Si jusqu'ici nous nous sommes intéressés à la pièce qui va accueillir notre home studio, à son isolation et son acoustique, il est temps de nous pencher sur tout ce qu'il va contenir, à commencer par la première chose qui s’inscrit dans le sillage de nos articles précédents : le système d’écoute sans lequel nous ne pourrions pas faire grand-chose.
On n’imagine mal un graphiste travailler avec un petit téléviseur noir et blanc en guise de moniteur, ou un peintre bosser dans une pièce mal éclairée, et c’est la même chose pour le musicien : son système d’écoute doit être le plus fidèle et détaillé possible, pour que rien ne lui échappe au moment du mixage et qu’il aboutisse à un morceau parfaitement équilibré sur le plan spatial comme spectral.
Conjuguées à l’acoustique même de votre studio, les enceintes de monitoring sont donc probablement l’élément le plus important de votre chaîne audio, car c’est en fonction de ce qu’elles vous permettent d’entendre que vous allez prendre de bonnes ou mauvaises décisions dans la réalisation de votre musique : si votre système d’écoute tend par exemple à exacerber ou atténuer les basses ou les aigus, ce qui sonnera équilibré sur vos enceintes au moment du mixage sonnera à coup sûr complètement déséquilibré quand vous l’écouterez chez des amis, dans votre voiture ou sur votre baladeur. Or, puisque l’une des vocations premières de la musique est d’être partagée, il faut que votre mixage sonne bien partout.
S’il y a un matériel qui doit être prioritaire dans vos achats, c’est donc bien celui-là, car il aura nettement plus d’impact sur la qualité de vos productions que les convertisseurs de votre interface audio, la puissance de votre ordi, les fonctions de vos logiciels ou la courbe de réponse de vos micros. L’investissement vaut d’autant plus la peine que les enceintes ont une grande durée de vie. À moins d’une révolution technologique qui bouleverse le marché (ce qui n’est pas arrivé depuis des lustres), il n’y a pas de raison de ne pas garder la même paire d’enceintes 10 ou 20 ans, voire plus…
Quitte à être lourd, je le souligne toutefois de trois traits rouges : ne faites pas cet investissement au détriment de l’acoustique de votre pièce. En effet, une paire d’enceintes haut de gamme dans une pièce à l’acoustique médiocre sera toujours moins pertinente qu’une bonne paire d’entrée de gamme dans une pièce traitée acoustiquement.
Ceci dit, nous allons à présent nous pencher plus en détail sur nos enceintes, revisitant à l’occasion quelques vieux dossiers d’AF et les complétant de quelques judicieux conseils d’achat. Et pour démarrer, la moindre des choses, c’est de rappeler ce qu’est une enceinte.
Qu’est-ce qu’une enceinte ?
D’un point de vue fonctionnel, une enceinte fait exactement l’inverse de ce que fait un micro : si ce dernier transforme en effet les mouvements des ondes acoustiques qu’il capte en courant électrique, l’enceinte transforme quant à elle le courant électrique qu’elle reçoit en ondes acoustiques.
Pour ce faire, elle se compose dans sa forme la plus basique des éléments suivants :
- Un connecteur pour qu’on puisse la relier à la chaîne audio et qu’ainsi elle reçoive le signal à diffuser.
- Un haut-parleur qui aura le rôle de transducteur en transformant le signal électrique en son.
- Un caisson qui sera la plupart du temps en bois ou en plastique et sur lequel seront montés les deux éléments précédents.
Notez toutefois que la plupart des enceintes sont moins rudimentaires que cela. Elles embarquent en général plusieurs haut-parleurs et par conséquent un filtre utilisé pour répartir le signal entre ces derniers, voire un amplificateur et d’autes connecteurs, des réglages, des interrupteurs…
Tweeter et boomer sont dans un caisson
Pourquoi utiliser plusieurs haut-parleurs me demanderez-vous ? La question est diablement pertinente sachant que plus il y a des HP sur une enceinte, plus cette dernière est compliquée à équilibrer. Les problèmes apparaissent notamment au niveau du filtre et du fait qu’on observe fatalement des recouvrements entre les bandes de fréquences qu’il découpe, ce qui pose de multiples problèmes sur le plan ondulatoire, sans parler de ce que cela induit en termes de résonnance du caisson. Alors pourquoi ? Tout simplement parce qu’on n’a pas encore trouvé de matériau ou de technologie qui nous permette de construire un HP idéal pour les graves comme les aigus. Pour restituer les aigus, il faut en effet une membrane capable de faire des petits mouvements très rapides (souvenez-vous : 15 000 Hz, c’est 15 000 mouvements par seconde), alors que pour restituer les graves, il faut une membrane qui puisse faire lentement des mouvements très amples. Le cahier des charges n’est donc pas du tout le même du point de vue mécanique et pour satisfaire ces exigences opposées, on passe donc par des design très différents, recourant à des matériaux et des technologies différentes.
On distingue de ce fait deux grands types de haut-parleurs : les tweeters qui sont les plus petits et ont la charge de restituer le haut du spectre (hauts médiums et aigus) et les boomers (appelés aussi woofers) qui sont plus gros et sont quant à eux en charge de restituer les bas médiums et les graves. D’ailleurs, ce n’est pas dur : plus on veut descendre dans le grave, plus le haut-parleur doit être gros.
Si la taille des tweeters n’est en effet pas significative concernant leur performance, la taille des boomers renseigne en revanche sur leur capacité à restituer le registre grave. On a d’ailleurs pris pour habitude de différencier les enceintes deux voies sur cette dernière, qui s’exprime en pouces. On parla ainsi d’enceintes 5 pouces, 8 pouces, 10 pouces, etc., sachant qu’un pouce correspond à 2,54 cm. (Un boomer de 8 pouces mesure donc 20,32 cm).
Et précisons-le pour finir : on peut trouver sur une enceinte beaucoup plus que deux haut-parleurs (trois, quatre, cinq, six, etc.), ce qui a des implications sur le filtre embarqué comme nous allons le voir.
Trouver sa voie
Plus on met de haut-parleurs sur une enceinte, plus ces derniers seront a priori spécialisés dans telle ou telle bande de fréquence. On peut par exemple trouver sur une enceinte un tweeter pour les aigus, un boomer de taille moyenne pour les médiums et un boomer de grande taille pour les graves.
