3 ans sont passés déjà depuis la tonitruante version 2 de Studio One, 2 ans depuis sa version 2.5 ; il va sans dire que cette nouvelle mouture est attendue. Reste à savoir si ses promesses sont à la hauteur de nos espérances.
Réalisant une habile synthèse des bonnes idées de ses concurrents, Studio One nous avait surpris à sa sortie par son attachement à optimiser le flux de travail. Là où la plupart des STAN semblaient obsédées par l’idée de proposer toujours plus de fonctions, de services et de contenus, le logiciel de PreSonus était d’abord construit autour du désir de faire plus simple, en faisant la chasse aux lourdeurs ergonomiques, aux clics inutiles qui parasitent l’acte de création. Du coup, sans même proposer d’incroyables innovations, mais sans renoncer pour autant à des fonctions avancées, Studio One s’avérait des plus rafraîchissants, bousculant, comme Tracktion ou Live avant lui, les vieux dinosaures du marché. Il les bouscula d’autant plus qu’il fut le premier séquenceur à intégrer Melodyne, l’un des plus incroyables logiciels sortis ces 20 dernières années, un atout énorme pour l’editing comme pour la création. Rajoutez à cela une Komplete Elements fournie avec la version Pro pour 400 €, et vous aurez compris la raison pour laquelle Studio One a fait son trou, tout comme la curiosité et l’impatience qui étaient nôtres lorsque cette troisième version a pointé le bout du pixel.
Le premier changement ne viendra pas du soft lui-même, mais de la gamme que PreSonus a réorganisée en faisant disparaître la version Producer pour ne garder que la version gratuite (rebaptisée Prime), la version Artist et la version Pro. Un choix que nous commenterons plus tard en nous consacrant, pour l’heure, à la version Pro dont nous disposons.
Installation donc. Double-cliquage d’icône et écarquillement d’yeux : Studio One, troisième du nom, se lance.
Bat STAN
La première chose qui saute aux yeux à l’ouverture du logiciel, c’est le jeu de couleurs utilisé pour cette nouvelle mouture. Si le bleu est toujours de mise, il se décline dans des nuances plus sombres, donnant à ce Studio One 3 un petit air de STAN de Batman pas désagréable du tout. On appréciera d’autant mieux cette évolution qu’on dispose désormais d’un onglet « Couleurs » au sein des préférences du logiciel qui, s’il n’offre pas le degré de personnalisation d’un Reaper, permet de jouer sur les couleurs dominantes du logiciel ainsi que sur leurs saturation, luminosité et contraste.
Accompagnée d’une hausse sensible de la taille des polices de caractères utilisées par le soft, cette gestion des couleurs permet à Studio One de corriger l’essentiel des problèmes de lisibilité de la version 2.x. Finis les minuscules textes gris bleu foncé sur fond noir d’autrefois et c’est tant mieux pour l’accessibilité. Les possesseurs d’écrans à haute résolution seront par ailleurs ravis d’apprendre que le soft propose un affichage Retina sur Mac comme sur PC, même si dans ce mode, le soft retrouvera alors ses petits caractères de la version 2.
Mine de rien, cette refonte graphique cache d’ailleurs une vraie révision du moteur d’affichage dans son entier. En témoignent les nouveaux types de courbes pour les automations qui n’ont plus à être linéaires, mais aussi les faders de la console qui sont désormais redimensionnables en hauteur et dont les vumètres sont flanqués d’un voyant de réduction de gain lorsque vous utilisez un compresseur en Insert. C’est pratique, mais ne fonctionne hélas qu’avec les compresseurs PreSonus…
Tant qu’on en est aux détails esthétiques et ergonomiques, mentionnons que PreSonus a comblé certaines lacunes et corrigé quelques agaçants défauts de la version précédente : ainsi, lorsqu’on modifie l’ordre des pistes dans la fenêtre d’arrangement, ce dernier se répercute désormais sur les tranches de la console cependant qu’on peut ENFIN colorer ces dernières dans leur intégralité, comme cela se fait depuis des lustres dans Pro Tools : une fonction qui n’a l’air de rien, mais qui fait gagner un temps fou au mixage lorsqu’on cherche ses petits et qu’on peut alors se fier à des codes couleurs (pistes batterie en rouge, guitares en bleu, etc.).
