Arrivé dans la famille Boutique pendant l’été 2017, le SH-01A met dans une toute petite boite le sympathique synthé-guitare du début des années 80, en quadruplant au passage sa polyphonie…
Le SH-101 est lancé en 1982. Il s’agit d’un synthé analogique monodique basique, doté d’une chaine VCO + Sub VCO -> VCF -> VCA, une enveloppe, un LFO, un petit arpégiateur et un séquenceur de 100 pas (c’est sympa !). Portable, compact et léger (4 kg), il peut être équipé d’une bandoulière et d’un petit grip optionnel (molette de pitchbend, interrupteur de modulation) qui se fixe sur la partie gauche pour former un mini manche, ce qui permet une utilisation live comme synthé-guitare. Très facile à prendre en main, il est reconnaissable par un son de basse grassouillet et une onde pulse généreuse. Ce sera le dernier synthé mono de la marque pendant l’ère analogique. Récemment remis au goût du jour sous forme de plug-out pour les System-1 / System-8, il est désormais décliné au format Boutique, sous le doux nom de SH-01A, histoire de ne pas le confondre avec le SH-01 qui n’a rien à voir. Voyons si cette nouvelle incarnation, plus musclée que le plug-out, est aussi plus réussie…
Mini Module
Le SH-01A fait partie d’une prolifique famille comptant désormais 11 membres, qui partagent tous la même conception : un module ultra compact de moins de 1 kg, pouvant être monté dans une station d’accueil clavier ou boitier (voir encadré). En dépit de sa petite taille, un Boutique n’a rien de gadget : l’avant, la façade et l’arrière sont constitués d’une tôle pliée très solide ; seuls le dessous et les côtés sont en plastique. Tout comme le SH-101 à l’époque, le SH-01A est disponible en trois couleurs : un modèle de base gris et deux couleurs, rouge et bleue, en série limitée pour les collectionneurs.
La façade est couverte de commandes : seize curseurs de petite taille (capuchons non éclairés), trois curseurs de très petite taille, deux sélecteurs rotatifs à six positions, six sélecteurs à deux/trois positions, deux potentiomètres, un encodeur et neuf boutons poussoirs à diodes. Le débattement et l’écartement des curseurs principaux sont suffisants pour permettre une manipulation correcte. Un écran de quatre diodes et sept segments complète le tout, affichant le nom de certains paramètres et/ou réglages, mais ne reflétant hélas pas la valeur des curseurs quand on les manipule, dommage… Tout ce beau monde est assez logiquement réparti sur deux rangées, les commandes de synthèse en haut et les autres réglages en bas (menu, sélection des programmes, séquences, arpèges, commandes…). On apprécie le sélecteur de transposition sur trois octaves en façade, tout comme la touche Key Transpose pour travailler par demi-ton.
La prise en main est aisée, ce qui est normal étant donné le nombre restreint de paramètres à éditer. Plus pénible, c’est de devoir d’entrer dans le menu pour changer de programme ou de séquence, puis revenir en mode normal pour lancer la séquence ou l’arpège. À gauche de la façade, on trouve les deux rubans classiques sur certains modules Boutique, avec rétroéclairage de position. Lorsqu’un clavier est raccordé, le premier ruban fait office de pitchbend (avec retour au centre virtuel), alors que le second fait office de molette de modulation. Lorsque rien n’est raccordé, le premier ruban déclenche les sons suivant un tempérament à définir parmi seize choix.
À droite de la façade, on trouve une sortie CV/Gate (V/Octave, avec choix du 0 V, ajustements fins de la fréquence d’origine et de la pente) pour piloter le monde analogique et une entrée pour horloge. Le reste de la connectique est situé à l’arrière et ressemble à pas mal d’autres modules Boutique : interrupteur secteur, port micro-USB (alimentation, MIDI et audio), mini-potentiomètre de volume, sortie casque stéréo, sortie ligne stéréo, entrée ligne stéréo et entrée/sortie MIDI DIN. La connectique audio est au format mini-jack.
En dessous du module, on trouve un petit HP et une trappe pour insérer les quatre piles AA-LR6 fournies (par contre, le cordon micro-USB avec alimentation secteur ne l’est pas). Avec son petit HP (très vite saturé), son séquenceur et ses piles, le SH-01A est totalement autonome, du moins pendant les six heures annoncées par le constructeur, ce que ne précise même pas le dépliant laconiquement lapidaire faisant office de manuel.
