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Pédago
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Tout savoir sur la tension d'offset - Tension d'offset : la réserve manquante

Trois heures du matin par une nuit d'orage. La sonnerie du téléphone me réveille brutalement et me broie le cerveau comme un marteau piqueur. La voix au bout du fil est celle de Pinky, ingénieur du son de son état. Il semble aussi paniqué qu'un escargot devant un bac à sel. « Anderton, il manque de la réserve ! Elle a disparu. J'ai un problème avec l'un des morceaux du CD Kiss of Death : impossible de le faire sonner aussi fort que les autres. J'ai passé en revue tous les suspects mais ils sont innocents. Il faut que tu m'aides. »

Mon cerveau se met à fumer comme s’il devait résoudre la quadra­ture du cercle. Pinky connaît son boulot… Pour voler la réserve de gain juste sous son nez, le truand s’est montré des plus retors. Il s’agit de quelqu’un d’ha­bile qui sait passer inaperçu. Quelqu’un comme… la tension d’off­set.

 

Bon, j’avoue : malgré tous mes efforts pour présen­ter la chose sous son meilleur jour, je dois admettre que la tension d’off­set n’est pas parti­cu­liè­re­ment attrayante. Cepen­dant, elle peut être respon­sable de problèmes de réserve de gain, de bizar­re­ries au maste­ring, de bruits de pop et de clic, d’ef­fets fonc­tion­nant anor­ma­le­ment, etc.

 

Tension d’off­set dans la sphère analo­gique

Revi­si­tons l’his­toire de la tension d’off­set et plon­geons dans les années 70 au moment où les amplis opéra­tion­nels devinrent popu­laires. Ces circuits inté­grés analo­giques sont des compo­sants compacts et bon marché qui déve­loppent une énorme quan­tité de gain. Ils possèdent géné­ra­le­ment deux entrées et une sortie. Théo­rique­ment, à l’état passif (pas de signal en entrée), les entrées et la sortie sont à 0 volt. Mais en raison d’im­per­fec­tions à l’in­té­rieur de l’am­pli opéra­tion­nel lui-même, il peut arri­ver que quelques milli­volts de tension conti­nue déca­lée (tension d’off­set) soient présents dans l’une des entrées.

 

Norma­le­ment, c’est sans consé­quence. Cepen­dant, si l’am­pli op. possède un facteur de gain de 1.000 (60 dB), un signal d’en­trée décalé de 5 mV sera ampli­fié jusqu’à 5.000 mV (5 volts). Si le déca­lage est apparu dans l’en­trée inver­sée (hors phase), la sortie affi­chera une tension de déca­lage de –5,0 volts. De même, un déca­lage de 5 mV dans l’en­trée non inver­sée engen­drera une tension d’off­set de +5,0 volts.

 

Cela pose problème pour deux raisons :

  • Réduc­tion de la plage dyna­mique et de la réserve de gain. L’ali­men­ta­tion d’un ampli opéra­tion­nel est bipo­laire (autre­ment dit, il existe des voltages d’ali­men­ta­tion posi­tif et néga­tif). Suppo­sons que l’os­cil­la­tion maxi­male du voltage sans distor­sion de l’am­pli opéra­tion­nel soit ±15 V. Si la sortie est déjà à +5 volts, l’os­cil­la­tion maxi­male sera à présent comprise entre +10 et –20 volts. Cepen­dant, étant donné que la plupart des signaux audio sont symé­triques par rapport à la masse et qu’il n’est pas souhai­table que l’un des côtés soit écrêté, l’os­cil­la­tion maxi­male de la tension sera rappor­tée à ±10 V, ce qui revient à une perte d’un tiers (33%) de la réserve de gain dispo­nible.
  • Problèmes avec les circuits à couplage direct. Dans un circuit à couplage direct, que les audio­philes préfèrent parfois pour la qualité de leur réponse basse fréquence, la tension conti­nue est trans­mise à l’étage suivant. Reve­nons à l’am­pli opéra­tion­nel évoqué plus haut dont l’off­set de sortie est +5 V. Suppo­sons qu’il alimente un circuit à couplage direct dont le facteur de gain est 5. Le déca­lage de +5 V se trans­forme en offset de +25 V, ce qui est pure­ment inac­cep­table !

