il faut dire que l’offre logicielle met la pression dans ce domaine. D’un côté, des giga banques sans compromis sur la mémoire ; de l’autre, quelques centaines de méga dans le meilleur des cas et pas de streaming audio. Résultats, des instruments moins expressifs, avec moins de couches sonores et de possibilités d’articulations de jeu. Toutefois, les logiciels ne parviennent pas encore à générer avec stabilité autant de polyphonie et de multitimbralité qu’une workstation matérielle, sans parler des temps d’activation, cruciaux pour la scène ou la créativité. La workstation conserve encore le monopole de l’autonomie et de la spontanéité… sauf quand il s’agit de charger des samples supplémentaires pour étendre la palette sonore. Le Motif XF est né de ce constat, repoussant encore les limites de la taille de la Rom embarquée dans une workstation et minimisant les temps d’activation grâce à de la mémoire permanente pour les échantillons utilisateur. La workstation idéale serait-elle entre nos mains ?
Top classe
À peine installé au studio, une impression immédiate de qualité et de sérieux se dégage du Motif XF. L’esthétique est une réussite : robe anthracite et noire, LCD central avec texte rouge sur fond gris, nombreuses commandes couvrant la façade… tout cela donne envie de toucher. La construction en métal est solide, tout comme l’ancrage des boutons, rotatifs et curseurs. La partie gauche du panneau avant est dédiée au contrôle temps réel : accès aux paramètres de synthèse, mixage multitimbral, commandes de transport des séquences, transposition d’octaves, déclenchement des arpèges, activation / coupure des effets. Coup de chapeau aux commandes de transport, en relief et montées sur ressorts, très faciles à atteindre et très agréables à manipuler. 2 touches de fonction assignables permettent d’appeler différentes articulations de sons, nous y reviendrons. En plus des 2 molettes de pitch et de modulation, on trouve un petit ruban de contrôle. Au centre trône un LCD couleur 320 × 240 pixels au contraste réglable, surplombé de 2 rangées de 6 touches Soft, dont le rôle varie selon la page écran. Enfin à droite du panneau de contrôle, on trouve les commandes de navigation, de mode de jeu / d’édition / de sélection des sons, c’est-à-dire pas moins de 68 boutons et un gros encodeur. La machine est déclinée en 3 versions : 61, 76 et 88 touches lourdes. Nous avons testé le Motif XF6, avec son clavier semi-lesté en plastique de 61 touches, sensible à la vitesse de frappe et à la pression de zone. Il s’agit d’un modèle de la série FSX, très agréable et expressif à souhait, sur lequel on peut taper très fort sans déclencher inopinément l’aftertouch. Du beau boulot !
Le panneau arrière est truffé de trous : un connecteur 3 broches pour cordon secteur (ce qui signifie alimentation interne, tant mieux), une prise réseau RJ45 Ethernet, 2 prises USB2 (type A et B pour relier la machine à un ordinateur hôte ou une mémoire de masse) et un bouton de réglage du contraste du LCD ; côté Midi, on a le droit à un seul trio In / Out / Thru, un second Midi Out aurait été bienvenu, d’autant que le Motif XF propose un mode clavier maître bien fichu ; côté contrôles, 4 prises pour pédales (2 interrupteurs et 2 contrôleurs continus) ; côté audio, 1 entrée stéréo sur 2 jacks 6,35 avec potard de gain (pas très pratique à l’arrière), 2 sorties stéréo sur 4 jacks 6,35 (où est le temps où les workstations haut de gamme avaient 4 paires de sorties stéréo ?) et une prise casque (à l’avant, ça aurait été aussi plus pratique). Ce n’est pas fini, puisque qu’on trouve de série une sortie numérique S/PDIF RCA (stéréo 24 bit /44,1 kHz) et une trappe pour installer une carte FireWire optionnelle FW16E transformant le Motif XF en interface audio / Midi (6 entrées audio, 16 sorties audio, 3 entrées + sorties Midi). Jusque-là, rien que du très pro, mais rien de neuf par rapport au Motif XS. C’est sous le capot que les choses changent, sous forme d’une nouvelle trappe capable d’accueillir 2 cartes mémoires Flash optionnelles de 512 ou 1024 Mo pour sauvegarder des samples en mémoire permanente (détails plus tard). C’est ça le F du XF !
