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Test du Roland Jupiter-80 - La bête de scène

À l’heure où les workstations alignent des performances et un degré de complexité sans précédent, Roland présente un gros synthé de scène embarquant une technologie hybride à base de PCM, d’analogique virtuel et de modélisation du comportement des instruments acoustiques. Voyons tout cela de plus près…

La pres­ti­gieuse lignée des Jupi­ter remonte à la seconde moitié des années 70, avec le Jupi­ter-4, premier synthé poly­pho­nique à mémoires de la marque. Un son bien gras comme on les aime, assuré par un filtre à base de circuits BA662 puis d’IR3109 maison. Il est suivi au début des années 80 par le fameux Jupi­ter-8, l’un des poly­pho­niques analo­giques les plus recher­chés actuel­le­ment, mélan­geant les VCO discrets aux filtres IR3109. Le JP-8 est d’une effi­ca­cité redou­table, d’une prise en main immé­diate et construit comme un tank. Il est omni­pré­sent sur des tubes inter­pla­né­taires de cette époque, comme Thril­ler ou Relax. La série des Jupi­ter claviers se termine par le JP-6, basé sur des circuits CEM 3340 pour ses VCO ; plus souple grâce à son filtre multi­mode, il aura toute­fois moins de succès, avec un son plus étriqué à domi­nante médium-aigus jugé moins flat­teur que les précé­dents modèles. Une version rack, le MKS-80 « Super-Jupi­ter », utili­sera dans sa révi­sion 4 une partie des compo­sants du JP-6 et de la philo­so­phie du JP-8. La lignée s’éteint donc au milieu des années 80, comme l’en­semble des monstres sacrés analo­giques…

jusqu’en 2011 où Roland annonce la sortie d’un nouveau Jupi­ter. En plein revi­val analo­gique, les aficio­na­dos de cette forme de synthèse se remettent à rêver d’un nouveau gros poly­pho­nique Roland. À la sortie du JP-80, les espoirs retombent et les critiquent pleuvent : « comment, ils ont osé appe­ler Jupi­ter un synthé numé­rique même pas bouton­neux ? » Mais les plus vieux d’entre nous se rappellent que les Jupi­ter étaient avant tout des claviers haut de gamme taillés pour la scène. Le JP-80 s’aligne parfai­te­ment sur ce posi­tion­ne­ment, mais avec la tech­no­lo­gie du 21e siècle. Alors plutôt que râler, voyons de quoi est capable, ce beau gros bébé…

Fort bien construit…

Roland Jupiter-80

Le débal­lage du JP-80 est un pur moment de plai­sir. Au-delà de la taille impo­sante de l’ap­pa­reil, on découvre une machine solide et excel­lem­ment bien construite, sans pour autant peser un âne mort (18 kg… pour le JP, pas l’âne). On appré­cie en parti­cu­lier l’épais­seur de la tôle alu et la qualité de la séri­gra­phie. Le JP-80 est même plus costaud et beau­coup plus impo­sant que le JP-8 que nous avons placé juste au-dessus. À l’al­lu­mage, notre plai­sir se pour­suit : en moins de 15 secondes, le JP-80 est fin prêt après une courte séquence d’illu­mi­na­tions. Les 27 boutons sertis multi­co­lores de sélec­tion de caté­go­rie d’ins­tru­ment sont brillants et robustes ; ils faci­litent la sélec­tion des Live Sets ou Tones suivant la partie jouée (Percus­sion, Lower, Upper, Solo), avec une touche « Other » permet­tant l’ac­cès aux caté­go­ries non direc­te­ment couvertes, bien vu ! De même, une rangée de 15 boutons pous­soirs situés sous le clavier permet d’ap­pe­ler les 256 Regis­tra­tions de sons, clin d’œil au bon vieux Jupi­ter-4. On pour­rait craindre de les déclen­cher par erreur, mais cela n’est pas arrivé, même avec un gros ventre… Pour faci­li­ter le jeu direct, des touches de trans­po­si­tion rapide par octave ou demi-ton sont prévues, ainsi que des touches split infé­rieures et supé­rieures, permet­tant en un instant de mettre l’une des 4 parties sonores en sépa­ra­tion ou en couche. Grâce aux 4 longs faders couplés à 4 rangées verti­cales de diodes de posi­tion et aux 4 pous­soirs, on peut égale­ment affi­ner le mix ou couper / acti­ver une partie sonore à la volée.