Dans ce cas, un filtre se charge donc de découper la signal en trois bandes pour envoyer chacune vers le haut-parleur qui lui convient : on parle alors d’enceinte 3 voies. Le découpage se fait sur 2 bandes ? Il s’agit d’une enceinte 2 voies. Sur quatre bandes ? Quatre voies. Et quand il n’y a pas de découpage ? Vous vous en doutez : on parle d’enceinte une voie…
Attention toutefois, ce nombre de voies n’est pas forcément en parfaite adéquation avec le nombre de haut-parleurs utilisés. Si une enceinte deux voies aura au moins deux haut-parleurs, le fait qu’une enceinte embarque 8 HP n’implique pas forcément qu’il s’agisse d’une 8 voies, car une même bande peut alimenter plusieurs haut-parleurs.
Voyez avec cet exemple :
On compte bien 4 haut-parleurs… mais c’est pourtant une enceinte 3 voies.
Quant à ce modèle :
Il s’agit bien d’une enceinte 2 voies en dépit de ses 3 haut-parleurs.
Nous reviendrons sur ce point à l’heure des conseils d’achat, sachant qu’il nous reste un élément à aborder pour que notre tour d’horizon technique soit complet. Nous avons parlé HP, filtres et voies, mais il convient de ne pas oublier que le signal électrique envoyé à l’enceinte doit être amplifié pour qu’elle puisse en faire quelque chose, ce qui nous amène à la distinction entre les enceintes actives ou passives.
Voix passive et voix active
Le signal doit donc être amplifié avant d’arriver aux HP et pour cela, deux solutions sont possibles : soit l’amplification se fait au moyen d’un ampli unique avant le filtre, soit l’amplification se fait après le filtre, ce qui implique qu’il y aura autant d’amplis qu’il y a de voies. Dans le premier cas, on parle d’enceinte passive alors que dans le second, on parle d’enceinte active.
Notez que dans l’énorme majorité des cas, les enceintes actives intègrent les amplis qui leur sont nécessaires à l’intérieur même du caisson, de sorte que beaucoup de gens croient que c’est cette intégration qui définit si l’enceinte est active ou non. Ce n’est pourtant pas le cas et il existe des enceintes actives, comme les Egg de sE Electronic, dont les amplis sont déportés dans un boîtier externe.
Active ? Passive ? Deux voies ? Trois voies ? Les questions doivent déjà se bousculer dans votre petit Home Studio mental, mais avant d’y répondre, nous devrons déjà passer par d’autres considérations encore.
Et pour ce faire, je vous propose de réaborder les enceintes, non sous l’angle technique comme nous venons de le faire, mais sous l’angle des besoins. L’heure est en effet venu de nous mettre en quête de notre Saint Graal. Or…
…la paire d’enceintes parfaite…
…n’existe pas ! Vous vous en doutiez, sans quoi tout serait simple. Essayons toutefois d’imaginer à quoi elle pourrait ressembler pour éclairer notre recherche. La paire d’enceintes idéale, c’est a priori celle qui vous offrira :
- la plus large couverture spectrale, des aigus les plus hauts aux basses les plus graves pour tout entendre.
- un rendu neutre et équilibré sur le plan spectral, ce qui se traduit par une courbe en réponse plate où aucune plage de fréquence (graves, médiums ou aigus) ne prend le pas sur l’autre.
- une parfaite image stéréo où vous pouvez entendre avec précision le positionnement de chaque instrument dans le mix.
- le sweet spot le plus large possible, sachant qu’on appelle sweet spot le point d’écoute idéal pour que l’auditeur bénéficie d’une écoute équilibrée.
- une excellente réponse à la dynamique vous permettant d’entendre distinctement l’attaque des sons (les transitoires) dans le mix, quoi qu’il se passe autour, et respectant au mieux les nuances, du plus petit pianissimo au plus gros fortissimo.
- le minimum de distorsion du signal.
- le minimum de problèmes de phase résultant de l’usage des multiples haut-parleurs embarqués sur les deux enceintes.
Bien évidemment, tous les constructeurs visent à produire une telle enceinte et leur département marketing/com se fait fort de vous convaincre qu’ils y sont parvenus. Or, si l’argumentaire tenu et le vocabulaire employé est sensiblement le même pour toutes les marques, le mot enceinte renvoie à quantité de réalités différentes qui auront vite fait de paumer le néophyte. Après tout, chez Bose comme chez PMC, chez Logitech comme chez Funktion One, chez Roland comme chez Cabasse, on nous promet du détail, de la précision et une écoute dont la fidélité n’a pas son pareil. C’est quoi ce bordel ?
Des enceintes différentes pour différents usages
Ce bordel, c’est la cacophonie qui s’élève de 4 secteurs distincts fabriquant des enceintes et employant les mêmes mots. En dépit des similitudes de vocabulaire pour les décrire, il n’en existe pas moins quatre grandes familles d’enceintes qui ambitionnent toutes de produire le meilleur son possible, mais dans des optiques différentes :
Les enceintes de sono ont pour but premier de diffuser la musique dans de grandes salles ou de grands espaces (de la boîte de nuit au stade de foot en passant par toutes les formes de spectacles vivants). Elles privilégient donc le rendement avant toute chose et ne sont pas du tout appropriées à un usage en Home Studio (ne ricanez pas, j’en ai déjà vu…), d’autant qu’elles sont pour la plupart énormes.
Viennent ensuite les enceintes hi-fi avec un marché très compliqué. En effet, si à la base dans les années 50–60, ces dernières cherchaient à produire l’écoute la plus fidèle qui soit (Hi-Fi est la contraction de High Fidelity), ce qui est a priori intéressant pour notre usage, les petits génies du marketing travaillant pour les géants de l’électronique grand public (Philips, Sony, Denon, Kenwood, etc.) se sont emparé du terme comme d’un pseudo-label dans les années 80 pour élargir ce marché élitiste au grand public. Dès lors, les quatres lettres Hi-Fi sont devenues un argumentaire pour vendre tout et n’importe quoi, de la micro-chaîne avec EQ graphique 16 bandes lumineux au radio-cassette avec la touche Loudness ou Bass Booster qui va bien. La notion originelle de haute fidélité, qui n’a d’ailleurs jamais répondu à aucune norme industrielle, est de fait complètement galvaudée car elle rassemble en son sein tout et n’importe quoi, le plus souvent dans une optique d’agrément : la plupart du temps, il ne s’agit plus de viser une restitution fidèle du son mais de proposer un rendu qui soit joli, agréable, qui plaise à l’auditeur, ce qui se peut se traduire de la pire des façons (un grave surdimensionné qu’on nous vend comme des « basses profondes » en regard d’ « aigus cristallins ») avec toujours une attention particulière portée à l’esthétique de l’enceinte. Tant de subjectivité ne correspond pas forcément à nos besoins et l’on se méfiera grandement du fourre-tout hi-fi et des multiples réalités qu’il abrite.