Au rang des petites améliorations conçues pour simplifier la vie, et avant de passer aux vraies grosses nouveautés, on s’attardera également sur le cas du navigateur de fichiers/presets/plug-ins, toujours présent sur la droite du logiciel.
Taggle
Le browser profite en effet de cette version 3 pour exhiber quelques nouveautés. La première, c’est la possibilité d’avoir une représentation graphique des plug-ins, ce qui peut s’avérer pratique pour dénicher à l’oeil ce que l’on cherche. Le seul bémol de cette fonction, c’est qu’en dehors de ceux de PreSonus qui sont déjà générés, il faudra générer tous les aperçus des autres plug-in un par un, ce qui peut être long…
Pratique, le cliquer-glisser d’un dossier de l’arborescence dans la barre permet dorénavant de l’épingler dans cette dernière : de quoi se mettre des raccourcis vers ses dossiers favoris, histoire de gagner un temps précieux à l’heure où nos disques durs débordent de Go de données.
Mais la nouveauté la plus intéressante tient au fait que le browser gère désormais les tags, soit des mots-clés auxquels sont associées les boucles livrées avec le logiciel. On peut de la sorte filtrer ces dernières par style musical, par instrument ou par ‘caractère’ (acoustique, électrique, dark, bright, solo, ensemble, etc.). La fonction est assurément intéressante sauf qu’elle est pour l’heure très sous-exploitée. Non seulement elle se limite donc aux boucles (alors qu’on aimerait disposer de ce genre de système pour les presets aussi), mais il n’est en outre pas possible d’ajouter ses propres tags ni même d’affecter ceux existants à des sons ne faisant pas partie du bundle de Studio One. Ensuite, soulignons que si l’emploi de plusieurs tags permet de trier efficacement les items qui leur sont associés, il n’est absolument pas possible de faire du filtrage par exclusion (il n’est pas possible de voir tous les types de sons sauf ceux de synthé par exemple). Là-dessus, PreSonus serait bien inspiré de regarder ce qu’a fait Toontrack avec EZdrummer. Sans même parler de fonctions Tap 2 Find ou Sing 2 Find qu’on espère voir un jour débarquer dans un séquenceur, précisons qu’il n’est pour l’heure pas possible non plus de noter les items, ou du moins de les marquer comme favoris… Un vrai coup d’épée dans l’eau donc. Heureusement, PreSonus a bien d’autres choses à nous proposer pour se rattraper, à commencer pas un nouveau type de piste.
Coin de nappe
Une nouvelle piste « Arrangement » fait ainsi son apparition et permet de regrouper des passages entiers pour les manipuler ensuite plus simplement : on pourra ainsi définir ce qu’est l’intro, l’outro, le couplet, le refrain, etc. et redimensionner, déplacer, dupliquer ou supprimer chaque bloc de la façon la plus simple qui soit.
Si l’idée n’est pas nouvelle (on la trouve notamment dans Cubase), elle n’en demeure pas moins très pratique, surtout lorsqu’on fait un prototype rapide de la chanson qu’on a en tête. Et elle l’est d’autant plus qu’elle est complétée par une autre nouveauté bien plus originale.
Lorsqu’on compose, une fois posées les bases d’une chanson, d’un thème ou d’un riff, il n’est pas rare d’avoir besoin d’un coin de nappe pour essayer de griffonner des idées de variations, des essais d’arrangements alternatifs, des déclinaisons, etc. Pour ce faire, pas mal de musiciens ont l’habitude de se créer un petit bac à sable quelques mesures après la toute fin de la chanson : un endroit où l’on peut tenter des choses sans mettre sens dessus dessous ce qui a été fait et dont on est sûr.
Ayant observé cela, PreSonus nous propose un outil pour simplifier cette façon de travailler : le Scratch Pad.
Il s’agit ni plus ni moins d’une sorte de nouvelle fenêtre d’arrangement qui s’ouvre en split screen et dans laquelle vous pouvez couper/copier/coller/séquencer ce que bon vous semble sans que cela ne mette le bazar dans votre projet principal. (Un simple cliquer-glisser d’une section de la piste Arrangement permet d’ailleurs de copier tout ce qu’elle comprend d’un coup). Une fois satisfait de ce que vous avez obtenu dans cette dernière, il ne vous reste plus qu’à récupérer son contenu pour l’intégrer à votre projet vie un simple cliquer-glisser dans l’autre sens : c’est simple, efficace et très bien réalisé.