Roland Jupiter-80

De gauche à droite du panneau avant, le JP-80 est séparé en 5 sections : après la trappe pour clé USB (livrée avec vis et plaque métal de verrouillage), on trouve le D-Beam maison (contrô­leur optique réagis­sant à la posi­tion de la main), avec 3 sélec­teurs d’as­si­gna­tion (hauteur, volume, affec­ta­tion libre) ; il surplombe le potard de volume global. Vient ensuite une section arpé­gia­teur / harmo­ni­seur / trans­po­si­tion. Puis c’est au tour des 4 faders / pous­soirs servant à contrô­ler les 4 canaux prin­ci­paux ou les 4 couches d’un Live Set, en mode d’édi­tion (nous y revien­drons). Au centre trône un magni­fique écran tactile couleur 800 × 480 points, parfai­te­ment rétro-éclairé et très franc à la détente ; les éléments contex­tuels de menus sont bien dimen­sion­nés, lisibles et maniables ; notam­ment, les tirettes harmo­niques des orgues modé­li­sés fonc­tionnent parfai­te­ment par simple glis­se­ment de doigt, tout comme les faders d’édi­tion ou les potards virtuels en mode synthèse. Les graphismes sont clairs et utiles : table de mixage avec vumètres virtuels, routage des effets, zonage clavier, notes jouées, fenêtres d’édi­tion façon synthé…).

… et bien pensé

Roland Jupiter-80

L’écran surplombe 4 enco­deurs contex­tuels pour l’édi­tion rapide et 2 touches (Menu / Shift) ; juste à droite, on trouve un enco­deur alpha-dial entouré de 4 flèches de navi­ga­tion, 2 touches de décré­men­ta­tion / incré­men­ta­tion et les tradi­tion­nels Exit / Enter. La touche Shift permet des fonc­tions alter­na­tives, notam­ment la modi­fi­ca­tion rapide de certains para­mètres en conjonc­tion avec l’al­pha-dial, très utile pour sélec­tion­ner l’un des 2560 Live Sets ou 2048 Tones internes sans se faire une crampe au doigt, vu qu’il n’y a pas de pavé numé­rique. Enfin encore plus à droite, on trouve une section de commandes permet­tant d’ac­ti­ver la réverbe et le trans­port de l’en­re­gis­treur audio interne. Quand on voit cet immense panneau avant, on ne peut s’em­pê­cher de regret­ter la présence de commandes plus nombreuses pour la synthèse ou encore des pads !

Roland Jupiter-80

Le clavier 76 touches lestées est sensible à la vélo­cité et à la pres­sion. Sa réponse est de toute première qualité, parfai­te­ment équi­li­brée, sans bruit, avec un rebond bien franc et sans déclen­che­ment intem­pes­tif de la pres­sion. À sa gauche, le Pitch­bend pure tradi­tion Roland est capable de travailler sur la hauteur de tona­lité (de gauche à droite) et une modu­la­tion (en avant unique­ment). 2 boutons de jeu S1 et S2 permettent d’ajou­ter des modu­la­tions au son (appel d’une varia­tion, acti­va­tion d’un para­mètre), très utiles pour le rendu sur les instru­ments acous­tiques. Ah, nous avons failli oublier les inter­rup­teurs dédiés à l’ef­fet haut-parleur tour­nant lorsqu’il est utilisé (marche / arrêt, lent / rapide).