On sera tout aussi méfiant vis-à-vis du marché « audiophile » qui désigne en quelque sorte le gratin haut-de-gamme de la Hi-Fi et cherche donc, a priori, à retrouver l’esprit premier de cette dernière et sa quête de fidélité. Si l’on trouve en effet d’excellentes enceintes audiophiles qui peuvent être considérées pour un usage en studio, ce sera souvent au prix d’un investissement délirant sans véritable raison. Hélas en effet, le marché audiophile tend dans bien des cas à rejoindre celui du luxe (et je vous renvoie à la définition de ce mot dont beaucoup méconnaissent le sens très péjoratif), le prix et le look de l’enceinte devenant un argument de qualité plus que ses performances réelles, cependant qu’un discours pseudo-scientifique très fantaisiste se charge de convaincre le chaland. Bref, soyez très très méfiant concernant le marché audiophile qui, s’il peut proposer des produits de grande qualité, n’est généralement pas le lieu pour faire de bonnes affaires.
Sans même parler des chausse-trappes du marketing, gardons à l’esprit enfin qu’il y a une grande nuance entre une enceinte conçue pour écouter de la musique, et une enceinte conçue pour en faire : on a une optique de loisir d’un côté, et une optique professionnelle de l’autre. D’abord lancée comme enceinte Hi-Fi, la fameuse NS10 de Yamaha et son haut médium très agressif a d’ailleurs fait un four à sa sortie, avant qu’elle devienne un best seller de studio car sa courbe de réponse en fréquences particulière offrait une écoute extrêmement intéressante à l’heure du mixage. Or, soyez-en sûr : aucun audiophile ne voudrait avoir de NS10 dans son salon !
Les enceintes multimédias sont des cousines cheap des enceintes hi-fi d’entrée de gamme qu’on utilise pour sonoriser les ordinateurs ou encore les balladeur MP3 et smartphones. De petites tailles, elles visent donc également à produire un son agréable, que ce soit pour écouter des MP3, jouer aux jeux vidéo ou regarder des films, tout en se distinguant par leurs contrôles et leur connectique riches (prise casque, contrôle du volume, des graves et des aigus, entrée auxiliaire, etc.) et par le fait qu’elles intègrent leur propre ampli. C’est également aux côtés de ce genre d’enceintes qu’on pourra ranger les produits nomades façon BoomBox Bluetooth et même si ces enceintes sont bien loin de répondre au cahier des charges qui nous importe, nous verrons qu’elles peuvent trouver leur utilité.
Les enceintes de studio, aussi appelés moniteurs de studio ou encore enceintes de monitoring, cherchent avant tout à remplir le cahier des charges que nous avons dressé plus haut, c’est-à-dire qu’elles visent à produire l’écoute la plus fidèle, neutre et détaillée possible, ce qui ne les rend pas forcément agréables pour des usages plus récréatifs, tout comme un utilitaire n’est pas forcément la voiture la plus confortable qui soit. Ce sont donc des outils de travail et c’est évidemment celles qui nous intéressent en premier lieu, même si, comme nous le verrons, la plupart des autres types d’enceintes ont leur intérêt pour la tâche qui nous occupe.
Cap sur les moniteurs de studio, donc, dont nous allons détailler maintenant la petite famille pour rentrer peu à peu dans le vif du sujet : comment choisir et comment acheter des enceintes de monitoring.
Les grands types de moniteurs de studio
Qu’elles soient passives ou actives, à deux ou trois voies, on a pour habitude de diviser ces enceintes en trois grandes catégories en fonction de la distance qui les sépare de l’auditeur pour une écoute optimale, distance qui est, vous vous en doutez, liée à leur puissance. On distingue ainsi les écoutes de studio des enceintes de proximité et semi-proximité.
Les écoutes de studio, ce sont les grosses enceintes qui équipent les studios pros et qu’on appelle aussi 'écoutes principales' ou encore 'écoutes client' (voir encadré). Il s’agit en général d’un système trois ou quatre voies passif imposant, puissant et encastré dans les murs mêmes de la pièce par un acousticien qui s’assurera que ces grosses Bertha vont pouvoir s’exprimer sans générer de vibrations indésirables. Notez qu’une distance de 3 mètres au moins le sépare de l’auditeur : il faut donc avoir de la place, de l’argent, ce qui n’est pas le cas de la plupart des Home Studio et des Home studistes. À moins que vous n’ouvriez un studio auquel cas vous n’avez sans doute pas grand-chose à apprendre de cet article, c’est par conséquent une option à oublier.
Les enceintes de proximité sont quant à elles parfaites pour notre usage parce qu’on peut se tenir à un mètre d’elles et que, suivant les modèles, leur puissance peut s’adapter à des pièces plus petites. Deux voies et actives pour la plupart, elles sont en outre les plus abordables. C’est la bonne option à considérer que vous soyez débutant ou non, et la seule à considérer si vous êtes fauché.
Quant aux enceintes de semi-proximité, elles constituent comme leur nom l’indique un compromis entre l’écoute de Studio et le moniteur de proximité. Trois voies pour la plupart, elles nécessitent au moins deux mètres de recul et sont donc envisageables pour les grands Home Studio, pour peu qu’on y mette le prix.
Bref, vous l’aurez compris, en tant que Home Studiste, vous pouvez vous diriger vers des enceintes de proximité ou de semi-proximité, encore que ces dernières ne soient à considérer que si vous avez beaucoup de place et un budget de plusieurs milliers d’euros à leur consacrer. Le gros avantage des enceintes de proximités, c’est qu’en vous obligeant à vous tenir près d’elles pour l’écoute, vous subissez moins l’influence de la pièce sur le son, ce qui vaut mieux lorsque l’acoustique de cette dernière est approximative.
Par pitié en tout cas, ne faites pas l’erreur d’avoir les yeux plus gros que les oreilles. Mettre une paire d’enceintes de semi-proximité dans une pièce de 5 m2 est ainsi parfaitement ridicule à plus d’un titre. D’abord parce que vous ne serez pas en mesure de les utiliser autrement qu’à faible volume à moins de vous ruiner les oreilles, ce qui fait que vos enceintes ne fonctionneront pas au volume idéal pour lequel elles ont été conçues et ne donneront pas le meilleur d’elles-mêmes. Ensuite parce que vous risquez de vous trouver face à de sacrés problèmes d’acoustique dans votre pièce.
Et je ne parle pas de vos voisins, de votre banquier, des gens qui partagent votre vie… Bref, si vous achetez ce genre d’enceintes, faites-le pour de bonnes raisons.
