À l’heure où les workstations alignent des performances et un degré de complexité sans précédent, Roland présente un gros synthé de scène embarquant une technologie hybride à base de PCM, d’analogique virtuel et de modélisation du comportement des instruments acoustiques. Voyons tout cela de plus près…
La prestigieuse lignée des Jupiter remonte à la seconde moitié des années 70, avec le Jupiter-4, premier synthé polyphonique à mémoires de la marque. Un son bien gras comme on les aime, assuré par un filtre à base de circuits BA662 puis d’IR3109 maison. Il est suivi au début des années 80 par le fameux Jupiter-8, l’un des polyphoniques analogiques les plus recherchés actuellement, mélangeant les VCO discrets aux filtres IR3109. Le JP-8 est d’une efficacité redoutable, d’une prise en main immédiate et construit comme un tank. Il est omniprésent sur des tubes interplanétaires de cette époque, comme Thriller ou Relax. La série des Jupiter claviers se termine par le JP-6, basé sur des circuits CEM 3340 pour ses VCO ; plus souple grâce à son filtre multimode, il aura toutefois moins de succès, avec un son plus étriqué à dominante médium-aigus jugé moins flatteur que les précédents modèles. Une version rack, le MKS-80 « Super-Jupiter », utilisera dans sa révision 4 une partie des composants du JP-6 et de la philosophie du JP-8. La lignée s’éteint donc au milieu des années 80, comme l’ensemble des monstres sacrés analogiques…
jusqu’en 2011 où Roland annonce la sortie d’un nouveau Jupiter. En plein revival analogique, les aficionados de cette forme de synthèse se remettent à rêver d’un nouveau gros polyphonique Roland. À la sortie du JP-80, les espoirs retombent et les critiquent pleuvent : « comment, ils ont osé appeler Jupiter un synthé numérique même pas boutonneux ? » Mais les plus vieux d’entre nous se rappellent que les Jupiter étaient avant tout des claviers haut de gamme taillés pour la scène. Le JP-80 s’aligne parfaitement sur ce positionnement, mais avec la technologie du 21e siècle. Alors plutôt que râler, voyons de quoi est capable, ce beau gros bébé…
Fort bien construit…
Le déballage du JP-80 est un pur moment de plaisir. Au-delà de la taille imposante de l’appareil, on découvre une machine solide et excellemment bien construite, sans pour autant peser un âne mort (18 kg… pour le JP, pas l’âne). On apprécie en particulier l’épaisseur de la tôle alu et la qualité de la sérigraphie. Le JP-80 est même plus costaud et beaucoup plus imposant que le JP-8 que nous avons placé juste au-dessus. À l’allumage, notre plaisir se poursuit : en moins de 15 secondes, le JP-80 est fin prêt après une courte séquence d’illuminations. Les 27 boutons sertis multicolores de sélection de catégorie d’instrument sont brillants et robustes ; ils facilitent la sélection des Live Sets ou Tones suivant la partie jouée (Percussion, Lower, Upper, Solo), avec une touche « Other » permettant l’accès aux catégories non directement couvertes, bien vu ! De même, une rangée de 15 boutons poussoirs situés sous le clavier permet d’appeler les 256 Registrations de sons, clin d’œil au bon vieux Jupiter-4. On pourrait craindre de les déclencher par erreur, mais cela n’est pas arrivé, même avec un gros ventre… Pour faciliter le jeu direct, des touches de transposition rapide par octave ou demi-ton sont prévues, ainsi que des touches split inférieures et supérieures, permettant en un instant de mettre l’une des 4 parties sonores en séparation ou en couche. Grâce aux 4 longs faders couplés à 4 rangées verticales de diodes de position et aux 4 poussoirs, on peut également affiner le mix ou couper / activer une partie sonore à la volée.
De gauche à droite du panneau avant, le JP-80 est séparé en 5 sections : après la trappe pour clé USB (livrée avec vis et plaque métal de verrouillage), on trouve le D-Beam maison (contrôleur optique réagissant à la position de la main), avec 3 sélecteurs d’assignation (hauteur, volume, affectation libre) ; il surplombe le potard de volume global. Vient ensuite une section arpégiateur / harmoniseur / transposition. Puis c’est au tour des 4 faders / poussoirs servant à contrôler les 4 canaux principaux ou les 4 couches d’un Live Set, en mode d’édition (nous y reviendrons). Au centre trône un magnifique écran tactile couleur 800 × 480 points, parfaitement rétro-éclairé et très franc à la détente ; les éléments contextuels de menus sont bien dimensionnés, lisibles et maniables ; notamment, les tirettes harmoniques des orgues modélisés fonctionnent parfaitement par simple glissement de doigt, tout comme les faders d’édition ou les potards virtuels en mode synthèse. Les graphismes sont clairs et utiles : table de mixage avec vumètres virtuels, routage des effets, zonage clavier, notes jouées, fenêtres d’édition façon synthé…).