Bien sûr, la fonction n’est pas aussi puissante que la fonction Edit de Tracktion (voir ce test), car les paramètres de mixage des tranches demeurent les mêmes entre le Scratch Pad et le projet. Toutefois, cette limitation, contournable en partie par les effets à même l’objet audio, a le mérite de rendre l’outil extrêmement simple à utiliser. Et rappelons que dans l’esprit de ces fonctions « Projet dans le projet », Studio One propose aussi ses fameuses Musicloops, assez proches finalement de ce qui a été fait dans Tracktion. Précisons-le enfin : vous pouvez ouvrir autant de Scratch Pads que vous le désirez. Moi je dis : chouette !
Or, ce n’est pas la seule nouveauté que nous propose cette version 3 pour nous simplifier la séquence, Studio One se dotant enfin, en plus d’un nouveau mode Step Record, d’outils qui lui manquaient jusqu’alors. Pas grand-chose à dire sur ce dernier accessible depuis le piano roll : il fait ce qu’on lui demande sans aucun problème.
Mais plus intéressant, le soft propose désormais des « Note FX ».
Note FX ?
Sous ce nom se cache en fait ce que nombre de concurrents appellent « effets MIDI », soit des modules qui permettent d’automatiser le traitement des données MIDI pour vous simplifier le séquençage. 4 plug-ins font ainsi leur apparition dans votre arsenal :
Arpeggiator qui permet de programmer des séquences sur 32 pas et propose tout le nécessaire pour animer la lecture de ces dernières : différents ordres de lecture bien sûr, mais aussi des paramètres Swing et Gate.
Rien à redire sur chacun de ces modules qui se révèlent aussi efficaces que simples à utiliser. On regrettera en revanche de ne pas disposer d’autant d’outils que chez la concurrence, et notamment Cubase qui fait très fort sur ce point. On espère donc sincèrement que cette partie du logiciel va s’étoffer sous peu, d’autant qu’elle impacte grandement l’une des plus grosses nouveautés de ce Studio One 3 : les multis…
Banana Split
Sous le nom de « multis » se cache la possibilité de créer des combinaisons de plug-ins, soit d’effets (on parle alors d’Expanded FX Chains) soit d’instruments (de multis donc), comme cela avait été inventé dans Tracktion puis repris par Reason, Live, Reaper ou FL Studio.
L’idée est simple : lorsque vous insérez au moins deux plug-ins d’effets sur une piste, vous pouvez soit les utiliser en série, comme traditionnellement, soit en parallèle avec plusieurs modes de répartition du signal. Soit vous envoyez exactement la même chose dans chacun des plug-ins, soit vous splittez les canaux droite/gauche, soit vous splittez le signal par bande de fréquences (mais pas de split M/S hélas). De la sorte, n’importe quel traitement peut se muer en traitement multibande, ce qui démultiplie les possibilités de n’importe quel plug-in, d’autant que si l’on ne peut pas séparer un signal en plus de 5 splits, on peut faire autant de splits de splits qu’on veut, le tout dans une interface autrement plus claire que la phrase que je viens d’écrire. Studio One, sur ce point, n’invente donc pas la poudre, mais propose comme à son habitude quelque chose d’extrêmement bien pensé en termes d’interface, même si, pour le coup, on aurait adoré disposer des vignettes des plug-ins pour les identifier plus rapidement au sein d’un multi complexe.
Et pour les instruments ? C’est exactement la même chose puisque plusieurs instruments virtuels peuvent désormais être joués en parallèle à partir d’une seule piste MIDI. Dès que vous glissez un instrument B sur une piste qui est déjà associée à un instrument A, le logiciel vous demande ainsi si vous souhaitez remplacer A par B ou les combiner. La répartition se fera ensuite par un split de clavier, avec la possibilité de transposer chaque instrument… ou selon des modalités plus évoluées grâce aux nouveau Note FX et notamment Input Filter. Ainsi, il est tout à fait possible de faire un split au niveau des vélocités en plus du split clavier, d’arpéger un instrument tandis que l’autre ne l’est pas, etc. À vous donc les multis gargantuesque au sein d’une interface graphique extrêmement claire et simple à utiliser, d’autant qu’au niveau de la table de mixage, tout est intelligemment géré.