J’aurais le même raisonnement pour les caissons de basse, qu’on utilise en complément de moniteurs classiques, posés à même le sol, pour assurer une parfaite restitution des fréquences graves avec lesquelles la plupart des moniteurs sont à la peine. S’il ne fait aucun doute qu’ils remplissent efficacement leur rôle, ils ne doivent être utilisés que dans une pièce traîtée et isolée. S’équiper d’un caisson de basse lorsqu’on vit dans un appartement non isolé, c’est en effet se comporter comme le dernier des malotrus.
Actives ou passives ?
Je vous dirais bien que cela n’a aucune espèce d’importance tant que le son est au rendez-vous, mais ce n’est pas pour rien que sur les enceintes de proximités, on ne trouve quasiment plus que des systèmes actifs avec amplis intégrés à l’enceinte.
Le premier avantage de cela, c’est évidemment la place : pas besoin d’avoir un ampli externe, avec tout ce que cela implique comme câblasse qui pendouille (n’oublions pas la conjecture des câbles dérivée de la loi de Murphy. Un câble peut-être de deux tailles : soit trop court, soit trop long). Si l’on additionne le prix de l’ampli à celui d’enceintes passives, on a aussi vite fait de se retrouver avec une facture bien plus élevée qu’avec une paire d’actives. Enfin et surtout, opter pour des moniteurs actifs, c’est avoir l’assurance que les amplis ont été conçus et réglés pour tirer le meilleur parti des haut-parleurs, alors que trouver l’ampli idéal pour un enceinte passive n’est pas aussi simple.
Du coup, à moins te tomber amoureux d’un système passif, optez pour des enceintes actives pour vous simplifier la vie et alléger votre budget.
2 voies, 3 voies ou plus ?
Disons-le clairement : On s’en fiche un peu, seule la qualité de restitution comptant à la fin.
Or, si en théorie, une enceinte trois voies devrait être plus performante qu’une deux voies (parce qu’elle traite avec plus de précision chaque plage de fréquence), ce n’est pas forcément le cas en pratique. Pourquoi ? Notamment parce qu’une enceinte trois voies est plus difficile à régler au niveau des recouvrements de fréquences des différents HP.
Ajoutons à cela les arguments du prix (les trois voies sont dans l’écrasante majorité des cas plus chères que les deux voies) et de l’encombrement (elles sont clairement plus imposantes la plupart du temps) et vous aurez compris qu’à budget égal, vous aurez sans conteste mieux fait d’investir dans une paire de moniteurs deux voies.
Je le souligne : ça n’a rien d’un conseil gravé dans le marbre, vos oreilles restant seules juges, mais ne faites pas l’erreur de penser que plus il y a de voies, mieux ce sera, surtout en entrée de gamme.
Le commun des mortels, surtout s’il débute, s’orientera donc vers du moniteur de proximité à deux voies actif, sachant que le choix sur ce marché est pléthorique. Pour réaliser un nouvel écrémage, on pourra se pencher sur les chiffres pour faire des différences. Sauf que, vous vous en doutez là encore, ce n’est pas aussi simple.
Les limites des données techniques
Chaque fabricant communique dans les spécifications techniques de ses enceintes des mesures a priori très intéressantes sur les performances de son produit :
La bande passante permet de savoir quelles sont les fréquences les plus graves et les plus aiguës que peut restituer une enceinte à un volume donné en dB. Plus elle est étendue et mieux c’est.
La courbe de réponse en fréquences permet de voir comment l’enceinte se comporte sur toute l’étendue de la bande passante. Plus elle est plate, mieux c’est.
Le niveau SPL, généralement mesuré à 1 mètre, vous renseigne sur la puissance sonore effective de l’enceinte, sachant que d’après Bob Katz, le volume d’écoute idéal pour travailler se situerait à 83 dB.
Mais on pourra encore trouver le taux de de distorsion harmonique, le rapport signal/bruit, et tout un tas de données. En marge de cela, on vous fournit aussi quantité de détails sur les amplis éventuellement intégrés (leur classe d’amplification, leur puissance), le réglage des filtres permettant de découper les bandes de fréquences et le descriptif des différents contrôles qu’on peut trouver sur l’enceinte. Bref, vous avez a priori plein de lecture pour départager les enceintes que vous envisagez d’acheter… sauf que vous ne serez pas forcément plus avancé ensuite.
En effet, il faut bien avoir conscience que certaines de ces données ne présentent pas grand intérêt, une enceinte déployant un volume de 116 dB SPL n’étant pas forcément meilleure qu’une enceinte déployant 114 dB SPL, par exemple.
La courbe de réponse en fréquences est déjà nettement plus intéressante dans l’absolu… sauf que dans les faits, on s’en moque un peu. Pourquoi ? Parce que même lorsqu’elles sont fournies (et ce n’est pas toujours le cas) et qu’elles ont été réalisées sérieusement (et ce n’est pas toujours le cas), et que le fabricant a pris la peine de documenter avec exactitude comment elles avaient été réalisées; ces mesures ne sont pas très intéressantes à l’heure du choix, car les protocoles, matériels et contextes de mesure ne sont pas les mêmes d’un constructeur à l’autre.
À quoi bon comparer deux courbes de réponse en fréquences si ces dernières n’ont pas été faites dans la même salle anéchoïque avec le même micro et le même rack de mesure, voire le même protocole ? À pas grand-chose si ce n’est à avoir l’air intelligent lorsque vous plissez le front en étudiant ces données devant votre conjoint.
Elles n’offrent en outre pas d’informations sur la façon dont l’enceinte se comportera in situ, d’autant qu’un constructeur s’arrange toujours pour planquer les défauts sous le tapis. Récemment, nous avons ainsi eu à tester une paire d’enceintes dont la courbe de réponse en fréquence communiquée par le constructeur s’avérerait relativement plate. Quelle ne fut pas notre suprise de découvrir qu’à 55 Hz, les enceintes produisaient un bruit abominable ressemblant à de la distorsion et que le constructeur, contacté par nos soins, attribuait « au bruit de l’air sortant de l’évent ». Eh ben ! Et c’est sans parler de l’ancien employé d’un fabricant audio qui nous expliquait que les courbes étaient tracées… à la règle !
Vous me direz que cela ne concerne que les fabriquants peu sérieux. Pourquoi pas ? Donnons nous donc la peine d’examiner les données techniques fournies par deux constructeurs a priori serieux : Adam et Dynaudio.