Edition profonde
Qui dit workstation, dit multiplicité des modes de jeu, profondeur d’édition, complexité des effets et pléthore de paramètres… bref, souvent le cauchemar en matière d’ergonomie. Les constructeurs en ont bien conscience et certains proposent des écrans tactiles, d’autres des LCD larges comme des télés et d’autres enfin des commandes en temps réel. Le Motif XF regorge de commandes temps réel : boutons d’activation / coupure d’éléments sonores ou de piste, 8 potards multifonctions (6 positions) et 9 faders (dont 1 de volume et 2 assignables) pour les commandes temps réel (paramètres de synthèse, effets, arpèges, mixage des canaux), 2 touches de transposition par octave (mais pas par demi-ton, un oubli !). Toutes ces commandes sont largement espacées et très agréables au toucher, que ce soient les potards avec point central, les faders avec une course de 60 mm, les commandes de transport du séquenceur avec de gros boutons à ressort. La sélection des très nombreux sons est facilitée par un tas de commandes dédiées : 16 banques, 8 sections par banque et 16 sons par section. Une touche de sélection par catégorie permet de filtrer la base de donnée suivant la (ou les) catégorie(s) programmée(s) pour chaque son, effet, arpège…
|
Le Motif XF opère selon 4 modes de jeu ou d’édition : Voice pour les programmes, Performance pour les combinaisons de programmes, Song (séquenceur) et Pattern (motifs rythmiques complexes). Le mode Master permet de programmer 128 sélections issues de ces modes pour les enchaîner rapidement, idéal sur scène. S’y ajoutent les fonctions Sampling, Mixing (pour mixer un Pattern / Song), File (pour la gestion des fichiers) et Utility (mode global). Côté navigation dans les pages menu, l’ergonomie est bonne, grâce au LCD au graphisme agréable et clair. Le principe est d’avoir un ensemble de 6 onglets représentant une page menu et jusqu’à 6 sous-onglets secondaires pour chaque page, chacune appelable directement à l’aide des 2 rangées de 6 boutons Soft situées sous le LCD. Il y a tellement de modes d’édition (éléments de programmes, programmes, canaux des Performances, Performances, Mixage, Pattern, Song, Sampling…) qu’il faut un peu de temps pour la prise en main, mais rien d’insurmontable. La plupart des pages menu offre des représentations graphiques de ce qu’il se passe : table de mixage, édition matricielle ou linéaire, enveloppes, courbes de filtrage, formes d’ondes des LFO complexes, routage des effets, matrices de modulation, pistes du séquenceur, formes d’ondes des samples… De ce côté-là, rien à dire, c’est bien fichu. On peut même choisir la couleur du texte et repositionner les sections principales de jeu dans les pages menu. Dès qu’il faut assigner une zone clavier à un paramètre ou sélectionner une touche, cela se fait directement au clavier. Une touche Job, sans laquelle le Motif XF ne serait pas un Yamaha, est présente, permettant de faire du travail administratif selon le contexte d’édition (initialiser, comparer, rappeler, copier, supprimer…).
Pour être tatillons, nous aurions préféré que les paramètres soient exprimés dans leur véritable unité, comme chez Kurzweil, plutôt que sous forme numérique peu significative. Pour ceux qui aiment la lecture, Yamaha livre le Motif XF avec un certain nombre de modes d’emploi (en français, bravo !), sous forme papier (pour le manuel de démarrage) ou informatique (manuel de référence, manuel des paramètres). Cela représente environ 500 pages de lecture, ce qui permettra de patienter pendant les 30 secondes dont a besoin de Motif XF pour booter. Tant qu’on râle, signalons la lenteur lors des changements de programme (1 seconde), le fait qu’aucune diode ne clignote en tempo pendant le jeu d’un arpège (alors que c’est le cas pour les séquences) et l’absence de pads.
Rom étendue
Toute nouvelle workstation embarque son lot d’améliorations (cf. encadré). Côté sons, les programmes se basent sur une Rom PCM de 741 Mo de formes d’ondes (équivalent 16 bits linéaire), soit plus du double du précédent Motif XS (355 Mo), à comparer aux 175 Mo du Motif ES et aux 84 Mo du Motif originel. Cela représente un total de 3997 multisamples. Cette Rom reprend l’intégralité des ondes et programmes du Motif XS. 128 Voix et 8 Drumkits tirant partie des nouveaux samples sont stockés en banques User 1 et Drum User, ce qui consomme de la place, mais permet une compatibilité totale avec le XS. Des comparaisons des sons communs XF/XS existent sur le Net, donc inutile d’en rajouter ici, d’autant que les très légères différences se limitent à des histoires d’égalisation.