Sur l’ar­rière, la connec­tique est géné­reuse : sorties audio stéréo prin­ci­pales en XLR et jack TRS (la classe !), sorties audio stéréo auxi­liaires en jack (auxquelles on peut assi­gner n’im­porte quel canal sonore et/ou effet), prise casque, entrée audio stéréo au format mini-jack (opti­mi­sée pour les lecteurs MP3), 3 prises pédales (1 main­tien et 2 contrô­leurs conti­nus), un trio de prises Midi In / Out / Thru, une prise USB2 vers hôte, une sortie numé­rique coaxiale et la prise IEC 3 broches pour cordon secteur (alimen­ta­tion interne). Moyen­nant l’ins­tal­la­tion d’un driver fourni (XP / Vista / Seven ou OSX 10.4 à 10.7), la prise USB permet de véhi­cu­ler les signaux audio stéréo et Midi en bidi­rec­tion­nel vers un ordi­na­teur. La qualité à tous les étages et la simpli­cité de prise en main est ce qui trans­pire de ce premier tour du JP-80, ce que confirme le mode d’em­ploi de 100 pages en français (version 1.10), arbo­rant fière­ment la mention « garan­tie 3 ans ».

Super­Na­tu­ral Acous­tic

Roland Jupiter-80

Côté géné­ra­tion sonore, le JP-80 combine 2 tech­no­lo­gies : les ondes PCM et la modé­li­sa­tion. Mais Roland a poussé les choses un petit peu plus loin, sous le vocable « Super­Na­tu­ral ». Premier type de modé­li­sa­tion, les Tones « Super­Na­tu­ral Acous­tic » repro­duisent certaines carac­té­ris­tiques du jeu des instru­ments qu’ils imitent, suivant ce que l’on joue au clavier et avec les contrô­leurs physiques : par exemple, le legato d’une corde solo, le strum­ming d’une guitare quand on plaque un accord, le growl d’un sax quand on pousse la molette, les falls de trom­pette ou des trémo­los de violons quand on sélec­tionne un bouton de jeu S1 ou S2… appor­tant ainsi un réalisme accru. Cette tech­no­lo­gie donne l’ac­cès à certains para­mètres du compor­te­ment des instru­ments. En fait, la modé­li­sa­tion va aller cher­cher diffé­rents types d’échan­tillons suivant l’ana­lyse du jeu du musi­cien et l’ins­tru­ment modé­lisé, un peu à la manière des sons SA2 des Tyros 3 et 4 de Yamaha.

Parmi les Tones « Super­Na­tu­ral Acous­tic », on trouve diffé­rentes décli­nai­sons de pianos acous­tiques (du plus dark au plus brillant, pouvant s’ac­com­mo­der à tous les styles de jeu) ; on peut en modi­fier 6 para­mètres clés, tels que la réso­nance de corde, le bruit des marteaux, le couleur du timbre ou la largeur stéréo. Les pianos élec­triques imitent les stan­dards de l’in­dus­trie musi­cale : Rhodes Fender, Wurlit­zer et Hohner Clavi­net ; on peut unique­ment en régler le bruit de relâ­che­ment de touche et il n’y a pas d’ef­fets inté­grés (type Wah-wah, Phaser, simu­la­teur d’am­pli ou distor­sion) au modèle ; il faudra les prendre dans la section effets sépa­rée. Le vibra­phone et le marimba sont très musi­caux ; on peut modi­fier la dureté de frappe, la vitesse de roule­ment (déclen­ché à la molette) et la vibra­tion (normal, Sustain avec tremolo ou coup bref). Une modé­li­sa­tion d’orgue type B3 est de la partie, pas trans­cen­dante mais utile, avec tous les para­mètres liés à l’ins­tru­ment : accès graphique aux 9 tirettes harmo­niques, diffé­rents para­mé­trages de la percus­sion, click, Leakage ; par contre, aucun effet-type inté­gré à la modé­li­sa­tion (Chorus, Leslie), il faut là encore passer par le proces­seur séparé.