Voyez la documentation de deux enceintes que vous pourriez tout à fait vouloir confronter au cours de vos recherches :
La LYD7 de Dynaudio :
Et l’A7X d’Adam Audio :
A première vue, on se dire que Dynaudio a nettement plus bossé qu’Adam, en fournissant de belles courbes en vis-à-vis de chiffres là où pour l’A7X, il faudra se contenter de la mention d’une bande passante allant de 42 Hz à… 50 kHz ! Wow ! Mesuré à quel niveau ? À quelle distance ? Mystère ! Adam se rattrape en revanche en indiquant le taux de distorsion harmonique au-dessus de 100 Hz mesuré à 1 mètre sur un signal à 90 dB. Et chez Dynaudio ? J’ai beau chercher, il n’est fait mention de la distorsion harmonique nulle part. Là où les deux constructeurs font en revanche jeu égal, c’est sur la façon qu’ils ont de ne pas documenter l’un et l’autre la façon dont ont été réalisées ces mesures : Où ? Avec quel matériel ? On le saura jamais.
Bref, reconnaissons-le : même si ces données pourraient revêtir un intérêt, elles font plus ici office de déco pour donner l’impression que faire des enceintes, c’est du sérieux. Cela n’elève rien à la pertinence des produits de ces deux marques (d’autant que j’aurais pu chosir d’autres marques encore pour illustrer mon propos), mais disons qu’une écoute comparative sera donc bien plus riche d’enseignements que n’importe quel tableau Excel que vous pourriez bricoler en rassemblant des données dont vous ne maîtrisez ni la fiabilité ni l’hétérogénéité. Et j’aurais le même argumentaire concernant les technologies utilisées par les différents constructeurs.
Les différentes technologies
À coup de R&D (Recherche & Développement) mais aussi, il faut bien l’avouer, de marketing, chaque constructeur y va de sa petite originalité pour atteindre le Graal de l’enceinte parfaite et vous persuader que sa lessive lave plus blanc que celle du voisin.
Cela peut passer par l’emplacement des HP (enceinte à tweeters concentriques ou à boomer déportés sur les côtés par exemple) ou celui des évents, comme par des designs de fabrication de HP (tweeters inversés, à ruban ou dôme en nid d’abeille) ou par le choix de certains matériaux (Kevlar, Berylium, soie) et même de couleurs : Ah le boomer jaune de KRK imité par Berhinger ou Hercules… pour que ça sonne plus jaune !
Si ces aspects sont pour la plupart passionnants pour ceux qui s’intéressent à la conception d’enceintes, ils n’en sont pas moins d’un intérêt limité pour savoir quoi acheter, car aucune technologie, aucun design ou aucun matériau n’a fait la preuve de son absolue supériorité sur les autres… sans quoi tous les fabricants y recourraient !
Il est donc vain de choisir une enceinte plutôt qu’une autre en fonction des technologies qu’elle utilise. Seul compte le résultat !
Puissance et grave ! (l’aventure et la passion… © Herbert Leonard)
Les données techniques ne sont pas forcément discriminantes, les différentes technologies n’ont pas grande importance, alors sur quoi va se porter notre choix avant écoute ? Sur deux choses qui vont être déterminées par la pièce dans laquelle vous allez utiliser vos enceintes : leur puissance et leur aptitude à descendre dans le grave.
Comme nous l’avons dit précédemment : mettre une paire d’enceintes trop puissante dans une chambre de bonne de 10 m2 est parfaitement contre-productif. Soit vous ne l’utiliserez qu’à faible volume, ce qui n’est pas optimal pour les enceintes, soit vous vous exploserez les tympans en gênant vos voisins. Et il en va de même pour le grave, comme nous allons le voir.
Il n’y a en effet pas de miracles : en dépit d’astuces comme le système Bass Reflex qui permet de booster les basses sur de petites enceintes (et pas forcément de la plus belle manière), la qualité de restitution des fréquences graves va souvent de pair avec la taille du haut-parleur grave (le boomer). Plus ce dernier sera grand, plus il sera à son aise pour évoluer vers le bas. S’il n’y a donc pas grand-chose à attendre du grave d’un HP de 3 ou 4 pouces, un HP de 8 ou 10 pouces sera parfaitement à son aise pour développer un grave solide qui ne bave pas. A priori donc, je vous recommanderai d’acheter des enceintes dotées d’un tel boomer, sauf que…
Dans un home studio, ce sont généralement les fréquences graves qui sont les plus problématiques à gérer et, à moins de pouvoir travailler l’acoustique de sa pièce pour linéariser leur rendu, ce qui implique souvent la pose de Bass Trap entre autres panneaux réfléchissants ou absorbants, il faut se faire une raison : si bonnes que soient les enceintes que vous achèterez, et même en leur adjoignant un caisson, vous ne disposerez jamais d’un bas exploitable pour mixer parce que votre pièce fera raisonner certaines fréquences, en atténuera d’autres, dans des proportions beaucoup plus grandes que ce qu’on observe sur des médiums et des aigus. Autant donc en faire son deuil, ce qui n’est pas si gênant, car c’est probablement dans le registre médium et aigu que se joue l’essentiel des problématiques de mixage. Notez que je ne dis pas que le grave n’est pas important, mais qu’en Home Studio non traité acoustiquement, il vaut mieux renoncer à travailler sur ce dernier avec des enceintes pour préférer le casque.
Du coup, dans le contexte d’une pièce non traitée, concentrez-vous sur de plus petits gabarits basés sur un boomer de 6, 5 voire 4 pouces, en reportant votre exigence sur le rendu des médiums et des aigus, celui l’image stéréo, etc. Et pour vérifier le grave ? Disons que la meilleure solution, c’est encore de combiner casque et outils de visualisation… ou d’aller vérifier ailleurs quand c’est possible. Après vous avez aussi la solution d’opter pour une esthétique 80’s : un bon gros coupe-bas et c’est réglé. :D
Ceci dit, puisqu’on parle de coupe-bas, il convient de souligner que la plupart des enceintes disposent de réglages et de fonctionnalités qui s’avèrent intéressantes à considérer pour se simplifier la vie au quotidien et améliorer la qualité d’écoute.
Fonctionnalités et réglages
Si la plupart des moniteurs disposent d’une connectique XLR, certains proposent d’autres connecteurs (Jack TRS, RCA) qui peuvent s’avérer pratiques. Mais c’est surtout en matière de réglages qu’on observe des différences d’un fabricant à l’autre. Si les modèles se situant en tout début d’entrée de gamme demeurent rudimentaires, nombre d’enceintes proposent des réglages permettant de booster ou atténuer telle ou telle plage de fréquences, ce qui s’avère très utile pour adapter une enceinte à la pièce dans laquelle on va l’utiliser comme à ses préférences.