… et bien pensé
L’écran surplombe 4 encodeurs contextuels pour l’édition rapide et 2 touches (Menu / Shift) ; juste à droite, on trouve un encodeur alpha-dial entouré de 4 flèches de navigation, 2 touches de décrémentation / incrémentation et les traditionnels Exit / Enter. La touche Shift permet des fonctions alternatives, notamment la modification rapide de certains paramètres en conjonction avec l’alpha-dial, très utile pour sélectionner l’un des 2560 Live Sets ou 2048 Tones internes sans se faire une crampe au doigt, vu qu’il n’y a pas de pavé numérique. Enfin encore plus à droite, on trouve une section de commandes permettant d’activer la réverbe et le transport de l’enregistreur audio interne. Quand on voit cet immense panneau avant, on ne peut s’empêcher de regretter la présence de commandes plus nombreuses pour la synthèse ou encore des pads !
Le clavier 76 touches lestées est sensible à la vélocité et à la pression. Sa réponse est de toute première qualité, parfaitement équilibrée, sans bruit, avec un rebond bien franc et sans déclenchement intempestif de la pression. À sa gauche, le Pitchbend pure tradition Roland est capable de travailler sur la hauteur de tonalité (de gauche à droite) et une modulation (en avant uniquement). 2 boutons de jeu S1 et S2 permettent d’ajouter des modulations au son (appel d’une variation, activation d’un paramètre), très utiles pour le rendu sur les instruments acoustiques. Ah, nous avons failli oublier les interrupteurs dédiés à l’effet haut-parleur tournant lorsqu’il est utilisé (marche / arrêt, lent / rapide).
Sur l’arrière, la connectique est généreuse : sorties audio stéréo principales en XLR et jack TRS (la classe !), sorties audio stéréo auxiliaires en jack (auxquelles on peut assigner n’importe quel canal sonore et/ou effet), prise casque, entrée audio stéréo au format mini-jack (optimisée pour les lecteurs MP3), 3 prises pédales (1 maintien et 2 contrôleurs continus), un trio de prises Midi In / Out / Thru, une prise USB2 vers hôte, une sortie numérique coaxiale et la prise IEC 3 broches pour cordon secteur (alimentation interne). Moyennant l’installation d’un driver fourni (XP / Vista / Seven ou OSX 10.4 à 10.7), la prise USB permet de véhiculer les signaux audio stéréo et Midi en bidirectionnel vers un ordinateur. La qualité à tous les étages et la simplicité de prise en main est ce qui transpire de ce premier tour du JP-80, ce que confirme le mode d’emploi de 100 pages en français (version 1.10), arborant fièrement la mention « garantie 3 ans ».
SuperNatural Acoustic
Côté génération sonore, le JP-80 combine 2 technologies : les ondes PCM et la modélisation. Mais Roland a poussé les choses un petit peu plus loin, sous le vocable « SuperNatural ». Premier type de modélisation, les Tones « SuperNatural Acoustic » reproduisent certaines caractéristiques du jeu des instruments qu’ils imitent, suivant ce que l’on joue au clavier et avec les contrôleurs physiques : par exemple, le legato d’une corde solo, le strumming d’une guitare quand on plaque un accord, le growl d’un sax quand on pousse la molette, les falls de trompette ou des trémolos de violons quand on sélectionne un bouton de jeu S1 ou S2… apportant ainsi un réalisme accru. Cette technologie donne l’accès à certains paramètres du comportement des instruments. En fait, la modélisation va aller chercher différents types d’échantillons suivant l’analyse du jeu du musicien et l’instrument modélisé, un peu à la manière des sons SA2 des Tyros 3 et 4 de Yamaha.