Roland Jupiter-80

Passons aux basses acous­tiques, bien détaillées, avec retour de corde au relâ­che­ment. La modé­li­sa­tion contrôle le bruit et le mode de jeu (normal, stac­cato ou harmo­nique). Là aussi, le JP-80 fait appel à diffé­rents échan­tillons, tout cela modu­lable en temps réel. Pour les basses élec­triques, c’est à peu près la même chose, hormis les modes de jeu possibles (normal, slap / mute / stac­cato, harmo­niques) qui varient selon le type de basse choisi. Sur les guitares acous­tiques, on a le droit aux notes liées, aux harmo­niques et aux strum­mings quand on plaque un accord, effet Gipsy King garanti ! Les cordes sont décli­nées en diffé­rentes versions d’en­sembles et de soli, repro­dui­sant diffé­rentes tech­niques de jeu ; mention spéciale aux ensembles, amples et réalistes ; les para­mètres concernent le bruit et le mode de jeu.

Roland Jupiter-80

Pour les instru­ments à vent, le JP-80 offre diffé­rents cuivres (trom­pettes, trom­bones, cors, saxes) avec une atten­tion parti­cu­lière au trai­te­ment par le Pitch­bend, un glis­sando avec appa­ri­tion de growl sur des petits inter­valles, ce qui accroit le réalisme et l’ex­pres­si­vité. Idem pour les bois (clari­nette, haut­bois, basson, cor anglais, flûte), dans l’en­semble très musi­caux. Enfin, on trouve quelques instru­ments World comme le Sitar, l’Erhu, le Sarangi ou les Steel Drums. Au total, le JP-80 n’offre même pas 80 Tones « Super Natu­ral Acous­tic » (plus quelques versions jouées post-tran­si­toires) et pas d’em­pla­ce­ment pour la sauve­garde directe des sons utili­sa­teur ou d’ac­cès au cœur des modèles (nous revien­drons sur ce point, car on peut tout de même sauve­gar­der quelques para­mètres au stade supé­rieur de l’ar­chi­tec­ture des programmes).

Super­Na­tu­ral Synth

Roland Jupiter-80

Second type de modé­li­sa­tion, les Tones « Super­Na­tu­ral Synth » sont basés sur la modé­li­sa­tion de synthés analo­giques et la lecture de multi­samples PCM (pas les mêmes que ceux utili­sés pour les Tones « Super­Na­tu­ral Acous­tic »). Cette fois, l’édi­tion va beau­coup plus loin que sur le modèle précé­dent, puisqu’on a affaire à un synthé program­mable complet et 2048 mémoires dispo­nibles. Parmi les 1900 sons d’usine, on trouve un flori­lège des sons du JP-8 origi­nel, dont les 8 patches d’usine ABCDEFGH en mode split / dual. La ques­tion qui tue : est-ce que c’est fidèle ? Pour avoir les 2 machines l’une sur l’autre, on peut dire qu’on retrouve par moment le carac­tère de l’an­cêtre sur certains sons très typés, mais le JP-80 a une struc­ture diffé­rente et un univers sonore beau­coup plus large. Ainsi on a sous la main un tas de programmes bien fichus et utiles de basses, strings, cuivres, nappes, leads et effets couvrant un vaste terri­toire sonore, des années 70 à nos jours.

On appré­cie dans ces sons la rondeur carac­té­ris­tique des machines Roland, une bonne patate sur les basses synthé­tiques, des nappes amples évolu­tives, des textures hybrides avec tran­si­toires typiques des D-50 et aussi des imita­tions de poly­pho­niques vintages d’autres marques dispa­rues. Les Tones « Super­Na­tu­ral Synth » font appel à une archi­tec­ture à 3 couches indé­pen­dantes, comme sur le SH-01 Gaïa. La compa­rai­son s’ar­rête toute­fois là, en parti­cu­lier sur le volet quali­ta­tif, plusieurs crans au-dessus sur le JP-80. Pour éditer un son synthé­tique, on peut utili­ser 2 modes : les menus dérou­lants, avec une page par section de synthèse (oscil­la­teurs, filtres, volume, modu­la­tions…) ou les fenêtres graphiques, repre­nant la charte du JP-8.