En marge de ces détails, on sera également attentifs à tous les aspects ergonomiques : les interrupteurs sont-ils situés à l’avant ou à l’arrière de l’enceinte ? Dispose-t-elle d’un système de mise en veille automatique lorsqu’aucun signal ne passe ? Existe-t-il un contrôle de volume ? En face avant ou arrière ? Ou encore déporté comme le Dynaudio Volume Box ?
Ceci étant dit, l’heure est venue de nous confronter à ce qui compte le plus pour nos enceintes : le son. Et pour ce faire, ce n’est pas bien compliqué : il faut les écouter et comparer.
Écoute comparative
À ce stade de ce guide d’achat, vous devez commencer à y voir plus clair sur ce qui conviendrait ou ne conviendrait pas à vos besoins pour votre budget. Le problème, c’est qu’il vous reste pas mal de références parmi lesquelles choisir. Évidemment, vous pouvez choisir vos enceintes en vous basant sur les seuls avis de la presse, des utilisateurs ou de vos amis, mais vu qu’en matière d’écoute, la subjectivité est reine, vous seriez bien avisé de ne rien acheter que vous ne puissiez d’abord écouter. Et comparer.
L’idée, c’est de vous rendre dans un endroit où vous pourrez écouter plusieurs paires d’enceintes en utilisant des morceaux que vous connaissez par coeur, qu’il s’agisse de disques ou de vos compos. Trouver un lieu où toutes les enceintes qui vous intéressent sont réunies peut être difficile, mais c’est à ça que servent les magasins. Et oui, cela vaut vraiment la peine de se déplacer pour se plier à l’exercice, même s’il faut garder à l’esprit qu’à cause de l’acoustique, vos enceintes ne sonneront pas pareils en magasin que chez vous.
Ceci étant dit, je ne détaillerai pas plus la méthodologie de comparaison, sachant que cette dernière a fait l’objet d’un article sur Audiofanzine.
En complément de cet article, je voudrais tout de même souligner deux aspects importants. Le premier, c’est que cette comparaison ne peut pas s’étaler dans l’espace ou le temps, le rendu des enceintes changeant d’une pièce à une autre à un autre et l’audition n’ayant qu’une mémoire à très court terme (quelques secondes). Clamer que telle paire d’enceintes sonne mieux que telle autre qu’on aurait écoutée il y a 2 mois ou même la veille dans un autre lieu, c’est donc un parfait non-sens d’un point de vue physiologique (même si on entend souvent ce genre de propos dans la bouche de gens pourtant très respectables).
La deuxième tient à l’éthique d’achat. Si vous recourez aux espaces d’écoute proposés par les magasins comme aux conseils du vendeur dans la boutique, sachez être beau joueur et ne prétextez pas de « devoir réfléchir » pour aller acheter vos enceintes chez un concurrent et gagner 20 balles. Ça n’a rien de très respectueux de l’enseigne et de la personne qui vous ont rendu service et c’est le meilleur moyen pour qu’à terme, ce genre d’auditoriums n’existe plus. Or, comme vous l’aurez compris, il est important qu’ils existent, car ce n’est pas avec une vidéo Youtube ou sur un salon bruyant que l’on peut apprécier les nuances qui distinguent plusieurs paires d’enceintes.
Et puisqu’on parle d’achat, il est l’heure de nous mouiller un peu pour vous recommander quelques références qui nous ont plu au fil de nos bancs d’essai. Cela ne remplacera pas une véritable écoute comparative, mais vous permettra sans doute d’établir plus facilement votre shorlist.
Notre sélection d’enceintes
Le marché des moniteurs de studio est assez vaste, au point que l’on peut rencontrer des enceintes qui prétendent à ce titre et qui sont vendues une centaine d’euros comme on trouve des écoutes passant la barre des 20 000 euros… l’unité ! De fait, on distinguera 3 gammes de prix : moins de 700 la paire pour l’entrée de gamme, moins de 2500 la paire pour le milieu de gamme et plus de 2500 euros la paire pour le haut de gamme.
Je sais : bien que définie mathématiquement à partir des prix du marché, la tranche du milieu de gamme semble bien large. C’est qu’en son sein, on trouve du moniteur de proximité comme du moniteur de semi-proximité, sachant qu’à 2000 euros la paire, on dispose d’un excellent modèle deux voies alors que cela constitue plus ou moins l’entrée de gamme des trois voies sérieuses.
Je le précise aussi : si c’est évidemment dans le haut de gamme qu’on trouve les plus fameuses paires d’enceintes, bon nombre professionnels bossent avec un bon milieu de gamme au quotidien. Quant aux produits d’entrée de gamme, ce sont incontestablement ceux qui ont fait le plus de progrès au cours de ces 15 dernières années. Pour moins de 700 euros aujourd’hui, on trouve des écoutes qui font régulièrement dire à des pros : si j’avais eu ça quand je débutais… (Sans pour autant qu’il troque leurs écoutes actuelles pour un petit modèle, soyons réalistes ! ;-)).
Vous me demanderez aussi ce qui différencie une paire d’entrée de gamme, d’une paire milieu de gamme ou haut-de-gamme en termes de qualité. Et sans vous répondre bêtement le son (vous vous en doutiez), je vous dirais que c’est sur la maîtrise du grave que les progrès sont les plus manifestes à mesure qu’on augmente son budget, les aigus posant beaucoup moins de problème sur le plan acoustique. Disons qu’à moins de 700 euros la paire de deux voies, le grave fait ce qu’il peut alors qu’il est beaucoup mieux maitrisé sur une paire deux à trois fois plus chère. De là à dire qu’au dessous d’un certain budget, il vaut mieux renoncer au grave, il y a un peu que je laisserais à chacun le soin de sauter ou non… Rappelons en outre que le contrôle qualité comme l’éthique de fabrication explique aussi bien des écarts de prix : lorsqu’un Dynaudio fabrique au Danemark avec un contrôle qualité assez élevé, on ne s’étonne pas que ses enceintes soient sensiblement plus chères à specs égales que celles d’un concurrents qui ne jette rien de ce qui sort de son usine asiatique. Cette politique a toutefois une grosse répercution sur ce qui se retrouve ensuite sur les étals de nos marchands. La plupart du temps en effet, moins un produit est cher, plus on constate d’hétérogénéité d’un modèle à l’autre, voire de problèmes plus sévères. Vous voici donc prévenus.