 

Solu­tions analo­giques

Dans les circuits analo­giques à couplage capa­ci­tif, la tension d’off­set n’est pas trans­mise d’un étage à l’autre parce que le conden­sa­teur qui couple les deux étages laisse passer le courant alter­na­tif (AC) mais pas la tension conti­nue (DC). Ainsi, la tension d’off­set limite unique­ment la plage dyna­mique de l’étage dans lequel elle appa­raît (cepen­dant, si le conden­sa­teur de couplage est mal isolé ou défec­tueux, une tension conti­nue pourra passer malgré tout).

 

Il existe géné­ra­le­ment deux façons de trai­ter l’off­set des amplis opéra­tion­nels :

  • On peut utili­ser des amplis op. de préci­sion ajus­tés par laser pour mini­mi­ser le déca­lage.
  • On peut ajou­ter un poten­tio­mètre qui injecte le voltage opposé à l’off­set d’en­trée inhé­rent à l’am­pli op. Autre­ment dit, on mesure la tension de sortie quand aucun signal n’est présent et on ajuste le poten­tio­mètre pour obte­nir une tension nulle. Certains amplis opéra­tion­nels possèdent des broches de contrôle de l’off­set qui permettent d’évi­ter d’in­ter­ve­nir sur l’une des entrées. [Notez que le réglage de ces poten­tio­mètres peut bouger avec le temps. Par consé­quent, si vous possé­dez des équi­pe­ments analo­giques équi­pés d’am­plis opéra­tion­nels, ça vaut la peine de véri­fier les offsets de temps à autre et de réajus­ter le réglage des poten­tio­mètres en ques­tion.]

 

Tension d’off­set numé­rique

Dans la sphère numé­rique, il existe deux situa­tions dans lesquelles une tension de déca­lage peut appa­raître dans le signal :

  • Enre­gis­tre­ment d’un signal analo­gique avec tension d’off­set dans un système à couplage direct.
  • Cas plus fréquent : inexac­ti­tudes dans le conver­tis­seur A/N ou dans le sous-système de conver­sion qui produisent une légère tension d’off­set en sortie. Comme avec les circuits analo­giques, les proces­seurs qui possèdent un facteur de gain impor­tant (par exemple les plugins de distor­sion) peuvent trans­for­mer un léger offset en déca­lage impor­tant.

Dans tous les cas, l’off­set appa­raît lorsque la ligne de base d’un signal ne corres­pond pas à la ligne de base 0 volt « réelle » (illus­tra­tion 1).

 

 

Ill. 1 : voici deux coups de batte­rie dont le premier possède une tension d’off­set impor­tante.

Le second a été corrigé pour être débar­rassé de la tension d’off­set.

Il possède une réserve de gain supé­rieure et peut à présent être norma­lisé si une augmen­ta­tion du niveau est souhai­tée.

 

 

 

Ill. 2 : le signal supé­rieur est la version origi­nale norma­li­sée tandis que le signal infé­rieur a été traité par un filtre coupe-bas à pente raide à 20 Hz, puis norma­lisé de nouveau. Remarquez que le niveau de la forme d’onde du bas est bien supé­rieur.


 

 

Ill. 3 : Comme de nombreux programmes, Sonar 5 offre une option de suppres­sion de la tension d’off­set des clips audio.


 

Le numé­rique a aussi intro­duit un nouveau genre d’off­set qui, d’un point de vue tech­nique, s’ap­pa­rente plus à un problème subso­nique qu’à la « véri­table » tension d’off­set, mais qui a les mêmes consé­quences néga­tives. Par exemple, en trans­po­sant très bas le son modulé d’un oscil­la­teur, j’ai constaté que j’ajou­tais au signal quelque chose qui ressem­blait à une tension d’off­set à varia­tion lente qui limi­tait énor­mé­ment la réserve de gain (illus­tra­tion 2).