Parmi les Tones « SuperNatural Acoustic », on trouve différentes déclinaisons de pianos acoustiques (du plus dark au plus brillant, pouvant s’accommoder à tous les styles de jeu) ; on peut en modifier 6 paramètres clés, tels que la résonance de corde, le bruit des marteaux, le couleur du timbre ou la largeur stéréo. Les pianos électriques imitent les standards de l’industrie musicale : Rhodes Fender, Wurlitzer et Hohner Clavinet ; on peut uniquement en régler le bruit de relâchement de touche et il n’y a pas d’effets intégrés (type Wah-wah, Phaser, simulateur d’ampli ou distorsion) au modèle ; il faudra les prendre dans la section effets séparée. Le vibraphone et le marimba sont très musicaux ; on peut modifier la dureté de frappe, la vitesse de roulement (déclenché à la molette) et la vibration (normal, Sustain avec tremolo ou coup bref). Une modélisation d’orgue type B3 est de la partie, pas transcendante mais utile, avec tous les paramètres liés à l’instrument : accès graphique aux 9 tirettes harmoniques, différents paramétrages de la percussion, click, Leakage ; par contre, aucun effet-type intégré à la modélisation (Chorus, Leslie), il faut là encore passer par le processeur séparé.
Passons aux basses acoustiques, bien détaillées, avec retour de corde au relâchement. La modélisation contrôle le bruit et le mode de jeu (normal, staccato ou harmonique). Là aussi, le JP-80 fait appel à différents échantillons, tout cela modulable en temps réel. Pour les basses électriques, c’est à peu près la même chose, hormis les modes de jeu possibles (normal, slap / mute / staccato, harmoniques) qui varient selon le type de basse choisi. Sur les guitares acoustiques, on a le droit aux notes liées, aux harmoniques et aux strummings quand on plaque un accord, effet Gipsy King garanti ! Les cordes sont déclinées en différentes versions d’ensembles et de soli, reproduisant différentes techniques de jeu ; mention spéciale aux ensembles, amples et réalistes ; les paramètres concernent le bruit et le mode de jeu.
Pour les instruments à vent, le JP-80 offre différents cuivres (trompettes, trombones, cors, saxes) avec une attention particulière au traitement par le Pitchbend, un glissando avec apparition de growl sur des petits intervalles, ce qui accroit le réalisme et l’expressivité. Idem pour les bois (clarinette, hautbois, basson, cor anglais, flûte), dans l’ensemble très musicaux. Enfin, on trouve quelques instruments World comme le Sitar, l’Erhu, le Sarangi ou les Steel Drums. Au total, le JP-80 n’offre même pas 80 Tones « Super Natural Acoustic » (plus quelques versions jouées post-transitoires) et pas d’emplacement pour la sauvegarde directe des sons utilisateur ou d’accès au cœur des modèles (nous reviendrons sur ce point, car on peut tout de même sauvegarder quelques paramètres au stade supérieur de l’architecture des programmes).
SuperNatural Synth
Second type de modélisation, les Tones « SuperNatural Synth » sont basés sur la modélisation de synthés analogiques et la lecture de multisamples PCM (pas les mêmes que ceux utilisés pour les Tones « SuperNatural Acoustic »). Cette fois, l’édition va beaucoup plus loin que sur le modèle précédent, puisqu’on a affaire à un synthé programmable complet et 2048 mémoires disponibles. Parmi les 1900 sons d’usine, on trouve un florilège des sons du JP-8 originel, dont les 8 patches d’usine ABCDEFGH en mode split / dual. La question qui tue : est-ce que c’est fidèle ? Pour avoir les 2 machines l’une sur l’autre, on peut dire qu’on retrouve par moment le caractère de l’ancêtre sur certains sons très typés, mais le JP-80 a une structure différente et un univers sonore beaucoup plus large. Ainsi on a sous la main un tas de programmes bien fichus et utiles de basses, strings, cuivres, nappes, leads et effets couvrant un vaste territoire sonore, des années 70 à nos jours.
On apprécie dans ces sons la rondeur caractéristique des machines Roland, une bonne patate sur les basses synthétiques, des nappes amples évolutives, des textures hybrides avec transitoires typiques des D-50 et aussi des imitations de polyphoniques vintages d’autres marques disparues. Les Tones « SuperNatural Synth » font appel à une architecture à 3 couches indépendantes, comme sur le SH-01 Gaïa. La comparaison s’arrête toutefois là, en particulier sur le volet qualitatif, plusieurs crans au-dessus sur le JP-80. Pour éditer un son synthétique, on peut utiliser 2 modes : les menus déroulants, avec une page par section de synthèse (oscillateurs, filtres, volume, modulations…) ou les fenêtres graphiques, reprenant la charte du JP-8.