- Motif Xf Prog Apiano102:05
- Motif Xf Prog Apiano200:33
- Motif Xf Prog Apiano301:30
- Motif Xf Prog Wurly00:17
- Motif Xf Prog Clavinet00:18
- Motif Xf Prog Bass00:34
- Motif Xf Prog Strings01:29
- Motif Xf Prog Vibes00:31
- Motif Xf Prog Fhorns00:31
- Motif Xf Prog Rhodes00:37
- Motif Xf Prog Stabs00:29
- Motif Xf Prog Synthbass00:24
- Motif Xf Prog Guitars01:13
- Motif Xf Prog Accordeon00:26
- Motif Xf Prog Pads00:35
- Motif Xf Prog Harpsi00:26
Les exemples sonores illustrant cet article sont tous issus des nouvelles formes d’ondes du XF, sauf le Rhodes et le Wurly (Rom déjà présente sur le XS), parce qu’ils le valent bien. Notre avis sur cette nouvelle Rom (tout comme sur l’ancienne) est on ne peut plus positif : le nouveau son de piano 7 pieds S6 (qui vient compléter le multisample de piano 9 pieds CFIIIS) est très versatile, expressif, grâce à des échantillons de notes relâchées et des effets de résonance sympathique, utilisant la technologie Half-Damper (pédale de Sustain à mi-course). Une simple égalisation permet de passer facilement d’un piano doux à un piano rock plus agressif. Les nouvelles guitares et basses sont très musicales et tirent pleinement parti des effets de simulateur d’ampli et de saturation, dont la plage d’action va du subtil au plus déjanté. Là encore, des couches supplémentaires de samples combinées aux 2 boutons assignables et à la technique de jeu au clavier permettent un rendu et une expressivité supérieurs (quelques mots plus tard sur cette technologie, baptisée XA).
Poursuivons l’écoute avec une nouvelle section de cordes stéréo, qui vient relever le niveau un peu faible des précédents Motif. Là, on se rapproche de la musicalité des cordes du PC3 Kurzweil. Les nouveaux samples d’orgues ne nous ont pas fait tomber par terre, ils sont corrects, mais sans plus, avec un effet Leslie en retrait. Même si on peut jouer des 8 tirettes harmoniques, on doit se contenter de lecture d’échantillons (donc jusqu’à 8 couches), pas de véritable modélisation. Les nouveaux PCM offrent également des sons de cuivres bien fichus, un chouette vibraphone (Tyros 4 ?), des accordéons (Tyros 3 à coup sûr !) et une pléthore de nouveaux samples synthétiques, issus notamment de gros polyphoniques vintage. Pour terminer ce tour des nouveautés sonores, nous avons beaucoup apprécié la qualité des nouveaux kits de batterie : sons acoustiques très réalistes (fûts en érable et en chêne), gros sons hip-hop, percussions orchestrales et ethniques (latines, orientales et extrême-orientales). Au global, de nouveaux sons où la qualité a largement pris le dessus sur la quantité.
|
8 couches sonores…
Le Motif XF utilise la même synthèse sonore que le XS, à savoir la lecture d’échantillons. Ce qui signifie d’emblée : aucune autre forme de synthèse, ni en interne, ni par cartes d’extension. Yamaha nous a confié que le choix avait été fait de ne plus utiliser les anciennes cartes PLG-150 pour deux raisons : la première est liée à la demande, puisque les ventes de cartes PLG avaient été très faibles comparativement aux ventes de Motif ; la seconde est de l’ordre de la rupture technologique, puisque les Motif nouvelle génération tournent sous Unix (le code de l’OS est d’ailleurs disponible en open source sur le site Yamaha). Yamaha a donc préféré échantillonner les sons majeurs générés par les principales cartes (synthés analogiques AN, sons DX et modélisation physique VL) et incorporer des techniques de jeu pour mieux imiter le comportement des instruments à vent à base d’échantillons (VL). Pour ce dernier cas, le Motif XF (tout comme le XS) utilise la technologie XA (Xpanded Articulation), une déclinaison du mode SA des Tyros, permettant de prendre en compte le jeu bien au-delà de la simple vélocité de frappe, en faisant entrer des critères tels que les notes liées, le staccato, le relâchement, pour déclencher différentes variations d’échantillons (Wave Cycle). Elle ne permet toutefois pas un rendu aussi spectaculaire que le mode SA2 inauguré sur le Tyros 3, qui permet de déclencher des glissandi entre 2 notes liées éloignées, idéal pour imiter les instruments à vent.
Synoptique de la section Voice (programme « Normal ») |
La polyphonie globale est de 128 notes, avec allocation dynamique. Un programme « Normal » peut contenir jusqu’à 8 couches sonores indépendantes, baptisées « éléments ». Chaque élément comprend un multisample (mono ou stéréo), une section filtres et une section ampli. On commence par régler la tessiture et la fenêtre de vélocité du multisample pour chaque élément. Plusieurs modes de jeu sont prévus, tel que legato, cyclique (entre les 8 éléments), aléatoire (idem), avec retard (synchronisable au tempo)… un programme simple se voit rapidement le lieu de complexes empilages ou enchaînements sonores. Continuons sur notre élément : le pitch dispose d’un suivi de clavier programmable et d’une enveloppe 5 temps / 5 niveaux (avec modulation par la vélocité sur les niveaux / temps et suivi de clavier sur les temps).
