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Analyse d'une disto : MXR Distortion Plus (partie 2) - L'électronique pour le musicien 17

Cette semaine, nous repartons à la recherche des secrets de cette pédale au circuit si simple, et aux possibilités de modifications variées. On passe donc en mode bricolage avec, au menu : salade de diodes, effiloché de condensateurs et bouillon de courbes de réponse.

L'électronique pour le musicien 17 : Analyse d'une disto : MXR Distortion Plus (partie 2)
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Dans le dernier article, nous avions procédé à une analyse assez complète du circuit, en le section­nant, et en tentant de comprendre les diffé­rentes fonc­tions (les diffé­rents impacts sur le son) des compo­sants. Petit résumé : la MXR Distor­tion + est fondée sur un ampli­fi­ca­teur non-inver­seur, avec un gain maxi­mal de 200. Le signal, en sortie, est écrêté et filtré par deux diodes tête-bêche et un filtre passe-bas. L’écrê­tage produit l’ef­fet de satu­ra­tion : sans les diodes, le signal en sortie est rela­ti­ve­ment fidèle à l’en­trée, à cela près que l’am­pli­fi­ca­teur a une bande passante non linéaire : plus le gain est impor­tant, plus les hauts médiums sont accen­tués.

mxr-m104-distortion-4103622Dans un premier temps, on va obser­ver le compor­te­ment de ce circuit, grâce à des courbes géné­rées sur LTSpice, de façon à confir­mer de visu ce que nous avions affirmé, ou calculé, dans l’épi­sode précé­dent.

Dans un second temps, nous tente­rons de défi­nir les compo­sants cruciaux pour le son de cette pédale, en diffé­ren­ciant ceux que l’on va conser­ver, et ceux sur lesquels on pourra tenter des modi­fi­ca­tions.

Dans un dernier temps, nous allons commen­cer à défi­nir les modi­fi­ca­tions que nous voulons appor­ter, en les simu­lant et en les sché­ma­ti­sant.

Inter­na­tio­nale Simu­la­tion­niste

Dans un premier temps, pour confir­mer nos affir­ma­tions de la semaine dernière, nous allons créer un modèle permet­tant de simu­ler le compor­te­ment du circuit, et de donner à voir, simple­ment, ce qui s’y passe. Ce modèle nous servira aussi, par la suite, à simu­ler de poten­tielles modi­fi­ca­tions.

SIMU 1 MXR DISTO PLUS.PNGVoici notre modèle : il reprend le schéma que nous avions montré la semaine dernière. Au-dessus vous pouvez voir la simu­la­tion du signal en diffé­rents points du circuit. J’ai réglé sa fréquence d’en­trée à 1 kHz et son ampli­tude à 50 mV. Signal d’en­trée plutôt « pépère », on ne voudrait pas que ça soit l’am­pli­tude d’en­trée trop forte qui fasse satu­rer le signal, pour mieux voir l’ef­fet de la pédale (le signal d’en­trée est repré­senté par la sinu­soïde verte). Par-dessus, on voit le signal tel que mesuré à la sortie, avec le gain presque au maxi­mum et sans les diodes d’écrê­tage (en bleu), puis avec les diodes (onde rouge). On voit qu’à ce niveau d’am­pli­fi­ca­tion, le signal en sortie sera proche de ce que l’on peut obte­nir avec une fuzz.

Si l’on dimi­nue le gain, on voit notre signal reprendre progres­si­ve­ment l’as­pect d’une courbe à l’écrê­tage léger.

SIMU 2 MXR DISTO PLUS.PNG

Il est inté­res­sant de remarquer que si l’on mesure le signal avant le conden­sa­teur de filtrage de l’étage de sortie, on observe la même onde écrê­tée, mais dont le point central est situé à 4,5 V (voir l’échelle de valeurs à gauche). Il s’agit de la tension de pola­ri­sa­tion des entrées, que l’on retrouve en sortie.