Pour chacune des couches sonores, on dispose d’un synthé complet : on commence par un oscillateur numérique, qui peut faire indifféremment appel à l’une des 7 ondes modélisées (dent de scie, carrée, impulsion à largeur variable modulable, triangle, sinus, bruit, Supersaw) ou l’un des 363 multi-échantillons PCM. Chaque onde basique offre 3 variations, sauf la Supersaw qui a un paramètre de Detune. Le pitch peut être modulé par une enveloppe AD bipolaire et le Pitchbend. On attaque ensuite le filtre multimode résonant, capable de fonctionner en LP, BP, HP et Peak, sur 2 ou 4 pôles. La fréquence de coupure est modulable par le suivi de clavier, la vélocité et une enveloppe ADSR dédiée (modulation bipolaire). La résonance permet l’auto-oscillation, mais l’effet est très brutal et assez peu musical pour nos chastes oreilles ; à réserver pour les effets spéciaux ou la chasse aux chauves-souris. Un petit filtre HP statique 1 pôle est placé en série juste avant le « gros » filtre, comme sur le JP-8.
Côté amplitude, les paramètres sont classiques : niveau, panoramique, suivi, vélocité, enveloppe ADSR… au rayon des modulations, nous avons affaire à 2 LFO : un classique, l’autre activé par la molette de modulation. On peut en régler la forme d’onde (triangle, sinus, dent de scie, carré, S&H, aléatoire), la vitesse (avec synchro au tempo global), le temps de fondu (pour le LFO classique) et l’action sur le pitch, le filtre, le volume et le panoramique. Les deux premières couches peuvent s’intermoduler : modulation en anneau et Waveshape (modulation de fréquence), même avec des ondes PCM, sympa ! Hélas, pas de véritable synchro. Tous ces paramètres sont indépendants pour chacune des 3 couches sonores. Pour parfaire la modélisation, on peut décider d’apporter un peu d’instabilité artificielle aux oscillateurs. Pour terminer, signalons que les voix peuvent être jouées à l’unisson (1, 2 ,4 ou 8 voix simultanées).
- Church organ00:31
- Organ tirettes00:46
- Orchestral00:44
- Cla cla cla00:37
- JP-8 arps01:09
- Dream trumpet00:35
- Synthbass00:43
- Gypsie00:29
- JP-8 strings00:33
- Cantina trio01:20
- Strings Solo00:40
- JP-8 patchwork01:14
- Synthtexture00:30
- Strings Arp00:53
- Synthsplit00:50
- Grattos00:40
- Synthoxy00:44
Hiérarchie pesante
L’aspect le plus déroutant du JP-80, au départ, est la structuration de ses programmes. Il existe en effets différents niveaux hiérarchiques, au sein desquels on va pouvoir mémoriser différents paramètres, ce qui est très différent de l’approche traditionnelle programme simple / combinaison de programmes. Au plus haut niveau hiérarchique, il y a les Registrations. Chacune des 256 en mémoire peut contenir jusqu’à 4 parties : Percussion, Lower, Upper et Solo. Ces parties peuvent être arrangées sur le clavier en couche ou en split (jusqu’à 4 zones, donc). Les parties Lower et Upper sont les plus complexes : elles contiennent chacune un Live Set, combinaison de 4 Tones, soit 4 couches sonores indépendantes. La mémoire renferme 2560 Live Sets réinscriptibles, dont 2300 sont déjà programmés. Les parties Percussion et Solo ne renferment qu’un seul Tone chacune. Donc au global, on peut avoir 10 Tones simultanés (1+4+4+1), à concurrence des 256 voix de polyphonie maximale. Un Tone peut indifféremment faire appel à un son « SuperNatural Acoustic » ou « SuperNatural Synth » ; une seule exception, la modélisation d’orgue à tirettes qui ne peut pas être utilisée pour les parties Percussion et Solo.