Sitôt que vous faites un multi, un groupe est créé auquel sont assignés automatiquement tous les instruments. Vous ne voyez donc qu’une tranche, mais un petit clic permet de déployer tout ce qu’elle contient. Libre à vous alors de jouer sur le niveau ou le pan de chaque instrument, de lui affecter des inserts ou des envois, etc., sachant que vous n’êtes pas tenu de faire tout cela depuis la table. La fenêtre « Multi » dispose en effet de son propre volet « Inspecteur » : un clic sur un instrument permet ainsi d’avoir accès à son fader, son pan et ses effets… qui peuvent être l’objet d’un multi à leur tour !
Vous me direz qu’avec toutes ces combinaisons et splits de splits, on aura vite fait de se retrouver au milieu d’un fouillis modulaire qui ne simplifiera pas le contrôle ou la programmation. Et vous avez raison, sauf que PreSonus a prévu le coup avec les…
Macro Controls !
Garnissant chaque tranche de la console ainsi que chaque fenêtre de multi ou plug-in, une petite icône en forme de potard permet d’accéder à un panneau comportant 8 potentiomètres rotatifs, 8 boutons et 2 pads X/Y. Vous vous en doutez, chacun de ces éléments peut être associé à un ou plusieurs paramètres MIDI. Si sur une tranche, vous avez par exemple un synthé avec une disto et un flanger en insert, vous pouvez par exemple associer au potard 1 du panneau de macros autant de paramètres que vous le souhaitez parmi ces éléments : contrôler le LFO du synthé, le gain de la distorsion et la profondeur du flanger avec un seul bouton, c’est possible. Et c’est même plus fort que ça, car vous pouvez choisir la courbe de réponse de chaque paramètre MIDI : linéaire, exponentielle ou encore logarithmique.
Inutile de dire que le système est des plus puissants, d’autant qu’un simple clic droit sur le potard permet d’afficher sa courbe d’automation. Seule limitation, ces Macros Controls ne peuvent pas s’appliquer à autre chose que les inserts et instruments liés à une tranche : c’est-à-dire qu’il n’est ni possible de les utiliser pour contrôler les paramètres d’une autre tranche (impossible donc de les utiliser pour piloter une réverb dans laquelle on envoie sa piste), ni d’autres aspects du logiciel : on ne peut pas, hélas, créer une commande qui modifierait la fréquence de coupure d’un filtre par exemple, en même temps que le tempo global du logiciel et le niveau de la tranche Master. Dans Studio One 4 peut-être ?
Tant qu’à faire, on aimerait pouvoir choisir les couleurs de chaque commande, et éventuellement pouvoir personnaliser un peu tout ça comme on le voit dans Reason avec les Combinators dont l’interface graphique est des plus malléables.
Touch me, Touch me now
Ces nouveaux contrôles sont à plus forte raison appréciables qu’ils s’accompagnent d’une compatibilité du logiciel avec les écrans tactiles sous OS X comme sous Windows 8. Sonar avait été le premier à ouvrir le bal dans ce domaine, mais Studio One devient le premier logiciel à le proposer sur Mac comme sur PC. Une bonne chose a priori bien que nous n’ayons pas pu tester cette fonction, ne disposant pas d’écran tactile à la rédaction.
Vu que les Macs sont à la traîne dans ce domaine, PreSonus propose en outre une appli iPad gratuite qui sera disponible aux alentours de juin : au vu de l’unique capture dont nous disposons pour l’heure actuelle, cette dernière a l’air des plus sympathiques sur le plan ergonomique et PreSonus assure qu’elle permettra de contrôler, non seulement le bloc de lecture et la table de mixage comme on le voit sur la photo, mais aussi les macros controls et les pads ou claviers. Affaire à suivre donc.
Effet ce qu’il peut…
Nous l’évoquions en introduction : PreSonus a fait le ménage dans son offre. C’est vrai pour l’organisation de sa gamme, mais c’est également vrai pour le bundle d’effets et logiciels qui accompagnent le soft.
Si Melodyne Essential est donc toujours proposé en démo dans la version Artist et en version complète dans la version Pro, le bundle Komplete Elements qui était fourni avec Studio One Pro 2 n’est plus de la partie. PreSonus fait donc cavalier seul et, pour nous faire oublier les très sympathiques softs de Native Instruments, nous propose 4 nouveautés : deux effets, et deux instruments.