SIMU 3 MXR DISTO PLUS.PNGLorsqu’un ampli­fi­ca­teur sort du courant continu, la tension alter­na­tive du signal se retrouve super­po­sée à la tension conti­nue. On nomme cela la tension de déca­lage (l’an­gli­cisme offset est très souvent utilisé en français). Cette mesure nous confirme aussi ce que nous avions vu la fois précé­dente : la pola­ri­sa­tion des entrées (à 4,5 VDC), se retrouve à la sortie, mais non ampli­fiée, ce qui est dû à l’uti­li­sa­tion du conden­sa­teur dans la boucle de contre-réac­tion. On constate aussi, pour finir, le carac­tère « bloquant » du conden­sa­teur : on trouve ces 4,5 V DC avant C11, mais pas après.

Passons à l’ana­lyse des compo­sants qui vont nous inté­res­ser pour nos modi­fi­ca­tions.

Qui est in, qui est out ?

Parce que, pour modi­fier un circuit exis­tant, il existe deux approches, qui ne sont pas exclu­sives : la trans­for­ma­tion de compo­sants exis­tants, ou l’ajout de compo­sants nouveaux. Dans cet article on se concen­trera sur la première partie ; la seconde sera trai­tée la semaine prochaine.

L’am­pli op : en effet le LM741 n’est pas un ampli opéra­tion­nel des plus fins, du point de vue de sa resti­tu­tion sonore. Il suffit de lire la fiche tech­nique du construc­teur (Texas Instru­ment) pour remarquer qu’il n’est pas fait mention spéci­fique­ment d’ap­pli­ca­tions audio.

LM741 SPECS.PNG

Par compa­rai­son, voilà ce que nous dit Burr Brown pour son OPA604 : 

OPA604 SPECS.PNG

SLEW RATELe LM741 a, en parti­cu­lier, une vitesse de balayage (slew rate) assez lente : 0,5 V/µs (pour compa­rai­son l’OPA604 est à 25V/μs, 50 fois plus rapide). À quoi est-ce que cela corres­pond ? La vitesse de balayage indique à quelle vitesse un appa­reil trai­tant du signal est capable de repro­duire une varia­tion dans ce signal. La vitesse idéale est repré­sen­tée par l’onde carrée idéale (c’est-à-dire une onde carrée où le chan­ge­ment de pola­rité serait instan­tané — ce qui est physique­ment impos­sible). Dans une onde carrée idéale, on dit que la pente tend vers l’in­fini. Dans la réalité, une onde carrée a toujours une pente finie (extrê­me­ment légère), c’est-à-dire mesu­rable (on peut en mesu­rer la tangente, par exemple). La vitesse de balayage, c’est donc ce qui va faire qu’un ampli­fi­ca­teur va prendre une onde carrée, en ressor­tir une onde avec des pentes plus fortes.

Donc, la vitesse de balayage a logique­ment une rela­tion avec la fréquence : plus un son à une fréquence élevée, plus son onde fonda­men­tale (et ses harmo­niques aussi, d’ailleurs) change rapi­de­ment de sens. Donc plus un ampli opéra­tion­nel a une vitesse de balayage rapide, plus il arrive à repro­duire fidè­le­ment des fréquences élevées. Voici l’équa­tion qui exprime la rela­tion de la vitesse de balayage à la fréquence : 2*π*f*V (on y trouve bien le multi­pli­ca­teur f, c’est-à-dire la fréquence).

Bref, le LM741, c’est la bête noire des audio­philes, mais le plai­sir du musi­cien ! Car en termes d’am­pli­fi­ca­tion de son de guitare, on ne cherche pas la linéa­rité, et l’at­té­nua­tion des fréquences aiguës est bien­ve­nue ! (cf. notre article sur le circuit passif de la guitare) On conser­vera donc le LM741, qui fait bien son job : on ne gagne­rait proba­ble­ment pas grand-chose à le rempla­cer par un compo­sant aux perfor­mances meilleures.