Ne vous étonnez pas enfin, concernant cette sélection, de ne pas trouver tel modèle de telle ou telle marque. Nous avons préféré nous concentrer sur les moniteurs que nous avons testés (et pas seulement entendu, ou connu de réputation). De ce fait, ces suggestions seront couramment mises à jour lorsqu’un modèle testé nous paraîtra mériter sa place parmi les références retenues.
Je le précise par ailleurs, les étoiles indiquent la note reçue lors de notre test, une note qui prend en compte le prix auquel est vendu le produit. Les quatres étoiles et demies des Yamaha HS n’indiquent donc pas qu’elles peuvent rivaliser avec des Dynaudio LYD7, par exemple.
Entrée de gamme (moins de 700 euros)
En entrée de gamme, en termes de rapport qualité/prix, trois modèles nous ont réellement séduits au fil des dernières années : les Yamaha HS (à 340 € la paire en 5" ou à 560 € en 8 »), les PreSonus Eris encore moins chères (300 € la paire en 5 pouces et 500 € la paire en 8 pouces) ou, sensiblement plus chères, les géniales Alpha de Focal (520 euros en 5 pouces ou 700 euros en 8 pouces). Allez écouter cela et faites-vous votre idée, sachant que vous pouvez sans problèmes les confronter à quantité de modèles provenant d’autres constructeurs, la qualité sur ce secteur de marché étant relativement homogène.
Pour le cas précis de ceux qui cherchent des enceintes facilement transportables ou prenant peu de place, on n’hésitera pas à aller renifler du côté des SC204 d’Eve Audio (600 € la paire) ou encore les Genelec 8010A (500 euros la paire).
Yamaha HS | PreSonus Eris | Focal Alpha | Eve Audio SC204 | Genelec 8010A |
340 € en 5" 560 € en 8" |
300 € en 5" 500 € en 8" |
520 € en 5" 700 € en 8" |
600 € en 4" | 500 € en 3" |
Milieu de gamme (entre 700 et 2500 euros la paire)
Au-dessus de 700 euros, on rentre dans le milieu de gamme, avec des prix allant du simple au triple parce que c’est aussi sur cette gamme de prix que commence l’offre en matière de moniteur de semi-proximité, trois voies pour la plupart.
Parmi les enceintes qui sont passées entre nos mains, on citera de nombreux modèles à ruban signés Eve, Hedd ou encore PreSonus tandis que nous avons particulièrement apprécié les Dynaudio LYD7, ainsi que les Solo6 BE de Focal qui font désormais office de références sur le marché.
PreSonus R65 | Hedd Type 07 | Eve Audio SC207 | Dynaudio LYD7 | Focal Solo6 BE |
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780 € | 1280 € | 1000 € | 1200 € | 2000 € |
Haut de gamme (plus de 2500 euros la paire)
Disons-le tout net : si vous êtes prêts à consacrer un tel budget dans votre système d’écoute, vous n’avez sans doute pas besoin de nos conseils et pouvez aller faire la fortune des constructeurs de référence à ce niveau de prix, qu’il s’agisse de PSI, PMC, Neumann, Quested, Barefoot, sans oublier le haut de gamme des grands constructeurs que sont Dynaudio, Focal, JBL, Genelec, Adam, Eve. A ce niveau, ne manquez pas de jeter une oreille sur les Trio6 Be de Focal qui nous avaient séduits pour leur intéressante capacité à commuter en 2 voies ou 3 voies.
Câbles et accessoires
Acheter des enceintes, c’est bien, mais il s’agirait de ne pas oublier dans votre budget tous les accessoires les concernant et qui ne sont pas fournis la plupart du temps, à commencer par des câbles audio : Jack ou XLR selon vos besoins (même s’il vaut toujours mieux privilégier du XLR), ni trop longs ni trop courts, ni trop cheap ni trop chers (plus de 5 euros, moins de 30). Nous reviendrons de toutes façons sur ces derniers à l’occasion d’un dossier dédié mais vous pouvez sans problème aller faire votre marché du côté de Planet Waves, Cordial, Mogami
Mais on pourra encore parler des supports d’enceintes, pieds et des éventuelles mousses destinée à réduire la conduction solidienne de vos écoutes, préservant du même coup vos voisins du bruit généré par vos moniteurs, et préservant votre écoute des vibrations indésirables de votre pièce et de ses meubles. Ne négligez pas cet aspect car je vous assure que du point de vue de l’isolation phonique comme du traitement acoustique, un simple support peut faire une énorme différence.
Le mieux, c’est évidemment de mettre chaque enceinte sur pied plutôt que sur un bureau qui fera caisse de résonnance, mais tout le monde n’a pas le luxe d’avoir autant de plus pour poser ses écoutes. Le commun des mortels se reportera donc sur des supports basés sur un système d’amortisseurs comme les Zaor Miza D-Stand ou les Iso-Acoustics, ou sur des pads de mousse acoustique, comme les MoPad d’Auralex. Veillez à bien choisir la taille qui correspond à vos écoutes et méfiez vous des marques méconnues qui proposent à très bas prix… des mousses de très mauvaise qualité car manquant de la densité nécessaire pour remplir leur rôle.
Enfin, nous en avions déjà parlé lors de nos dossiers sur l’acoustiques : pensez qu’il existe des solutions logicielles pour corriger la réponse en fréquence d’une enceinte en fonction d’une pièce. Ça ne vaut pas un vrai traitement acoustique mais c’est un pis-aller qui permet souvent une nette amélioration de la qualité d’écoute.
Plusieurs paires d’enceintes ?
L’enjeu du mixage, c’est de s’assurer de l’équilibre spectral et spatial du morceau que l’on a mixé sur quelque système d’écoute que ce soit, du casque à la chaîne hi-fi, de l’autoradio à la sono. En complément de vos enceintes de monitoring, il peut ainsi être très judicieux de disposer d’une paire supplémentaire d’enceintes radicalement différentes pour pouvoir vérifier votre travail, sachant que plus le rendu de cette dernière sera éloigné de vos moniteurs, plus le jeu en vaudra la chandelle.
Hi-fi ou multimédia, le choix vous regarde en sachant qu’il ne s’agit pas pour cette écoute de dépenser trop d’argent. Ça pourra être une unique enceinte 1 voie à la Auratone comme on en utilise quotidiennement dans le domaine de la postproduction (voir encadré), ou même un simple ghetto blaster comme en utilise Chris Lord-Alge ou des petits modèles multimédias comme on en trouve chez Logitech ou Hercules.
Même à 30 balles, tout est bon pour vous offrir une autre perspective !