Commençons par les effets : un Bit Reducer/Downsampler et un simulateur de cabine Leslie. Avec la possibilité de saturer l’étage d’entrée, Le premier s’avère aussi efficace que simple à utiliser et permettra d’aller dans la dégradation sonore la plus totale, ce qui ravira les amateurs de Lo-Fi, comme vers des choses plus nuancées : rien de tel qu’un petit Bit Reducer pour redonner du craquant à une caisse claire…
Quand au second, il tire tout à fait son épingle du jeu sur quelque source qu’on l’emploie : orgue, piano électrique, guitare, voix. On n’est certes pas dans une émulation aussi fine et paramétrable que celles proposées par Melda ou PSP Audioware, mais le plug-in a le mérite d’être extrêmement simple à utiliser, avec un aperçu visuel des modulations extrêmement parlant.
Les deux plugs sont de ce fait un bon ajout à l’arsenal du logiciel qui se montrait déjà intéressant en V2, mais ne fera pas oublier que Studio One garde encore quelques lacunes face à la concurrence. Si du côté créatif, on déplorera l’absence d’un multi-effets à patterns, d’un modulateur en anneau ou d’un vocodeur par exemple, et si certains regretteront que le soft ne suive pas la mode en proposant un simulateur de bande, un exciter ou des traitements « vintage », on regrettera plus franchement de ne pas disposer de dé-esseur (même si un compresseur multibande est bien là) ou d’un processeur de transitoires tandis que les réverbs ne sont toujours pas en True Stereo. Dommage.
Mais c’est surtout du côté des instruments virtuels qu’on avait des attentes. Voyons donc ce que PreSonus nous propose à ce niveau.
Chiche, on fait un bundle chiche ?
Deux nouveautés ont la charge de nous faire oublier Kontakt Player et les synthés Reaktor autrefois fournis.
Le premier se nomme Mai Tai et il s’agit d’un synthé polyphonique à modélisation analogique qui vient compléter le petit Mojito toujours présent. De conception relativement classique (deux oscillateurs avec 4 formes d’onde, ce dernier se distingue surtout par son réglage « Character » à propos duquel la documentation demeure très vague : il semble s’agir d’un traitement susceptible, selon les cas, de prononcer le caractère analogique du son, de jouer sur ses formants ou encore de générer des harmoniques. Force est d’admettre en tout cas que son utilisation simplissime (un potard Sound et un Dry/Wet) permet d’obtenir d’intéressantes variations de timbre et qu’il concourt à faire de ce Mai Tai un synthé relativement polyvalent bien plus convainquant que Mojito… qu’on n’est plus prêt d’utiliser. Mai Tai saura ainsi se rendre utile dans tout un tas de registres (basses, leads, pads, etc.) même s’il ne peut à lui seul combler toutes les attentes. Si l’on considère que les deux seuls synthés présents dans Studio One 3 sont soustractifs et font désormais un peu double emploi, on aurait attendu des choses en complément : de l’additif, du granulaire, de la FM, de la table d’échantillon ou un gros hybride mélangeant tout ça.
L’autre nouveauté côté Instruments provient de la refonte du Rompler Presence qui passe en version XT et s’avère nettement plus intéressant que son prédécesseur qui, il faut bien l’avouer, était bien dépassé dans les sonorités qu’il proposait. Déjà parce qu’il jouit de nouvelles possibilités en termes de traitements (petite matrice de modulation) et gère les scripts comme les keyswitches, ensuite parce qu’il permet désormais d’importer des banques aux formats SoundFonts, GigaSampler, EXS24 ou Kontakt.
Ne vous réjouissez pas trop vite tout de même, car, en pratique, les choses sont moins intéressantes qu’elles paraissent à cause d’une compatibilité qui demeure très partielle. Dans les faits, si les quelques soundfonts et instruments EXS24 que j’ai essayés se sont chargés, j’ai eu beaucoup moins de réussite concernant les patches au format Kontakt. Sur 5 patches, seul 1 a accepté de se charger tandis que les autres m’ont renvoyé un message d’erreur. Est-ce pour autant qu’il ne faut voir en ce PresenceXT qu’un énième lecteur de SoundFonts ? Que nenni !