Le signal entre ensuite dans la section filtres à 18 algorithmes : LPF24D, LPF24A, LPF18, LPF18s, LPF12, LPF6, HPF24D, HPF12, BPF12D, BPFw, BPF6, BEF12, BEF6, Dual LPF, Dual HPF, Dual BPF, Dual BEF, LPF12+BPF6. On reconnaît dans ces sigles les modes (Low Pass, High Pass, Band Pass, Band Elimination), les pentes (24, 18, 12, 6 dB/octave, soit respectivement 4, 3, 2 et 1 pôles), les couleurs (« A » pour analogique, « D » pour numérique, « s » pour doux » et « w » pour « large ») et les combinaisons (« Dual » en parallèle et « + » en série). Les modèles numériques ont une résonance sifflante plus agressive que les modèles analogiques. Le paramétrage est très complet : la fréquence de coupure et la résonance sont directement modulables par la vélocité de frappe ; La fréquence de coupure possède, en plus, d’un suivi de clavier et d’une enveloppe multisegment de même puissance que celle de pitch ; en complément, un générateur de tracking à 4 points permet de régler, par segment, le comportement de la fréquence de coupure suivant la position sur le clavier. Le signal attaque alors la section ampli, avec sa propre enveloppe multisegment et son générateur de tracking tout aussi puissant que ceux du filtre, auxquels s’ajoute un générateur de panoramique (position fixe, suivi de clavier, aléatoire…). En bout de chaîne, un LFO basique à 3 formes d’ondes classiques permet de moduler séparément le pitch, le filtre et le volume. Vient enfin un petit EQ : 2 bandes semi-paramétriques, 1 bande paramétrique ou boost global de +6 / +12 / +18 dB. Tout cela, c’était pour l’un des 8 éléments, mais on n’en a pas encore fini avec le mode programme.
- Motif Xf Perf Stripbar00:59
- Motif Xf Perf Raide00:46
- Motif Xf Perf Blowrio00:59
- Motif Xf Perf Domination00:35
- Motif Xf Perf Sexibiza01:11
- Motif Xf Perf Saute00:38
- Motif Xf Perf Beat00:27
- Motif Xf Perf Pornochic00:50
… pour chaque programme
Parcours du signal d’1 des 8 éléments d’un programme simple (Voice) |
Au niveau des paramètres communs à tout le programme, il reste encore de quoi s’amuser. On y règle les catégories (2 principales et 2 secondaires) pour la recherche / le classement des programmes. Vient ensuite une page pour le mode de reproduction du programme entier : volume, panoramique, pitch, polyphonie, réponse au Pitchbend, portamento, tempérament (13 Presets), paramétrage des 2 potards assignables, réponse du ruban et celle des 2 touches assignables. Une page complète est dédiée à la matrice de modulations. Le principe est classique : relier 6 sources à 6 destinations avec une quantité de modulation bipolaire à définir. Les sources consistent en l’ensemble des contrôleurs physiques : Pitchbend, molette de modulation, pression, pédales, ruban, contrôleur à souffle (CC Midi assignable), 2 boutons assignables, sachant que les enveloppes, les LFO et la vélocité sont assignés par ailleurs dans les pages menus oscillateur / filtre / ampli spécifiques de chaque élément. Il y a plus de 100 destinations, parmi lesquelles tous les paramètres d’effets d’insertion, les départs effets, les enveloppes, les LFO, le pitch, la coupure du filtre, la résonance, le volume, le panoramique, le portamento, le délai de lecture des sons… mais pas le point de départ des samples.
Là où le Motif XF va plus loin que les workstations habituelles, c’est dans la possibilité d’embrayer / débrayer chaque élément pour chaque cordon de modulation, ce qui permet d’exclure certains routages. Bien vu ! Mais ce n’est pas encore fini, puisque le mode commun offre un LFO global, plus sophistiqué que les LFO d’éléments : 12 formes d’onde Preset dont des S&H, une forme d’onde programmable à 16 segments, un délai, une durée de modulation, des fondus de début et de fin, un mode One Shot, un reset, une phase, une synchro Midi (cette fois !), le tout avec affichage graphique de la forme d’onde obtenue.