Roland Jupiter-80

Pour chacune des couches sonores, on dispose d’un synthé complet : on commence par un oscil­la­teur numé­rique, qui peut faire indif­fé­rem­ment appel à l’une des 7 ondes modé­li­sées (dent de scie, carrée, impul­sion à largeur variable modu­lable, triangle, sinus, bruit, Super­saw) ou l’un des 363 multi-échan­tillons PCM. Chaque onde basique offre 3 varia­tions, sauf la Super­saw qui a un para­mètre de Detune. Le pitch peut être modulé par une enve­loppe AD bipo­laire et le Pitch­bend. On attaque ensuite le filtre multi­mode réso­nant, capable de fonc­tion­ner en LP, BP, HP et Peak, sur 2 ou 4 pôles. La fréquence de coupure est modu­lable par le suivi de clavier, la vélo­cité et une enve­loppe ADSR dédiée (modu­la­tion bipo­laire). La réso­nance permet l’auto-oscil­la­tion, mais l’ef­fet est très brutal et assez peu musi­cal pour nos chastes oreilles ; à réser­ver pour les effets spéciaux ou la chasse aux chauves-souris. Un petit filtre HP statique 1 pôle est placé en série juste avant le « gros » filtre, comme sur le JP-8.

Côté ampli­tude, les para­mètres sont clas­siques : niveau, pano­ra­mique, suivi, vélo­cité, enve­loppe ADSR… au rayon des modu­la­tions, nous avons affaire à 2 LFO : un clas­sique, l’autre activé par la molette de modu­la­tion. On peut en régler la forme d’onde (triangle, sinus, dent de scie, carré, S&H, aléa­toire), la vitesse (avec synchro au tempo global), le temps de fondu (pour le LFO clas­sique) et l’ac­tion sur le pitch, le filtre, le volume et le pano­ra­mique. Les deux premières couches peuvent s’in­ter­mo­du­ler : modu­la­tion en anneau et Wave­shape (modu­la­tion de fréquence), même avec des ondes PCM, sympa ! Hélas, pas de véri­table synchro. Tous ces para­mètres sont indé­pen­dants pour chacune des 3 couches sonores. Pour parfaire la modé­li­sa­tion, on peut déci­der d’ap­por­ter un peu d’in­sta­bi­lité arti­fi­cielle aux oscil­la­teurs. Pour termi­ner, signa­lons que les voix peuvent être jouées à l’unis­son (1, 2 ,4 ou 8 voix simul­ta­nées).

Church organ
00:0000:31
  • Church organ00:31
  • Organ tirettes00:46
  • Orches­tral00:44
  • Cla cla cla00:37
  • JP-8 arps01:09
  • Dream trum­pet00:35
  • Synth­bass00:43
  • Gypsie00:29
  • JP-8 strings00:33
  • Cantina trio01:20
  • Strings Solo00:40
  • JP-8 patch­work01:14
  • Synth­tex­ture00:30
  • Strings Arp00:53
  • Synths­plit00:50
  • Grat­tos00:40
  • Synthoxy00:44

Hiérar­chie pesante

Roland Jupiter-80

L’as­pect le plus dérou­tant du JP-80, au départ, est la struc­tu­ra­tion de ses programmes. Il existe en effets diffé­rents niveaux hiérar­chiques, au sein desquels on va pouvoir mémo­ri­ser diffé­rents para­mètres, ce qui est très diffé­rent de l’ap­proche tradi­tion­nelle programme simple / combi­nai­son de programmes. Au plus haut niveau hiérar­chique, il y a les Regis­tra­tions. Chacune des 256 en mémoire peut conte­nir jusqu’à 4 parties : Percus­sion, Lower, Upper et Solo. Ces parties peuvent être arran­gées sur le clavier en couche ou en split (jusqu’à 4 zones, donc). Les parties Lower et Upper sont les plus complexes : elles contiennent chacune un Live Set, combi­nai­son de 4 Tones, soit 4 couches sonores indé­pen­dantes. La mémoire renferme 2560 Live Sets réins­crip­tibles, dont 2300 sont déjà program­més. Les parties Percus­sion et Solo ne renferment qu’un seul Tone chacune. Donc au global, on peut avoir 10 Tones simul­ta­nés (1+4+4+1), à concur­rence des 256 voix de poly­pho­nie maxi­male. Un Tone peut indif­fé­rem­ment faire appel à un son « Super­Na­tu­ral Acous­tic » ou « Super­Na­tu­ral Synth » ; une seule excep­tion, la modé­li­sa­tion d’orgue à tirettes qui ne peut pas être utili­sée pour les parties Percus­sion et Solo.