Car le bougre entend d’une part proposer un nouveau format de banques également utilisé par Bittwig (un éditeur devrait arriver dans le courant d’année), et il se voit accompagné de l’autre d’une banque de sons bien plus développée que celle qui accompagnait Presence.
Même s’il y a du bon et du moins bon dans cette dernière, il faut admettre que PreSonus n’a pas lésiné sur la quantité, du moins pour la version Pro de Studio One, la version Artist étant proposée avec une banque plus restreinte et plus inégale aussi en termes de qualité (les guitares y sont notamment pathétiques par exemple). Certains patches s’en sortent donc honorablement, comme les synthés, les pianos électriques, les guitares ou les cordes à la faveur de samples de base de bonne qualité et de quelques articulations qui peuvent faire illusion. Hélas, en l’absence de scripts évolués comme dans Kontakt, HALion et UVI, ou d’un moteur de synthèse performant comme le Stretch de SampleTank et d’un sampling trop peu détaillé, les instruments montrent vite leurs limites sur le terrain et peinent souvent à convaincre. Sans même parler d’articulations manquantes, pleins de patches ne proposent pas de Round Robin et trop peu de niveaux de vélocités, ce qui se traduit par des sauts audibles. On sent en outre que PreSonus ne s’est pas trop pris la tête sur les fameux scripts. Il conviendra de voir, avec la sortie de l’éditeur en cours d’année et de nouvelles banques prévues depuis le PreSonus Store, si le logiciel progresse.
Du coup l’ensemble s’avère plus intéressant que les sons du précédent Presence, mais ce n’est certainement pas pour ce logiciel ou sa banque de sons qu’on acquerra Studio One. Et si l’on comprend parfaitement que, pour des raisons pécuniaires et pour pousser son PreSonus Shop qui permet de faire de l’achat in-app de banques de son et de boucles, PreSonus ait souhaité s’affranchir de Native Instruments du côté du bundle, force est de constater que les utilisateurs n’y gagnent pas spécialement au change.
C’est d’autant plus vrai que Studio One se voit maintenant dépourvu de toute batterie virtuelle, ce qui n’est en rien compensé par la présence de l’honorable drum sampler Impact, ni par les programmes de batterie fournis avec Presence, ni par les boucles audio fournies avec le logiciel.
En dépit des nouveautés et de nombreux Multis sympathiques, on a donc presque un sentiment de régression du côté du bundle et ce sentiment est d’autant plus fort lorsqu’on considère l’offre de la concurrence en la matière. Cet aspect ne touchera guère ceux qui sont déjà pourvus en termes de plug-ins, mais pourrait détourner ceux qui sont à la recherche de leur premier séquenceur et qui n’envisagent pas de se payer une Komplete dans l’immédiat : contrairement à Sonar, Logic, FL Studio ou Reason, Studio One 3 n’a clairement pas fait de son bundle un argument de vente et ça lui portera forcément un peu préjudice. C’est un peu rageant dans la mesure où nous pointions déjà ce point négatif dans le test de la première version de Studio One, le soulignions encore dans sa version 2 et qu’il demeure toujours la grande faiblesse du logiciel plus de cinq ans après.
Et ce n’est pas le seul motif que nous ayons pour râler.
Les rendez-vous manqués
Depuis sa sortie en 2009, on n’avait jamais attendu aussi longtemps une mise à jour de Studio One et forcément, pendant ce temps-là, la concurrence ne s’est pas tourné les pouces, rendant les utilisateurs plus exigeants. C’est vrai pour les bundles d’effets et d’instruments virtuels, mais ça l’est aussi pour d’autres fonctions plus ou moins importantes.
Si l’on regrettera qu’il soit toujours impossible de tracer des courbes sur la piste tempo, on regrettera plus encore que Studio One n’intègre toujours aucun éditeur de partitions. On croyait la chose en bonne marche lorsqu’en 2013, PreSonus a racheté l’excellent Notion, et on s’imaginait qu’il serait intégré de la même manière que Melodyne l’avait été. Mais il semble que l’éditeur n’ait pas jugé intéressant de proposer cette fonction qu’on retrouve chez ses plus agressifs concurrents en haut de gamme.