La modulation de ce gros LFO est matricielle : 3 destinations à choisir parmi une liste de 70 paramètres, dont tous les paramètres d’effets d’insertion, le pitch, la coupure du filtre, la résonance, le panoramique et la vitesse des LFO des éléments. Pour chacun des 8 éléments, on peut régler l’intensité de modulation et la phase de ce LFO global, décidément très balaise… Seuls manquent à la fête, comme cela est le cas sur la plupart des lecteurs d’échantillons (à part les Kurzweil et dans une moindre mesure les Roland et le NordWave), des possibilités de modulations internes aux oscillateurs (genre PMW) ou inter oscillateurs (type synchro, FM, AM ou Ring Mod). C’est aussi dans ce mode commun que se règlent l’arpégiateur et les effets d’insertion, sur lesquels nous reviendrons plus tard en détail, parce que là il faut souffler un peu…
Synoptique de la section Voice (programme « Drum ») |
Et pour cela, rien de tel qu’un petit tour dans l’éditeur de kit de batterie (mode programme « Drum Voice »). Ce mode fonctionne de manière un peu analogue au mode programme « Normal », avec des paramètres globaux (mode commun) et des paramètres par touche (mode Key). Un kit peut ainsi contenir 73 samples assignés sur un clavier de 6 octaves. Seul hic et pas des moindres, on n’a le droit qu’à une seule couche sonore par note. Donc pour les percussions complexes et réalistes, c’est depuis le mode Sampling (décrit plus tard) qu’il faudra concevoir des sons à empilages multiples. Pour chaque touche d’un kit, on règle la forme d’onde, le pitch (avec action de la vélocité), le mode de déclenchement (exclusif, note off, tenue), l’assignation aux effets d’insertion, les niveaux de départ vers les 2 effets maîtres, la sortie audio, la coupure du filtre passe-bas (avec action de la vélocité), la résonance, la coupure du filtre passe-haut, le volume (avec action de la vélocité et enveloppe dédiée 3 temps / 2 niveaux), le panoramique (fixe, balayage automatique, aléatoire) et l’EQ (identique à un programme « Normal »). Là encore, c’est très complet. Le mode commun est une version très simplifiée du mode commun des programmes « Normal », nous ne nous y attarderons pas. Au final, la mémoire du Motif XF renferme 1664 programmes « Normal » (dont 512 pour l’utilisateur) et 97 programmes « Drum » (dont 64 pour l’utilisateur). De quoi faire !
Modes multitimbraux
Synoptique de la section Performance |
Le Motif FX peut évoluer selon différents modes multitimbraux. En mode Performance, on peut mélanger 4 programmes indépendants. 4 ce n’est pas assez, 8 aurait été mieux. Dans ce mode, chaque partie peut émettre et recevoir sur son propre canal Midi. En mode jeu, on accède rapidement à certains paramètres de mixage et de synthèse pour chaque canal : tessiture, octave, ADSR filtre, ADSR volume, coupure du filtre, résonance… en édition, on définit les catégories principales et secondaires de la Performance, les effets maîtres (voir ci-après) et les réglages par canal : paramètres de mixage et de synthèse évoqués précédemment, panoramique, accordage, fenêtre de vélocité, portamento, sorties audio, assignation et départs effets, réponse des contrôleurs physiques, arpèges… l’entrée audio peut également être configurée dans ce mode et vient s’ajouter au mélange des 4 canaux Midi. Une fonction permet d’exporter les réglages de ces 4 canaux vers un Pattern ou une Song. Au total, la mémoire interne renferme 512 Performances utilisateur, préchargées d’usine.
Le mode Mixing est le mode où l’on règle les 16 canaux multitimbraux, c’est-à-dire choix des programmes, canal de réception Midi, tessiture, vélocité, mixages et effets (assignation aux effets d’insertion et départs vers les effets chorus / réverbération) et sorties audio pour les Pattern / Song. L’entrée audio dispose aussi d’une configuration spéciale dans ce mode. En mode Mixing, on peut éditer les programmes dans leur contexte. En appuyant sur la touche Soft idoine, on bascule dans l’éditeur « Voice ». Il se pose alors le choix cornélien d’écraser ou pas le programme en cours. Pour pallier ce problème, le Motif XF peut enregistrer 256 programmes supplémentaires indépendants (appelés voix de mixage) et les assigner à n’importe quel canal en mode Mixing. Pas bête… Un programme de mixage est sauvegardé avec chaque Pattern / Song, comme nous allons le voir.
Motifs à tous les étages
Pour faire bouger tout ce beau monde, le Motif XF dispose de puissants arpégiateurs, proches de ce qu’on peut faire sur un arrangeur, à tel point qu’on se demande quand les 2 segments vont définitivement converger. Les arpégiateurs reprennent les mêmes fonctionnalités que sur le Motif XS. Le nombre de riffs passe toutefois à 7881. Il s’agit de motifs d’arpèges polyphoniques complexes dont certains utilisent les MegaVoices, empilages sonores permettant un réalisme accru dans le jeu rythmique suivant la vélocité (par exemple, des cocottes de guitares avec poussé / tiré, liaisons, déclenchement d’harmoniques, glissés de cordes…). Non seulement les notes sont gérées, mais également des paramètres de synthèse et de mixage, les zones de jeu, la vélocité de frappe, la reconnaissance d’accords, le swing, le tout en temps réel. Il existe des arpèges différents pour les programmes « Normal » et les programmes « Drum ». On trouve également 256 arpèges utilisateur (4 pistes de 16 notes), que l’on créée entièrement à partir de l’un des modes Pattern ou Song. Chaque programme offre 5 variations d’arpèges, que l’on peu enchaîner parfaitement en tempo, en utilisant les touches Soft situées sous l’écran. Dans les modes multitimbraux, on peut reproduire 4 arpèges simultanément : chaque programme vient avec ses propres arpèges en mode Performance, mais un arbitrage est nécessaire en modes Pattern / Song où on peut associer jusqu’à 4 arpèges à différentes pistes pour le jeu ou l’enregistrement.