2N34ALes diodes au germa­nium : avec leur tension de seuil basse, les diodes au germa­nium permettent d’ob­te­nir un écrê­tage rapide (en moyenne, elles coupent tout ce qui est au-dessus de 250 mV), mais leur seuil de conduc­ti­vité est égale­ment plus progres­sif, ce qui va donner un écrê­tage plus doux, qui n’est pas sans rappe­ler le genre de courbe que l’on obtient en faisant satu­rer un tube. On y revien­dra dans un futur arti­cle… Cette pédale est donc profon­dé­ment dépen­dante de ses diodes : elles sont donc sur notre liste de modi­fi­ca­tions possibles.

L’en­semble des filtres passe-haut et passe-bas : ces filtres s’ad­di­tionnent pour former la bande passante de la pédale. Mais ils ne sont pas tous inté­res­sants à trafiquer. En effet, comme nous l’avions fait remarquer, de par sa topo­lo­gie, le filtre passe-haut inclus dans la boucle de feed­back est le seul dont l’in­fluence varie avec le gain, puisqu’il est formé, entre autres, par la résis­tance variable du poten­tio­mètre de gain. Donc plus le gain est élevé, plus le grave et le bas médium seront filtrés. Modi­fier cette boucle de gain pour­rait s’avé­rer inté­res­sant, et pour­rait permettre d’ob­te­nir des résul­tats diffé­rents au point de vue de la bande passante.

All Mods Comptent

Puisqu’on a éliminé l’am­pli op, on attaque direc­te­ment avec les diodes. Pour imagi­ner une modi­fi­ca­tion inté­res­sante ici, il faut comprendre ce que font les diodes d’écrê­tage, et comment.

FONCTIONNEMENT DIODE ECRETAGE.PNGComme je l’avais expliqué ici, une diode d’écrê­tage fonc­tionne en série avec un autre compo­sant (souvent une résis­tance) pour former un divi­seur de tension (j’ai telle­ment parlé des divi­seurs de tension à travers tous ces articles, je ne reviens pas dessus) : lorsqu’un courant le traverse, la tension se répar­tit aux bornes des deux compo­sants, et elle est préle­vée, à la sortie du circuit, aux bornes du deuxième compo­sant : ici, la diode. En régime alter­na­tif, la résis­tance offre toujours la même impé­dance. Résul­tat : si le courant qui la traverse augmente, la tension à ses bornes augmente aussi (signal vert ci-contre). Mais la diode ne réagit pas de la même façon : en régime alter­na­tif, son impé­dance varie selon l’am­pli­tude du signal. Dans l’exemple ci-contre, le signal arrive sur la borne + de la diode. La borne — est reliée à la masse. La partie néga­tive du signal voit la diode comme une résis­tance de très forte valeur. Mais la partie posi­tive du signal alter­na­tif rencontre une forte impé­dance de la part de la diode, jusqu’à ce que sa tension arrive à un seuil (dans le cas de notre diode : 650 mV). Au-dessus de 650 mV, la diode devient conduc­trice, et son impé­dance dimi­nue dras­tique­ment : le courant augmente, en revanche, la tension à ses bornes n’aug­mente plus. Elle a atteint un seuil de conduc­ti­vité, et elle reste à ce seuil.

Ainsi, on obtient un signal écrêté. Comme une diode agit sur un seul pôle du signal (posi­tif ou néga­tif), il en faut deux, instal­lées tête-bêche, pour écrê­ter le signal de façon symé­trique. L’am­pli­tude du signal en sortie est, égale­ment, limi­tée par ces diodes : 250 mV maxi­mum. Le niveau d’écrê­tage dépend donc du seuil de conduc­ti­vité de la diode. Il n’est pas compliqué, à partir de là, d’ima­gi­ner qu’il serait inté­res­sant de chan­ger les diodes, ou leur topo­lo­gie, pour obte­nir des résul­tats diffé­rents.