Puisqu’on en parle, l’excellente intégration de Melodyne au sein du logiciel laissait espérer des fonctions élaborées (un Voice Sync comme dans Sonar, par exemple, ou un système d’harmonisation comme dans Cubase), mais là encore, PreSonus semble avoir d’autres priorités.
Et c’est sans parler de l’OMF, toujours aux abonnés absents, ou du statu quo des fonctions collaboratives. Sur ce plan, Studio One faisait figure de pionnier avec l’intégration de SoundCloud, ou du PreSonus Exchange qui permet aux utilisateurs d’échanger diverses ressources simplement. Et encore une fois, c’est Steinberg qui a refait son retard pour reprendre la tête sur ce point, même en étant bien loin, technologiquement parlant, des prouesses d’un Ohm Studio.
Bref, ce Studio One 3 a beau être un séquenceur incroyablement souple, puissant et simple à utiliser, peut-être le meilleur qui soit sur le marché en termes d’ergonomie (appréciation bien subjective, j’en conviens), il n’en reste pas moins à la bourre sur certains points malgré son arrivée récente.
Passage à la caisse
Reste à parler argent et de la pertinence ou non, en regard des tarifs, d’acheter ou de mettre à jour une précédente version.
Comme expliqué plus haut, PreSonus profite de cette troisième mouture pour réorganiser son offre. Si autrefois, Studio One se déclinait en quatre versions (Free, Artist à 100 €, Producer à 200 € et Pro à 400 €), l’heure est à la simplification avec la disparition de la version Producer. Globalement, c’est plutôt une bonne idée, car les différences entre les versions Producer et Pro n’étaient pas assez marquées et cela rendait l’offre un peu confuse. Désormais, on a donc Studio One Prime, la version freeware du logiciel, Studio One Artist à 100 € et Studio One Pro à 400 €. Cette simplification n’est toutefois qu’apparente, car l’éditeur propose désormais des options payantes pour débloquer certaines fonctionnalités d’une version Artist… toujours aussi frustrante.
Si l’on applaudit toujours à l’idée que PreSonus fournisse une version gratuite de son logiciel dont on comprend aisément qu’elle soit bridée, on sera en effet plus réservé sur la version Artist qui ne propose que peu de nouveautés dans cette version 3 (on peut désormais exporter vers SoundCloud : Youpi.) et qui se voit toujours frappée des mêmes limitations stériles : un moteur interne en 32 bits au lieu de 64 (pour que ça sonne moins bien que la version Pro, donc) et l’impossibilité d’accueillir des plug-ins de tierce partie aux formats VST, AU ou ReWire, à moins d’acquérir une option payante vendue… 79$ ! Vraiment ? Vous êtes sûrs ? En 2015 ?
Que Studio One Artist ne comprenne pas des fonctions évoluées comme le Scratch Pad ou les Multis me semble tout à fait normal pour un positionnement d’entrée de gamme, mais sincèrement, de nos jours, vendre 100 euros un logiciel qui n’est pas compatible avec les plug-ins VST/AU, c’est être un peu déconnecté du marché. Le seul autre qui ose faire ça, c’est Ableton avec son Live Intro dont le rapport qualité/prix est également relativement mauvais à 75 €. Mais chez Apple comme chez Cockos, chez Steinberg comme chez Traction, chez Image Line comme chez Magix ou encore Cakewalk, personne ne fournit un soft d’entrée de gamme sans cette possibilité d’accueillir des plug-ins tiers.
Du coup, malgré toute l’admiration que j’ai pour le travail de Matthias Juwan et bien que sur le plan ergonomique, Studio One Artist en remontre à tous ses concurrents, il n’en demeure pas moins difficilement recommandable à l’heure où Tracktion 4, compatible VST/AU est freeware et qu’en version 6, il intègre même une version complète de Melodyne Essentials pour la somme de 60$… On pourrait aussi parler du phénoménal Reaper, vendu sans aucune limitation pour le même prix, ou de GarageBand, gratuit pour les possesseurs de Mac et accueille sans problème les plug-ins Audio Unit.
Bref, d’un point de vue marketing, PreSonus nous avait habitués à mieux et s’ils veulent attirer les nouveaux venus, il leur faudra probablement revoir cette politique de prix. On peine d’ailleurs à comprendre pourquoi les options payantes ne sont pas accessibles dès la version Prime, alors que le Freemium s’est révélé être un modèle efficace pour quantité d’éditeurs, que ce soit dans l’audio (IK Multimedia, Line 6), ou ailleurs (AppStore, Android Store, jeux vidéo, etc.).