Autre morceau de bravoure, les modes séquenceurs, décomposés en 2 parties distinctes : Pattern et Song. On travaille sur 16 pistes à concurrence de 130.000 notes, avec une résolution de 480 bpqn. La polyphonie passe de 128 à 124 notes, click et autres subtilités audio obligent. Le mode Pattern est à considérer comme un chantier rythmique où l’on empile jusqu’à 256 blocs élémentaires de motifs, à concurrence de 16 sections sur 16 pistes Midi ou audio, qu’on lie ensuite en boucle. S’agissant des pistes audio, le fonctionnement n’est pas celui d’un direct-to-disc classique comme on peut trouver à la concurrence ; là, le Motif XF déclenche un sample préenregistré avec les événements Midi correspondants pour lancer sa lecture (cf. paragraphe sampling). Il faut imaginer un Pattern comme une matrice 16×16, où tous les blocs ne sont pas forcément présents. On peut même créer des listes de lecture des sections en précisant, pour chaque pas, la section en cours, le calage temporel, les pistes à muter / activer… et envoyer le tout dans une Song. L’enregistrement des motifs se fait en temps réel, punch in / out, bouclage ou non, overdub ou remplacement, quantisation, utilisation d’arpège…
L’édition en liste permet d’intervenir très précisément sur chaque événement, modifier / insérer / supprimer, transposer, ajouter du Glide, mettre en place un roulement, remixer, éclater une piste de batterie en 8 pistes, découper les pistes en tranches, changer la compression temporelle, ou encore éditer les contrôleurs Midi. 5 scènes permettent d’appeler des instantanés des réglages principaux d’un Pattern à l’aide des touches de fonction. Au global, on peut stocker 64 Patterns de 256 mesures dans la mémoire du Motif XF. En mode Song, on gère des pistes Midi / audio sous forme linéaire, plutôt que sous forme de blocs. Cela n’empêche pas de les boucler, avec des durées de boucles différentes pour chaque canal. On retrouve les notions de mixage des pistes, de chaînage des morceaux et de scènes. L’enregistrement se fait en temps réel et l’édition détaillée sous forme de liste d’événements, tout comme dans le mode Pattern, avec affichage sous forme graphique. Au global, le mode Song peut gérer un total de 64 morceaux en mémoire vive. Ouf !
Le bal des effets
Synoptique de l’effet vocodeur 10 bandes |
La section effets des workstations est un concentré de puissance. Le Motif XF, bien qu’il n’apporte pas de nouveauté par rapport à son prédécesseur, est une usine à effets. La puissance, la qualité sonore et la profondeur de modulation y sont exceptionnelles, en particulier les algorithmes VCM tirés des tables numériques de la marque. En mode programme, on dispose de 2 effets d’insertion (A et B), de 2 effets globaux, d’un effet maître et d’un EQ maître. Les effets d’insertion sont les plus puissants, avec jusqu’à 16 paramètres modulables en temps réel. Ils peuvent être routés en série (A vers B, B vers A), en parallèle ou en mode vocodeur. On accède à plusieurs dizaines d’algorithmes (réverbération, délais, ensembles, compresseurs, simulateurs d’ampli, distorsions, EQ, vocodeur, effets techno…), certains issus de technologie à modélisation VCM, d’autres de célèbres modules d’effets hardware (ProR3, SPX1000). Une recherche par catégorie permet de s’y retrouver. Le vocodeur est de type 10 bandes avec compresseur / gate à l’entrée, décalage de formants, générateur de bruit, filtre passe-haut et accès aux gains des 10 bandes. Le signal d’analyse (modulateur) est externe (par exemple un micro relié à l’entrée audio A/D), alors que le signal de synthèse (porteur) est interne (programme du Motif XF). Dommage qu’on ne puisse insérer un porteur externe, tel qu’un synthé analogique vintage ou une String Machine…
Chaque élément d’un programme « Normal » peut être indépendamment routé vers l’un des 2 effets d’insertion, tout comme chaque touche d’un programme « Drum ». Les 2 effets globaux sont dédiés au chorus et à la réverbération. Le premier offre 14 algorithmes de chorus, flanger, phaser et petites réverbérations. Le second offre 16 réverbérations et délais, donc 2 algorithmes maison Rev-X de très bonne qualité, tirés du SPX2000. On peut régler l’envoi du chorus vers la réverbération, ainsi que le retour et le panoramique de ces derniers. L’effet maître global peut être activé ou non pour tous les programmes, mais n’est pas sauvegardé par programme. On y trouve des délais, compresseurs et différents effets déjantés pour détruire le son globalement. Également réglés pour tous les programmes, l’EQ global 5 bandes paramétriques.
