En février dernier, Electro-Harmonix dévoilait le dernier né de sa série de pédales pour guitare simulant des claviers, le Synth9. Cette fois, c’est aux synthés vintage que le fabricant s’attaque, pour le plus grand plaisir de tout une génération de guitaristes biberonnés au son 80’s. Adepte de la 6 cordes, vous avez toujours rêvé de plaquer des accords sur un OB-X, un Prophet-5 ou un MiniMoog, mais vos talents de claviériste laissent à désirer ?? Réjouissez-vous, le Synth9 est là.
Du vieux avec du vieux
Le Synth9 Synthetizer Machine est une pédale pour guitaristes simulant 9 synthétiseurs classiques. Il complète la gamme d’Electro-Harmonix constitué du B9, du C9, du Key9 et du Mel9 que nous avons testé il y a quelques mois. Le fonctionnement est strictement identique aux autres pédales, avec un gros bouton cranté permettant de naviguer parmi les neuf sons simulés, deux réglages de volume dédiés aux sons Dry et Wet, et deux contrôles dont la fonction dépend du synthétiseur choisi (souvent la tonalité, un filtre, ou les octaves). On retrouve également la sortie Dry en plus de la sortie classique pour diffuser le son de la guitare dans un ampli, et les sons de synthétiseurs dans un autre.
Stars 80
Avant d’écouter notre pédale, commençons par une petite description 9 sons différents disponibles :
- OBX —Reproduit les sonorités d’un Oberheim OB-X
- Profit V — Reproduit les sonorités d’un Sequential Circuits Prophet-5
- Vibe Synth — S’inspire des sonorités d’un synthétiseur polyphonique avec vibrato
- Mini Mood — Reproduit les sonorités d’un Moog
- EHX Mini — Reproduit les sonorités d’un Electro-Harmonix Mini Synth
- Solo Synth — S’inspire des sonorités d’un synthétiseur avec fuzz
- Mood Bass — S’inspire des sonorités du MiniMoog et du Taurus
- String Synth — Reproduit les sonorités d’un synthétiseur ARP
- Poly VI — Reproduit les sonorités d’un Korg Polysix
Vous avez à présent une idée de l’éventail de sons du Synth9. Écoutons donc ce que cela donne ! Les enregistrements ont été effectués avec une guitare Ibanez FR2620 Prestige. La Mel9 est connectée à un Kemper Profiler relié en stéréo à une carte son Steinberg UR22. Le preset sélectionné dans le Kemper simule un Twin Reverb.
Ce premier extrait mêle trois modes du Synth9 à une boucle de batterie issue de Studio One. Comme avec le Mel9, le tracking s’avère excellent, le son crédible, et les sensations sont là. Certains modes se comportent très bien avec des accords, alors que d’autres seront plus adaptés à des notes simples. En effet, de nombreux presets reproduisent des synthétiseurs monophoniques, et il faut donc vraiment adapter son jeu de guitare, car certaines notes jouées à un intervalle trop court ne ressortiront pas bien, avec une attaque moins franche. De même, il est parfois préférable de couper la résonance d’une note avec sa paume de façon à marquer franchement la note. Malgré tout, la pédale est assez sensible à l’attaque et aux types de micros. Pour jouer des nappes par exemple, le jeu aux doigts permettra de vraiment doser l’attaque et d’obtenir des variations subtiles. À l’inverse, pour un son épais et tranchant, il est nécessaire d’utiliser le médiator et de préférence un micro double en position chevalet. En résumé, comme avec les autres pédales de la série, il faut vraiment apprendre à jouer avec la machine. Jetons maintenant une oreille à chacun des modes. Comme pour le premier extrait, seul le son Dry de la guitare est à 0 de façon à entendre uniquement les reproductions de synthés.
- 2 OBX 01:56
- 3 Profit V 02:20
- 4 Vibe Synth 02:08
- 5 Mini Mood 03:10
- 6 EHX Mini 02:58
- 7 Solo Synth 02:24
- 8 Mood Bass 02:18
- 9 String Synth 02:58
- 10 Poly VI 02:22
Certains modes sont très sensibles à l’attaque, et captent le moindre frottement sur la corde. Il est difficile de les maîtriser, et le son est vite foutraque et bruyant. C’est par exemple le cas de l’OBX. À l’inverse, le Profit V se dompte très facilement. La note est très définie, il y a du bas, du sustain, et le son évolue au fur et à mesure que la note résonne. L’illusion d’avoir un vrai synthétiseur entre les mains est totale.