Le seul problème d’avoir deux paires d’enceintes, c’est qu’il faut pouvoir passer de l’une à l’autre simplement. Et qu’à moins que votre interface audio gère ce genre de choses, vous en viendrez vite à vous intéresser aux contrôleurs de monitoring : des petits boîtiers rassemblant toutes les fonctions et connectiques utiles à la gestion de l’écoute en studio.
Même sur une paire d’enceintes unique, ce genre de boitier qui peut être passif ou actif présente déjà un intérêt : celui de pouvoir monter ou baisser le volume sans devoir passer par un logiciel ou par les contrôles généralement situés à l’arrière des enceintes. Mais on y trouve encore quantité d’autres fonctions selon les modèles : des boutons Mute et DIM pour couper le son ou l’atténuer à un palier défini, un bouton Mono pour passer de la stéréo à la mono (car oui, c’est important de vérifier comment se comporte votre mix stéréo en mono) voire d’autres fonctions plus évoluées suivant les modèles : des sorties casques avec leur volume, un micro Talk Back pour communiquer à travers le système d’écoute avec un musicien se trouvant dans une autre pièce, et surtout la possibilité de gérer plusieurs sources et plusieurs écoutes d’une simple pression de bouton.
Vous pouvez sans problème aller renifler du côté de Mackie, PreSonus ou Palmer pour vous renseigner là-dessus, sachant que nous avons testé plusieurs contrôleurs de monitoring en entrée de gamme. Pour le haut de gamme, on ira en revanche voir chez Crane Song, Dangerous Music ou encore Gace Design avec des prix autrement plus élevés. Que gagne-t-on monter en gamme sur ce genre d’équipement ? Pas forcément plus de fonctions, mais surtout un plus grand respect du signal transitant par le boîtier, ce qui n’a pas de prix à un niveau professionnel, mais ne présente pas forcément d’intérêt pour le débutant. Comme souvent, il s’agit d’être cohérent avec les reste de votre équipement : un Palmer Monicon L dans le sillage d’une interface audio d’entrée de gamme pour switcher entre des PreSonus Eris 8 et une paire d’enceintes Logitech, ça fait sens. Mais ce n’est pas forcément le contrôleur qu’on utilisera pour passer d’une paire de NS10 à une paire de Focal SM9 dans le sillage d’une interface Prism Audio…
Installer ses enceintes
Nous aurons forcément à revenir sur la question de l’aménagement de votre home studio mais je ne peux décemment pas ne pas vous renvoyer vers deux petits dossiers que nous avons déjà consacré à l’installation des enceintes. Le premier concerne le positionnement de vos moniteurs, et le second leurs réglages. En vis-à-vis de ces articles, je me permets de vous rappeler le plus élémentaire des conseils : Read the fucking manual !
Même si l’usage d’une enceinte n’a a priori rien de bien sorcier, la lecture du manuel fourni par le constructeur vous renseignera en effet sur la façon optimale de les placer, de les régler ou sur l’éventuelle nécessité d’un rodage.
Préconisé par certains constructeurs en fonction des matériaux utilisés et de l’assemblage des composant, ce dernier consiste à soumettre sur plusieurs heures, voire plusieurs dizaines d’heures, l’enceinte neuve à un signal particulier (musique, bruit rose, etc.) afin que ses différents composants mécaniques s’assouplissent, s’ajustent au mieux et qu’ils donnent ensuite le meilleur d’eux-même.
Les meilleures enceintes ? Les vôtres !
Nous approchons la fin de cet épique dossier et j’espère que vous avez une idée plus précise de la façon dont vous allez choisir vos enceintes. Il me reste toutefois à vous mettre en garde : même en faisant une écoute comparative en boutique, vous n’aurez qu’un bref aperçu des qualités d’une paire d’enceintes et ce n’est qu’une fois que cette dernière sera dans votre Home studio que vous aurez durablement travaillé avec elle et que confronterez vos mixes à l’extérieur que vous apprendrez réellement à la connaître et à vous confronter à ses défauts et qualités.
Dès lors, au-delà des recommandations faites depuis le début de cet article, vous comprendrez que la meilleure paire d’enceintes n’est pas forcément liée à telle fonction ou telle technologie, mais que c’est plus simplement celle avec laquelle vous avez le plus l’habitude de travailler. C’est pour cette raison d’ailleurs qu’Andrew Sheps expliquait dans l’interview qu’il nous a accordée qu’il ne s’est jamais séparé de ses vieilles Tannoy SRM10B et qu’il en a même racheté d’autres paires au cas où elles tomberaient en panne. Non pas qu’il n’existe pas mieux ou aussi bien dans les enceintes fabriquées aujourd’hui, mais qu’il les connaît par cœur.
De ce fait, gardez-vous bien de passer votre vie de Home studiste à chercher la paire d’enceintes qui lave toujours plus blanc et à céder au Gear Acquisition Syndrome à la première occasion. Si l’on ne peut certes faire du bon travail avec du mauvais matériel, il arrive un moment où la courbe de progression de vos productions ne passera pas par de meilleures enceintes, mais par la connaissance de vos outils et par la progression de la base de votre écoute : vos oreilles.
L’audition, ça se travaille en effet, et dites-vous bien que ce qui vous différencie le plus de tel ou tel grand ingénieur son que vous admirez, ce n’est pas tant son matos, mais la faculté à écouter et à repérer des détails qu’une oreille non exercée ne relèverait pas. Or, pour éduquer son oreille, il n’y a pas de miracles : il faut passer des milliers d’heures à enregistrer, éditer, mixer. Bref, tout est question d’expérience… même si l’on peut gagner du temps.
Il existe en effet des logiciels destinés à faire progresser votre audition dans les domaines particuliers qui nous intéressent par le biais de multiples exercices d’écoute. L’investissement peut valoir le coup que l’on s’oriente vers TrainYourEars à moins de 90 euros, SoundGym (abonnement à 15 $ par mois), le plus rudimentaire Quizztones, ou encore vers les solutions pour mobile proposées par Auricula ou encore StudioEars.
Conclusion
Gageons que vous aurez bientôt LA paire d’enceintes qui correspond à vos attentes, en espérant vous avoir fait comprendre à quel point il était nécessaire de soigner cet achat. Comme nous l’avons toutefois souligné, la meilleure paire d’enceintes ne sera pas d’une grande utilité dans une salle à l’acoustique médiocre. Et c’est parce qu’il n’est pas toujours possible de travailler cette dernière, mais aussi parce que les enceintes ne répondent pas à tous nos besoins d’écoutes que nous nous intéresserons pour notre prochain guide aux casques audio.