Là où ça se complique, c’est dans l’organisation hiérarchique des paramètres programmables. Au niveau de la Registration, on peut sauvegarder des paramètres généraux tels que le Tempo global, le volume, la transposition, les points de split, l’assignation des contrôleurs (S1 et S2, 4 encodeurs, D-Beam, pédales…), l’arpégiateur et l’harmoniseur. Pour chacune des 4 parties d’une Registration, on peut régler l’activation, le numéro de Tone / Live Set, l’octave, le niveau et le panoramique. Pour les parties Percussion et Solo, on règle le niveau, le panoramique, le départ vers la réverbe et les fondus respectifs avec les parties Lower et Upper ; puis le pitch, le portamento, le vibrato, le filtre (coupure, résonance), l’enveloppe ADR (enveloppes filtre / amplitude réglées simultanément), les fondus en vélocité, le mode de jeu (mono / poly / legato), la réserve de voix et le filtrage des commandes physiques / CC Midi. Il est à noter que pour les paramètres de synthèse, il s’agit d’offset des valeurs programmées initialement dans les sons par le constructeur. Toujours pour les parties Percussion / Solo, on accède au réglage des effets dédiés (cf. ci-après). La partie Percussion peut être assignée soit aux 15 touches inférieures du clavier (mini-drumkits), soit à toute la tessiture (drumkits). Un total de 8 mini-drumkits et 16 drumkits (pop, rock, jazz, électronique, orchestral, effets…) sont stockés en Rom, mais hélas non modifiables.
Pour les parties Lower / Upper, un premier niveau de réglage d’offset se fait dans l’onglet commun du Live Set : niveau, catégorie, coupure commune du filtre, résonance commune… puis viennent les paramètres par couche / Tone : activation, niveau, panoramique, départs vers les multieffets, départ vers la réverbe, fondus ; puis le pitch, le portamento, le vibrato, le filtre (coupure, résonance), l’enveloppe ADR (enveloppes filtre / amplitude réglés simultanément), les fondus en vélocité, le mode de jeu (mono / poly / legato), la réserve de voix et le filtrage des commandes physiques / CC Midi. Tout cela est donc un peu semblable aux parties Percussions / Solo, mais à un niveau hiérarchique plus bas. Là où les Live Sets vont plus loin, c’est dans la capacité de modifier certains paramètres du Tone : pour les Tones « SuperNatural Acoustic », il s’agit des quelques paramètres des instruments modélisés décrits au chapitre éponyme. Pour les Tones « SuperNatural Synth », il s’agit de l’offset de l’enveloppe de Pitch (AD), du filtre (mode LPF/HPF/BPF/Peak, coupure, résonance, suivi de clavier, enveloppe ADSR, vélocité), du volume (suivi de clavier, enveloppe ADSR, vélocité), des 2 LFO, du portamento et de paramètres de jeu. Un écran Tone Blender permet de contrôler simultanément plusieurs paramètres (tels que niveau, panoramique, coupure de filtre, résonance, ADR, départs effets), par un même CC Midi et par couche. Tout cela est un peu confus, d’autant qu’un ultime niveau d’édition permet d’entrer en profondeur dans les paramètres de synthèse pour les Tones « SuperNatural Synth », comme nous l’avons vu auparavant.
Un paquet d’effets
Le JP-80 dispose d’une puissante section effets, là encore hiérarchisés. Au niveau de la Registration, on règle et enregistre les effets des parties Percussion / Solo. Pour chacune de ces 2 parties, on dispose d’une chaîne compresseur / EQ / délai indépendante. Le compresseur, assez basique, est éditable en attaque / seuil / gains bas et haut / niveau de sortie. L’EQ est de type 4 bandes (2 bandes extrêmes semi-paramétriques, 2 bandes centrales paramétriques). Puis vient un délai stéréo très complet avec atténuation des fréquences basse / hautes, mode cross-délai et phases ajustables. Cette chaîne est tout à fait pertinente pour faire ressortir un solo du mix, bien vu ! La sortie de chaque partie Percussion / Solo peut ensuite être dirigée vers une réverbe commune. Cette dernière présente plusieurs algorithmes de pièces, une plaque et des délais, dont certains tirés de la technologie SRV maison, pouvant aller jusqu’à 10 paramètres éditables, avec un son de qualité.