Le mode Vibe Synth est très polyvalent grâce au Control 1 qui modifie l’intensité du vibrato. Cela apporte tout de suite du caractère au son. Le Mini Mood est plus complexe, et n’est pas évident à contrôler avec ses changements d’octaves. Pour ce mode uniquement, le volume Synth n’agit pas cette fois comme un volume, mais comme un réglage du portamento. Le potard Control 2 gère, lui, la hauteur des octaves supérieures. Le son est convaincant, même si la grande sensibilité du mode demande une manipulation délicate des cordes.
L’EHX Mini est très intéressant. Il peut évoluer lentement ou directement délivrer ses sonorités tranchantes et incisives. Il est parfait pour des « stabs » et des accords pour des rythmiques. Le bouton Control 2 modifie les octaves, mais elles sont moins nombreuses que sur le Mini Mood et il est donc plus facile de s’y retrouver.
Le mode Solo Synth est polyphonique et accepte très bien les accords. Il se rapproche beaucoup du son d’une guitare, et se mêlera donc très bien au signal Dry de façon à obtenir un son de guitare plus épais et synthétique pour des gros riffs ou des solos. Le Mood Bass sera, lui, plus à l’aise avec des notes uniques puisqu’on retrouve vraiment l’attaque typique des basses d’un Moog. Le son est plein et chargé dans les graves. L’octave la plus basse parait par contre quasi anecdotique tant il est difficile de l’utiliser dans la plupart des cas.
Le String Synth offre des sonorités d’instruments à cordes très synthétiques. Il devient vraiment intéressant en utilisant le filtre qui modifie l’attaque. Pour cela il faut manipuler le Control 2, et l’on obtient d’excellents résultats lorsque ce dernier est poussé vers la droite. Enfin, le Poly VI offre un son polyphonique très épais, mais assez agressif. Heureusement, le Control 1 fait office de tonalité pour ajuster tout cela.
Synthé + guitare = amour
Malgré ses sonorités, le Synth9 reste une pédale pour guitare. Nous lui avons donc collé aux fesses un overdrive AnalogMan King of Tone pour voir s’il se comporte toujours aussi bien avec de la saturation.
Comme on pouvait s’y attendre, le résultat est convaincant ! La saturation fonctionne avec tous les modes tant que l’on ne joue qu’une note. En accord, il faudra toutefois privilégier les simulations de synthés polyphoniques, sous peine d’obtenir une bouillie sonore. Les synthés monophoniques sont par contre un régal pour jouer des riffs ou des solos. On obtient avec la saturation un côté plus brut qui se marie très bien avec les sonorités du Synth9, ce qui n’était pas toujours le cas avec le Mel9. On s’imagine d’ailleurs très bien utiliser d’autres effets comme des réverbes ou des modulations.
Des sonorités hybrides guitare/synthé sont aussi disponibles avec la pédale d’Electro-Harmonix. La machine est en effet dotée d’un volume dédié au signal Dry de façon à mélanger les sons de synthétiseurs aux sons plus classiques de la guitare. Elle présente aussi une sortie supplémentaire dédiée au son Dry qui permet de récupérer le signal de la guitare et de le faire passer dans des effets ou un autre ampli. Nous en avons profité pour séparer les deux signaux et observer une éventuelle latence. Voici ce que cela donne.
En jouant, la latence ne marque pas. Pourtant, comme vous pouvez l’entendre, elle est bien présente. Nous avons constaté une latence d’environ 17 ms, ce qui est très similaire au Mel9 et à ses 15 ms. Ce temps de latence est assez faible pour faire illusion lorsqu’on ne s’attarde pas sur cet élément, mais trop long pour passer inaperçu auprès des oreilles attentives, ou pour produire un morceau parfaitement calé.
Conclusion
Avec le Synth9, Electro-Harmonix s’est reposé sur une recette parfaitement maîtrisée. Le comportement global de la pédale est parfaitement identique à celui du Mel9, aucune nouvelle fonction ne fait son apparition, et le tarif est le même (239 €). De plus, le principal défaut de la série, la petite latence, n’a pas été amélioré. Le Synth9 pourrait donc être décevant.
Pourtant, on retrouve avec cette pédale des sons mythiques très utilisés dans la musique actuellement, et c’est un plaisir de toucher du doigt cet univers avec une guitare. Le Synth9 mise sur la fibre nostalgique, et ça marche ! On pourrait aussi ajouter que, contrairement au Mel9, aucun mode ne nous a paru raté. Nous avions aussi déploré l’absence de réglage de tonalité sur le précédent modèle. Cette fois, de nombreux presets ont un Tone par l’intermédiaire du potard Control 1. Nous avons donc beau regretter le manque d’innovation dont fait preuve Electro-Harmonix, c’est l’enthousiasme qui l’emporte.