Roland Jupiter-80

Là où ça se complique, c’est dans l’or­ga­ni­sa­tion hiérar­chique des para­mètres program­mables. Au niveau de la Regis­tra­tion, on peut sauve­gar­der des para­mètres géné­raux tels que le Tempo global, le volume, la trans­po­si­tion, les points de split, l’as­si­gna­tion des contrô­leurs (S1 et S2, 4 enco­deurs, D-Beam, péda­les…), l’ar­pé­gia­teur et l’har­mo­ni­seur. Pour chacune des 4 parties d’une Regis­tra­tion, on peut régler l’ac­ti­va­tion, le numéro de Tone / Live Set, l’oc­tave, le niveau et le pano­ra­mique. Pour les parties Percus­sion et Solo, on règle le niveau, le pano­ra­mique, le départ vers la réverbe et les fondus respec­tifs avec les parties Lower et Upper ; puis le pitch, le porta­mento, le vibrato, le filtre (coupure, réso­nance), l’en­ve­loppe ADR (enve­loppes filtre / ampli­tude réglées simul­ta­né­ment), les fondus en vélo­cité, le mode de jeu (mono / poly / legato), la réserve de voix et le filtrage des commandes physiques / CC Midi. Il est à noter que pour les para­mètres de synthèse, il s’agit d’off­set des valeurs program­mées initia­le­ment dans les sons par le construc­teur. Toujours pour les parties Percus­sion /  Solo, on accède au réglage des effets dédiés (cf. ci-après). La partie Percus­sion peut être assi­gnée soit aux 15 touches infé­rieures du clavier (mini-drum­kits), soit à toute la tessi­ture (drum­kits). Un total de 8 mini-drum­kits et 16 drum­kits (pop, rock, jazz, élec­tro­nique, orches­tral, effets…) sont stockés en Rom, mais hélas non modi­fiables.

Pour les parties Lower / Upper, un premier niveau de réglage d’off­set se fait dans l’on­glet commun du Live Set : niveau, caté­go­rie, coupure commune du filtre, réso­nance commu­ne… puis viennent les para­mètres par couche / Tone : acti­va­tion, niveau, pano­ra­mique, départs vers les multief­fets, départ vers la réverbe, fondus ; puis le pitch, le porta­mento, le vibrato, le filtre (coupure, réso­nance), l’en­ve­loppe ADR (enve­loppes filtre / ampli­tude réglés simul­ta­né­ment), les fondus en vélo­cité, le mode de jeu (mono / poly / legato), la réserve de voix et le filtrage des commandes physiques / CC Midi. Tout cela est donc un peu semblable aux parties Percus­sions / Solo, mais à un niveau hiérar­chique plus bas. Là où les Live Sets vont plus loin, c’est dans la capa­cité de modi­fier certains para­mètres du Tone : pour les Tones « Super­Na­tu­ral Acous­tic », il s’agit des quelques para­mètres des instru­ments modé­li­sés décrits au chapitre éponyme. Pour les Tones « Super­Na­tu­ral Synth », il s’agit de l’off­set de l’en­ve­loppe de Pitch (AD), du filtre (mode LPF/HPF/BPF/Peak, coupure, réso­nance, suivi de clavier, enve­loppe ADSR, vélo­cité), du volume (suivi de clavier, enve­loppe ADSR, vélo­cité), des 2 LFO, du porta­mento et de para­mètres de jeu. Un écran Tone Blen­der permet de contrô­ler simul­ta­né­ment plusieurs para­mètres (tels que niveau, pano­ra­mique, coupure de filtre, réso­nance, ADR, départs effets), par un même CC Midi et par couche. Tout cela est un peu confus, d’au­tant qu’un ultime niveau d’édi­tion permet d’en­trer en profon­deur dans les para­mètres de synthèse pour les Tones « Super­Na­tu­ral Synth », comme nous l’avons vu aupa­ra­vant.