 

Outre la réduc­tion de la réserve de gain, deux problèmes majeurs sont asso­ciés à la tension d’off­set dans les systèmes numé­riques :

  • Lorsqu’on réalise une tran­si­tion entre deux portions de signal audio­nu­mé­rique, dont l’une possède un offset et l’autre pas ou dont les offsets sont diffé­rents, un bruit de pop ou de clic appa­raît à l’en­droit de la tran­si­tion.
  • Les effets ou les trai­te­ments néces­si­tant un signal symé­trique par rapport à la ligne de base ne fonc­tionnent pas effi­ca­ce­ment. Par exemple, un plugin de distor­sion qui écrête les parties posi­tives et néga­tives du signal coupera les crêtes de façon dissy­mé­trique en présence d’une tension d’off­set. Plus gênant, un noise gate utilisé pour suppri­mer le bruit néces­si­tera un seuil anor­ma­le­ment élevé (ou faible) par rapport au niveau du bruit contenu dans le signal : ce seuil devra être égal au niveau de bruit plus la valeur de l’off­set.

 

Solu­tions numé­riques

Il existe trois façons prin­ci­pales de résoudre les problèmes de tension d’off­set avec les logi­ciels audio­nu­mé­riques :

  • La plupart des éditeurs audio­nu­mé­riques profes­sion­nels possèdent une fonc­tion de correc­tion d’off­set que l’on trouve géné­ra­le­ment dans le même menu que les fonc­tions de modi­fi­ca­tion du gain, d’in­ver­sion, de rota­tion de la phase, etc. Cette fonc­tion analyse le signal et ajoute ou sous­trait le montant de gain néces­saire pour que 0 soit vrai­ment 0. De nombreux séquen­ceurs logi­ciels offrent égale­ment une correc­tion de la tension d’off­set parmi les options d’édi­tion (illus­tra­tion 3).
  • Utili­sez un filtre passe-haut à pente raide pour suppri­mer toutes les portions de signal situées sous une fréquence donnée, par exemple 20 Hz (même avec un filtre à pente douce de 12 dB/octave, les portions de signal à 0,5 Hz seront atté­nuées de plus de 60 dB). En pratique, c’est toujours une bonne idée de suppri­mer la portion subso­nique du spectre car certains trai­te­ments peuvent inter­agir avec le signal et engen­drer une modu­la­tion dans la zone sous 20 Hz. Vos enceintes n’étant pas en mesure de repro­duire de fréquences si basses, ces dernières consomment de la bande passante inuti­le­ment. Par consé­quent, suppri­mez-les !
  • Sélec­tion­nez une zone de 2 à 10 milli­se­condes au début et à la fin du fichier ou du segment souf­frant d’un offset et appliquez des fondus d’en­trée et de sortie (fade in et fade out). Ainsi, vous dispo­se­rez d’une enve­loppe qui commence et fini à 0. Cela ne permet pas de se débar­ras­ser de la tension d’off­set à l’in­té­rieur du fichier (le problème de restric­tion de la réserve de gain reste donc entier) mais vous aurez supprimé les bruits de pop aux points de tran­si­tion.

 

Chapitre clos

Certes, la tension d’off­set n’est géné­ra­le­ment pas un problème rédhi­bi­toire comme peut l’être une panne de disque dur. En fait, l’off­set n’est géné­ra­le­ment pas suffi­sant pour méri­ter qu’on s’en soucie. Cepen­dant, vous rencon­tre­rez de temps à autre des problèmes audibles liés à la tension d’off­set. Et à présent, vous saurez comment les résoudre.

 

Origi­nel­le­ment écrit en anglais par Craig Ander­ton et publié sur Harmony Central.

Traduit en français avec leur aimable auto­ri­sa­tion.


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