En mode multitimbral (Performance, Pattern ou Song), chaque partie dispose d’un EQ 3 bandes paramétriques et de 2 effets d’insertion. Le Motif XF ne peut toutefois gérer « que » 8 jeux d’effets d’insertion : en mode Performance, cela ne pose aucun problème, chacun des 4 programmes récupère ses 2 effets d’insertion. Mais en mode Pattern ou Song, seulement 8 canaux sur 16 pourront être assignés à leurs effets d’insertion. C’est déjà pas mal, mais visiblement 2010 ne sera pas l’année « no compromise » pour les effets embarqués dans les workstations. Les 2 effets chorus et réverbération sont alors mis en commun, avec des départs réglables séparément par canal multitimbral. L’effet et l’EQ maîtres, cette fois programmables pour chaque Performance, Pattern ou Song, viennent clôturer ce bal des effets très impressionnant. Voici l’un des gros points forts de la machine !
Connexion des effets en mode Mixage : seules 8 parties conservent leurs 2 effets d’insertion du mode Voix
|
Connexion des effets en mode Performance : les 4 parties conservent chacune leurs 2 effets d’insertion du mode Voix
|
Connexion des effets en mode Voice |
Sampling intégré
Le Motif XF incorpore un échantillonneur stéréo 16 bits travaillant aux fréquences de 44, 22, 11 et 5 kHz, comme depuis l’A3000… On peut lancer la procédure de Sampling depuis les modes Voice / Performance ou Song / Pattern. L’éditeur diffère un peu. En mode Voice / Performance, on est dans une configuration classique de l’échantillonnage : capturer ou importer des échantillons, les assigner à des multiéchantillons, puis les utiliser comme source dans les sections oscillateurs. Échantillonner est facile : choix de la source audio (externe stéréo, FireWire si l’option est installée ou resampling interne), mode mono / stéréo, réglage des niveaux audio, déclenchement manuel / automatique, choix de la banque de destination, durée, fréquence, monitoring… dès que l’échantillonnage démarre, la forme d’onde capturée est affichée graphiquement en temps réel. Si le résultat est satisfaisant, on peut paramétrer la lecture : points de départ / boucle / fin, mode de reproduction (avant, arrière, bouclage), volume, pitch, panoramique… l’édition est on ne peut plus classique : troncature, bouclage, extraction, normalisation, compression / expansion temporelle, changement de pitch, fondus en entrée et sortie, division de fréquence, conversion stéréo vers mono, tranchage aléatoire ou avec affectation à un motif Midi. Les échantillons peuvent être assignés à 128 multisamples, suivant une tessiture et une fenêtre de vélocité, ce qui au passage permet de contourner l’impossibilité d’empiler les couches sonores sur une même touche en programme Drum. Chaque multisample peut ainsi contenir 256 assignations de samples. On peut penser que c’est peu pour les multisamples gourmands en notes et en couches sonores, mais rappelons-nous tout de même qu’un programme peut faire appel à 8 couches de multisamples…
L’échantillonnage depuis le mode Song / Pattern permet d’ajouter des pistes audio aux pistes Midi. Il ne s’agit pas de véritable DTD, les échantillons étant chargés en mémoire (un échantillon ne peut pas dépasser 32 Mo / 64 Mo selon qu’il est mono / stéréo) puis positionnés dans les morceaux à l’aide d’événements Midi pour être déclenchés au bon moment. Le principe d’échantillonnage est assez similaire au mode Voice / Performance, sauf qu’au lieu d’assigner un échantillon à un multiéchantillon, on l’assigne à une piste. La fonction de tranchage est importante à ce stade, puisqu’elle va permettre de conserver la vitesse de lecture d’un sample en synchro avec les pistes Midi, car le Motif XF n’est pas capable de faire du véritable time stretch en temps réel. Cette fonction est paramétrable avant sampling, le Motif XF se chargeant du découpage et du positionnement temporel des samples. Quelques fonctions permettent de se simplifier la vie : assignation automatique des samples à la note suivante, défragmentation mémoire (Ram et Flash), export direct du mix audio sur clé USB en Wave. Globalement, on est quand même encore loin des solutions logicielles, avec leurs traitements en temps réel, le bouclage assisté, le multisampling automatique et la déstructuration des samples…
Options Flash
Le problème des workstations est la limite de la RAM embarquée pour le sampling ou l’import d’échantillons additionnels, ainsi que les temps de chargement. Charger 1 Go de samples sur un Motif XS (comme sur un Tyros 3), peut prendre quelques dizaines de minutes. Face à ce problème, une alternative : soit un gros disque dur et le streaming audio, comme sur les logiciels ; soit la sauvegarde des samples à l’extinction des feux, afin de ne pas repartir de zéro à chaque fois. Avec le Motif XF, Yamaha a choisi la deuxième solution. On peut ainsi installer 2 cartes optionnelles de 512 ou 1024 Mo dans la bête, pour un total maximum de 2 Go ! C’est d’ailleurs pareil sur le nouveau Tyros 4. Cette mémoire vient compléter les 128 Mo de RAM volatile installés de base, ce qui nous donne un synthé capable de gérer presque 3 Go d’échantillons, ce qui devient plus qu’intéressant. Aucun autre synthé hardware n’en fait autant !