 

Un paquet d’ef­fets

Roland Jupiter-80

Le JP-80 dispose d’une puis­sante section effets, là encore hiérar­chi­sés. Au niveau de la Regis­tra­tion, on règle et enre­gistre les effets des parties Percus­sion / Solo. Pour chacune de ces 2 parties, on dispose d’une chaîne compres­seur / EQ / délai indé­pen­dante. Le compres­seur, assez basique, est éditable en attaque / seuil / gains bas et haut / niveau de sortie. L’EQ est de type 4 bandes (2 bandes extrêmes semi-para­mé­triques, 2 bandes centrales para­mé­triques). Puis vient un délai stéréo très complet avec atté­nua­tion des fréquences basse / hautes, mode cross-délai et phases ajus­tables. Cette chaîne est tout à fait perti­nente pour faire ressor­tir un solo du mix, bien vu ! La sortie de chaque partie Percus­sion / Solo peut ensuite être diri­gée vers une réverbe commune. Cette dernière présente plusieurs algo­rithmes de pièces, une plaque et des délais, dont certains tirés de la tech­no­lo­gie SRV maison, pouvant aller jusqu’à 10 para­mètres éditables, avec un son de qualité.

Les parties Lower et Upper disposent de leurs propres sections effets, sauve­gar­dées au sein des Live Set. Pour chaque Live set, on trouve pas moins de 4 multief­fets et une réverbe. Les multief­fets sont très puis­sants et très variés, forts de leurs 76 algo­rithmes : des filtres (EQ, Wah-wah, Enhan­cer), des modu­la­tions (Phaser, Leslie…), des effets d’en­semble (chorus / Flan­ger / effets 3D), des proces­seurs de dyna­mique (compres­seurs, limi­teurs, Gates, distor­sions, simu­la­teurs d’am­pli), des délais, des effets Lo-fi, des Pitch Shif­ter, des combi­nai­sons de 2 effets et une simu­la­tion de réson­nance sympa­thique de piano… bref, de quoi satis­faire presque tout le monde, sauf l’ama­teur de voco­deur. Dans chaque algo­rithme, jusqu’à 4 para­mètres prédé­fi­nis sont modu­lables par des sources assi­gnables. La réverbe est iden­tique à ce que l’on trouve pour les parties Percus­sion / Solo. Au global, on a donc 8 multief­fets, 2 chaînes compres­seur -> EQ -> délai et 3 réverbes, sans oublier l’EQ maître 4 bandes en sortie pour peau­fi­ner le tout. Du très lourd !

Arpé­gia­teur, harmo­ni­seur, master, enre­gis­treur

Le JP-80 dispose d’un arpé­gia­teur acti­vable pour les parties Lower et Upper. On trouve 128 motifs ROM et 128 motifs utili­sa­teur. Ces derniers se créent par import de SMF au format 0, avec quelques restric­tions : imports des messages de notes, CC, pres­sion et Pitch­bend, avec une limite de 500 événe­ments de notes (donc envi­ron 250 notes) et 500 CC. Pour un arpège, on mémo­rise le motif d’ar­pège, sa varia­tion (pour les arpèges en Rom), son sens de lecture (en haut, en bas, alterné, glissé, notes jouées, accord…), la réponse en vélo­cité, l’éten­due (+ ou – 3 octaves), l’ac­cen­tua­tion et le Shuffle. Passons à l’har­mo­ni­seur, fonc­tion bien connue des arran­geurs, qui permet d’ap­pliquer à la note supé­rieure de la partie Upper une harmo­ni­sa­tion issue des accords joués sur la partie Lower, suivant l’un des 17 types d’har­mo­ni­sa­tion propo­sés : orgue, Big band, strings, chorale, coun­try, gospel…