ECRETAGE ALTERNATIF.PNGJe propose cette solu­tion (voir ci-contre) : quatre diodes, commu­tables par un seul sélec­teur rota­tif (sélec­teur à double pôle) selon trois couples diffé­rents : deux au germa­nium (comme dans l’ori­gi­nale, repré­sen­tée ici en noir), deux au sili­cium (avec un seuil plus élevé, dont un écrê­tage moindre, ici en blanc) et un couple germa­nium-sili­cium (D3 et D2). Dans chaque posi­tion, un poten­tio­mètre permet de mini­mi­ser l’in­fluence d’une des deux diodes : ce contrôle, parfois nommé « Warp », permet de jouer sur la symé­trie de l’écrê­tage, et sur les harmo­niques obte­nues.

Quatre diodes, un sélec­teur, un potard : rien de trop compliqué.

Main­te­nant penchons-nous sur la boucle de contre-réac­tion et de gain. En premier lieu, il est envi­sa­geable d’en chan­ger le conden­sa­teur pour mini­mi­ser la perte de grave. Un simple switch permet­trait de sélec­tion­ner diffé­rents conden­sa­teurs pour des résul­tats diffé­rents. Voici la simu­la­tion de la bande passante de la pédale pour les valeurs 10, 22, 33, et 100 nF : on voit bien que plus le conden­sa­teur a une forte valeur, moins le signal pique autour de 4 kHz.

SIMU 4 5 6 MXR DISTO PLUS.PNG

Mais il est égale­ment possible de chan­ger la topo­lo­gie de toute cette boucle de gain.

En effet, en l’état, la résis­tance dont la valeur varie (de façon à augmen­ter le gain) a une influence sur la bande passante. SI l’on change cette résis­tance de place, on change le fonc­tion­ne­ment du filtre passe-haut formé par le conden­sa­teur et le couple C+VR. Dans sa version origi­nale, la fréquence de coupure du filtre passe-haut change avec le réglage de gain, car la valeur de la résis­tance VR1 change : on tourne le potard, le gain augmente — et en consé­quence la fréquence de coupure du filtre augmente. Plus de gain = moins de bas médiums. Avec cette nouvelle confi­gu­ra­tion, le filtre conserve ses valeurs fixes même lorsque le gain augmente. Ci-dessous, voici le schéma proposé ainsi que les courbes de réponses obte­nues.

SCHEMA MOD PXR VS PROCO RAT

Ci-dessous la réponse en fréquence de la pédale dans son circuit origi­nal, et de son circuit modi­fié :

MXR DISTO PLUS BANDE PASSANTE.PNG

SIMU 7 MXR DISTO PLUS.PNG

C’est non seule­ment inté­res­sant, mais en plus les deux modi­fi­ca­tions ci-dessus sont compa­tibles ! On peut aussi propo­ser un système permet­tant de bascu­ler d’un système de gain à un autre avec un simple inver­seur de type 3PDT (c’est-à-dire à trois contacts, et deux posi­tions, comme l’on voit ci-contre).

Concluons cet article en propo­sant quelques valeurs alter­na­tives. La Disto Plus a été copiée par plusieurs autres construc­teurs, avec quelques modi­fi­ca­tions inté­res­santes. Inspi­rons-nous donc de DOD et de sa 250, et envi­sa­geons d’en­le­ver C1, le conden­sa­teur de suppres­sion de bruit RF — cela nous permet­tra de gagner un tout petit peu d’ai­gus et, donc, de clarté. Certaines versions de la Ross R-50 changent le conden­sa­teur de blocage DC, en sortie, pour une valeur plus élevée (jusqu’à 10 uF) de façon à récu­pé­rer plus de graves : modi­fi­ca­tion inté­res­sante surtout si l’on propose diffé­rentes bandes passantes, comme on l’a fait ci-dessus. On les inscrit donc sur la liste !

Dans le prochain article, nous verrons quelles modi­fi­ca­tions inté­res­santes peuvent être appor­tées en ajou­tant des éléments au circuit origi­nal, et nous commen­ce­rons à redes­si­ner le schéma de la pédale.

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