Vous l’aurez compris donc, si Studio One Pro demeure attractif à 400 euros en dépit de certaines lacunes et si tous les utilisateurs des Studio One précédents ont intérêt à mettre à jour vers la version Pro (il vous en coûtera 349 euros depuis une version Artist 1 ou 2, 199 euros depuis une version Producer 1 ou 2, et 149 euros depuis une version Pro 1 ou 2), la mise à jour vers la version Artist 3 (49 euros tout de même), tout comme l’achat de cette dernière, ne nous semble pas des plus pertinentes.
Précisons, pour finir sur une note plus positive, que des offres de Crossgrade sont proposées pour les possesseurs de Notion (249 €) ou les utilisateurs d’une autre STAN, quelle qu’elle soit (299 €). Un beau geste qui n’est hélas pas systématique chez tous les éditeurs.
Conclusion
Il y a indubitablement quantité de choses enthousiasmantes dans ce Studio One Pro 3 qui garde sur nombre de concurrent une belle avance sur le terrain de l’ergonomie… mais aussi quelques déceptions, exacerbées par le fait que cette mise à jour s’est fait un peu trop attendre. Studio One 2 avait certes surpris tout le monde avec son ergonomie aux petits oignons, son Melodyne intégré et sa Komplete Elements, mais la concurrence a depuis lors eu le temps d’organiser sa riposte, et de proposer à son tour bien des choses qu’on aurait aimé trouver dans cette nouvelle mouture (les fonctions d’hamonisation ou de collaboration de Cubase, le VoiceSync de Sonar, etc.).
Tout en applaudissant l’arrivée des multis, des NoteFX, du Scratch Pad et du tactile, tout en se réjouissant de quantité de petites évolutions qui rendent le logiciel encore plus productif et ergonomique, on regrettera le fait que le bundle d’instruments virtuels ne soit toujours pas à la hauteur du reste (un défaut déjà souligné dans les versions 1 et 2) ni de la plupart des concurrents. Et l’on regrettera aussi l’absence de fonctions depuis longtemps réclamées (éditeur de partitions, support de l’OMF, etc.) ou le fait que Studio One n’exploite pas à fond tout ce que le prodigieux Melodyne pourrait lui apporter sur le plan fonctionnel (des fonctions d’harmonisation comme dans Cubase, un VoiceSync comme dans Sonar, etc.).
Par ailleurs, si la réorganisation de la gamme est une bonne chose sur le papier, elle dissimule bien mal dans les faits le mauvais rapport qualité/prix de la version Artist. Toujours frappée d’absurdes limitations déblocables, pour certaines seulement, à un prix bien trop élevé, cette dernière n’est clairement pas très attractive en regard de ce que propose la concurrence en 2015.
Si l’on recommandera chaudement aux utilisateurs des versions Producer et Pro 2 de se payer la mise à jour vers la version Pro 3, on sera donc plus mitigé concernant un upgrade de la version Artist qui conserve les plus gros défauts de la v2.
Quant à ceux qui désirent investir dans leur premier séquenceur, tout dépend de ce qui compte le plus à leurs yeux. Si c’est la simplicité d’emploi, l’ergonomie et l’optimisation du flux de travail (workflow), alors ce Studio One Pro 3 est assurément un soft qui les ravira au quotidien : on y bosse vite et bien, au sein d’un environnement qui diminue au maximum les frictions et lourdeurs informatiques au profit de la créativité.
Mais si le bundle doit peser dans la balance ou encore le rapport fonctionnalités/prix, la réponse sera clairement moins évidente sur un marché dynamité par des bombes logicielles à 60 $ (Reaper et Tracktion qui, en dépit de leurs prix, ne sont clairement pas des logiciels bridés d’entrée de gamme) et où les concurrents ont grandement évolué au cours des trois dernières années, tant sur les plans fonctionnels et ergonomiques qu’au niveau des offres marketing et des à-côtés du logiciel (services, bundles, etc.).
Du coup, tout en faisant un chaleureux accueil à ce Studio One troisième du nom, on attend déjà son successeur qui, souhaitons-le, ne nous laissera pas trépigner pendant trois ans.