Roland Jupiter-80

Autres carac­té­ris­tiques bien pratiques pour le live, le JP-80 peut se trans­for­mer en clavier de commande, grâce au mode Exter­nal Part qui permet de pilo­ter un module externe sur 16 canaux Midi simul­ta­nés : pour chaque canal, on peut program­mer le numéro de banque / programme, la trans­po­si­tion d’oc­tave, la tessi­ture, la fenêtre de vélo­cité, le niveau et le pano­ra­mique. Les réglages d’ar­pèges, harmo­nies et clavier maître sont sauve­gar­dés au sein des Regis­tra­tions. Enfin, le JP-80 est capable d’en­re­gis­trer et lire des pistes audio stéréo via son lecteur de carte USB. Il est compa­tible en lecture avec les formats Wave / Aiff (44–48–96 kHz / 8–16–24 bits), mp3 (32 à 320 kb/s / 44 kHz) et enre­gistre en Wave (16 bits / 44 kHz). En lecture, on peut modi­fier la vitesse de lecture (75–125%), le pitch (30–170%) et l’EQ (4 bandes). Une fonc­tion « Center Cancel » permet d’at­té­nuer les fréquences centrales (en parti­cu­lier les voix) des pistes audio. En revanche, pas de lecture de séquences Midi (hormis l’im­port de SMF vers l’ar­pé­gia­teur) ou de mode compa­tible GM… Insé­rer une carte USB permet aussi de sauve­gar­der toute la mémoire utili­sa­teur interne, à savoir 256 Regis­tra­tions, 2560 Live Sets, 2048 Tones synthé­tiques et 128 arpèges. Bizar­re­ment, on ne peut avoir qu’un seul backup de ce genre sur une clé USB.

Conclu­sion

Au final, le JP-80 est un instru­ment véri­ta­ble­ment singu­lier. À l’heure où les works­ta­tions sont de plus en plus puis­santes, poly­va­lentes et complexes, il prend une approche réso­lu­ment oppo­sée, allant à l’es­sen­tiel. Clai­re­ment orienté scène, ce n’est ni une works­ta­tion, ni un arran­geur… mais un véri­table synthé, dans lequel l’ac­cent a été mis sur l’ef­fi­ca­cité et la spon­ta­néité, c’est-à-dire l’as­sem­blage rapide de couches sonores jouables à la main, mixables en temps réel et vite para­mé­trables sur les prin­ci­paux para­mètres de synthèse. Il n’en demeure pas moins un puis­sant synthé VA, capable d’uti­li­ser des ondes PCM en plus des ondes modé­li­sées, ainsi qu’un lecteur d’échan­tillons futé, analy­sant le compor­te­ment de jeu pour amélio­rer le réalisme des instru­ments acous­tiques. Ce qui se dégage au contact de l’ins­tru­ment, c’est une qualité sans compro­mis dans tous les domaines. On regret­tera toute­fois le manque de commandes directes, les contrôles limi­tés des sons acous­tiques modé­li­sés et la hiérar­chi­sa­tion des programmes inuti­le­ment lourde. Mais pour les musi­ciens qui recherchent un synthé robuste, intui­tif, poly­va­lent et taillé pour la route, le JP-80 a tout pour plaire.

  • Qualité sonore indéniable
  • Fabrication irréprochable
  • Clavier parfaitement dimensionné et équilibré
  • Facilité de reconfiguration des parties en live
  • Interface homme-machine réussie
  • Puissance de la synthèse VA
  • Polyphonie globale généreuse
  • Section d'effets bien fournie
  • Fonctionnalité de clavier de commande
  • Démarrage rapide
  • Audio et Midi over USB
  • Hiérarchisation des programmes un peu lourde
  • Nombre limité de modèles acoustiques
  • Accès limité aux paramètres des modèles acoustiques
  • Pas de lecture de séquences Midi
  • Manque de commandes directes pour la synthèse
  • Pas d’édition des kits de percussions

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