Pour mémoire, un rappel sur les machines actuelles qui embarquent de la mémoire flash pour les samples : 60 Mo pour le Blofeld de Waldorf (intégrés, avec licence payante pour le module), 128 Mo pour le PC3K de Kurzweil (intégrés de base), 180 Mo pour le NordWave de Clavia (intégrés de base, avec compression des samples). Pour ceux qui râlent sur le prix, rappelons-nous le prix des 8 Mo pour EX5 ou Trinity, des 16 ou 32 Mo pour E-mu Ultra : plusieurs centaines d’euros là aussi ! Voici quelques statistiques sur les temps de chargement en FlashRam : environ 3 secondes pour 1MB et plus de 20 minutes pour 512 Mo. C’est long, mais quand c’est fait, c’est fait ! Une fonction de défragmentation est prévue pour optimiser la FlashRam quand on y crée ou supprime beaucoup de fichiers.
Pour bien décider ceux qui hésiteraient encore à emboîter le pas, Yamaha offre la collection « Inspiration In A Flash », une bibliothèque de 480 Mo de formes d’ondes PCM, avec 3 banques de 128 programmes et des kits de percussions. Elle est disponible en téléchargement gratuit sur le site www.motifator.com (on y trouve aussi d’autres banques de samples de « parties tierces » de Garritan, Sonic Reality, Easy Sounds…). Chaque banque ne dépasse pas 128 Mo isolément, si bien qu’on peut utiliser cette collection sans FlashRam, uniquement avec la SDRam interne. La première banque contient 2 pianos acoustiques (le S700 du S90ES et le Power Grand du Motif originel), des instruments à vent (cuivres et bois) et des scats de voix. La deuxième banque nous plonge dans le monde du vintage : différents samples de tirettes harmoniques de B3, des ondes multisamplées de synthés analogiques vintage, ainsi qu’une sélection de célèbres claviers électriques. La troisième banque est dédiée aux instruments World orientaux (vents et cordes pincées), avec de nombreuses articulations tirant partie de la synthèse XA. Enfin, la quatrième banque est dédiée aux kits de percussions, avec des sets orientaux et des kits issus de la DTX900. Avec toutes ces banques installées dans notre FlashRam, tout l’espace mémoire User est plein !
- Motif Xf Kit Oak00:25
- Motif Xf Kit Orchestral00:24
- Motif Xf Kit Percu00:19
- Motif Xf Kit Turkish00:27
- Motif Xf Kit Japan00:30
- Motif Xf Kit Hiphop00:24
- Motif Xf Kit Maple00:22
Conclusion
Nous voici arrivés au bout de ce test, mais pas au bout du Motif XF, qui nous a étonnés par sa profondeur et sa puissance. Les propriétaires de Motif XS qui voudraient franchir le pas ne seront pas déroutés, puisqu’il s’agit clairement d’une évolution plus qu’une révolution. D’ailleurs on reste bien dans la terminologie « X ». Ceci dit, les nouvelles formes d’ondes sont une addition plus qu’appréciable, étant donnée la qualité proposée. Mais surtout, ceux qui ont attendu des dizaines de minutes que leur RAM se recharge après une panne de courant sur scène ou au studio savent à quel point l’option FlashRam est une bénédiction. La technologie était disponible, la capacité à la gérer aussi, on apprécie donc ne pas devoir attendre la prochaine rupture technologique pour avoir tout cela. Le Motif XF, on l’allume et ça le fait du premier coup ; quelle que soit son utilisation, live ou studio, il prend une sérieuse longueur d’avance sur ses concurrents et c’est bien mérité !