Les parties Lower et Upper disposent de leurs propres sections effets, sauvegardées au sein des Live Set. Pour chaque Live set, on trouve pas moins de 4 multieffets et une réverbe. Les multieffets sont très puissants et très variés, forts de leurs 76 algorithmes : des filtres (EQ, Wah-wah, Enhancer), des modulations (Phaser, Leslie…), des effets d’ensemble (chorus / Flanger / effets 3D), des processeurs de dynamique (compresseurs, limiteurs, Gates, distorsions, simulateurs d’ampli), des délais, des effets Lo-fi, des Pitch Shifter, des combinaisons de 2 effets et une simulation de résonnance sympathique de piano… bref, de quoi satisfaire presque tout le monde, sauf l’amateur de vocodeur. Dans chaque algorithme, jusqu’à 4 paramètres prédéfinis sont modulables par des sources assignables. La réverbe est identique à ce que l’on trouve pour les parties Percussion / Solo. Au global, on a donc 8 multieffets, 2 chaînes compresseur -> EQ -> délai et 3 réverbes, sans oublier l’EQ maître 4 bandes en sortie pour peaufiner le tout. Du très lourd !
Arpégiateur, harmoniseur, master, enregistreur
Le JP-80 dispose d’un arpégiateur activable pour les parties Lower et Upper. On trouve 128 motifs ROM et 128 motifs utilisateur. Ces derniers se créent par import de SMF au format 0, avec quelques restrictions : imports des messages de notes, CC, pression et Pitchbend, avec une limite de 500 événements de notes (donc environ 250 notes) et 500 CC. Pour un arpège, on mémorise le motif d’arpège, sa variation (pour les arpèges en Rom), son sens de lecture (en haut, en bas, alterné, glissé, notes jouées, accord…), la réponse en vélocité, l’étendue (+ ou – 3 octaves), l’accentuation et le Shuffle. Passons à l’harmoniseur, fonction bien connue des arrangeurs, qui permet d’appliquer à la note supérieure de la partie Upper une harmonisation issue des accords joués sur la partie Lower, suivant l’un des 17 types d’harmonisation proposés : orgue, Big band, strings, chorale, country, gospel…
Autres caractéristiques bien pratiques pour le live, le JP-80 peut se transformer en clavier de commande, grâce au mode External Part qui permet de piloter un module externe sur 16 canaux Midi simultanés : pour chaque canal, on peut programmer le numéro de banque / programme, la transposition d’octave, la tessiture, la fenêtre de vélocité, le niveau et le panoramique. Les réglages d’arpèges, harmonies et clavier maître sont sauvegardés au sein des Registrations. Enfin, le JP-80 est capable d’enregistrer et lire des pistes audio stéréo via son lecteur de carte USB. Il est compatible en lecture avec les formats Wave / Aiff (44–48–96 kHz / 8–16–24 bits), mp3 (32 à 320 kb/s / 44 kHz) et enregistre en Wave (16 bits / 44 kHz). En lecture, on peut modifier la vitesse de lecture (75–125%), le pitch (30–170%) et l’EQ (4 bandes). Une fonction « Center Cancel » permet d’atténuer les fréquences centrales (en particulier les voix) des pistes audio. En revanche, pas de lecture de séquences Midi (hormis l’import de SMF vers l’arpégiateur) ou de mode compatible GM… Insérer une carte USB permet aussi de sauvegarder toute la mémoire utilisateur interne, à savoir 256 Registrations, 2560 Live Sets, 2048 Tones synthétiques et 128 arpèges. Bizarrement, on ne peut avoir qu’un seul backup de ce genre sur une clé USB.
Conclusion
Au final, le JP-80 est un instrument véritablement singulier. À l’heure où les workstations sont de plus en plus puissantes, polyvalentes et complexes, il prend une approche résolument opposée, allant à l’essentiel. Clairement orienté scène, ce n’est ni une workstation, ni un arrangeur… mais un véritable synthé, dans lequel l’accent a été mis sur l’efficacité et la spontanéité, c’est-à-dire l’assemblage rapide de couches sonores jouables à la main, mixables en temps réel et vite paramétrables sur les principaux paramètres de synthèse. Il n’en demeure pas moins un puissant synthé VA, capable d’utiliser des ondes PCM en plus des ondes modélisées, ainsi qu’un lecteur d’échantillons futé, analysant le comportement de jeu pour améliorer le réalisme des instruments acoustiques. Ce qui se dégage au contact de l’instrument, c’est une qualité sans compromis dans tous les domaines. On regrettera toutefois le manque de commandes directes, les contrôles limités des sons acoustiques modélisés et la hiérarchisation des programmes inutilement lourde. Mais pour les musiciens qui recherchent un synthé robuste, intuitif, polyvalent et taillé pour la route, le JP-80 a tout pour plaire.