Qualité sonore
Les synthés de la série Boutique brillent par leur qualité sonore. Le SH-01A ne déroge pas à la règle. Il offre 64 mémoires réinscriptibles préprogrammées d’usine, parmi lesquelles on retrouve les sons qui avaient fait la réputation du SH-101. D’après nos contacts qui ont la chance d’avoir (déjà !) les deux, la ressemblance est frappante. Le niveau de sortie est élevé, on ne s’en plaindra pas. On apprécie aussi l’absence de bruit de fond, ce qui n’était pas le cas sur l’ancêtre, doté de circuits analogiques… Le son est gros malgré l’unique oscillateur et l’absence de chorus ; du coup on a une couleur brute non polie, à des années lumières du JU-06. Un son vivant, l’ACB reproduisant à merveille les petites fluctuations de composants.
Côté filtre, on a affaire à une forte personnalité, qui apporte un bas de spectre imposant ; pousser la résonance conserve les fréquences en dehors du pic sans les écraser, ce qui permet des dents de scie acidulées. On apprécie également les PWM velues, si caractéristiques du SH-101. L’enveloppe est très rapide, ça claque bien sec, on se croirait vraiment sur un mono analo. Les basses sont le domaine de prédilection du SH-01A, avec si besoins un sub-oscillateur bien gras en renfort, qui fait tout vibrer. Mais le grand bonheur, c’est d’avoir tout ça en polyphonie, soit pour jouer des nappes en accords, soit pour empiler des oscillateurs sans vergogne. Enfin, on apprécie l’arpégiateur et le séquenceur, qui peuvent tourner de concert.
- SH 01A 1audio 01 Bass1 00:35
- SH 01A 1audio 02 Bass2 00:45
- SH 01A 1audio 03 Bass3 00:44
- SH 01A 1audio 04 Square Seq 01:16
- SH 01A 1audio 05 Seq and Arp 01:01
- SH 01A 1audio 06 Lead1 00:23
- SH 01A 1audio 07 Lead2 00:35
- SH 01A 1audio 08 Lead3 00:43
- SH 01A 1audio 09 Poly Square 00:35
- SH 01A 1audio 10 LFO Retrig 00:39
- SH 01A 1audio 11 Poly Pad 00:33
Simple à programmer
Le SH-01A utilise la technologie numérique ACB pour modéliser le comportement des composants du SH-101. Les paramètres de synthèse sont quasi identiques (en fait, nous verrons que le SH-01A va plus loin dans certains domaines, que nous préciserons au cas par cas). Gros avantage, la polyphonie passe d’une à quatre voix que l’on peut déclencher selon les modes Mono, Unisson, Poly et Chord.
Le générateur sonore produit simultanément une dent de scie (symbolisée par une rampe ascendante), une impulsion à largeur variable (manuelle ou modulable par le LFO ou l’enveloppe), une onde carrée à une ou deux octaves sous la fondamentale (avec commutation possible en impulsion étroite à –2 octaves) et un bruit (Original rose ou Variation blanc). Toutes ces sources ont leur curseur de mixage en façade. Lorsqu’on pousse les niveaux en additionnant les formes d’onde, on obtient une saturation naturelle agréable. L’oscillateur peut être accordé de 2 à 64 pieds (mieux que la plage de deux à seize pieds du SH-101) et être modulé par un LFO ou glisser avec un portamento.
La sortie du mixeur attaque ensuite un filtre passe-bas à quatre pôles résonant, capable d’auto-osciller. Le curseur de fréquence de coupure est fluide dans la plupart des cas ; il faut être à la fois à très faible vitesse et résonance élevée pour entendre des effets de pas. La fréquence de coupure peut être modulée par l’unique enveloppe, le LFO et le suivi de clavier. Les quantités de modulation sont dosables séparément mais les modulations sont uniquement positives.
L’ampli final est on ne peut plus simpliste, puisqu’on ne peut moduler le volume que par l’enveloppe partagée ou le mettre en position Gate. Les modulations ne sont d’ailleurs pas le point fort de la machine, puisqu’on doit se contenter d’une enveloppe et d’un LFO. Ce dernier peut fonctionner en mode Original ou Advanced (plage de fréquences étendue à l’audio). On peut le synchroniser à l’horloge et il dispose de nouvelles formes d’onde (dent de scie, rampe) en plus des traditionnelles (triangle, carrée, aléatoire, bruit). L’enveloppe est une ADSR classique, avec différents modes de redéclenchement : à chaque nouvelle note, à chaque nouvelle note lorsqu’aucune autre n’est tenue ou à chaque début de cycle du LFO. Elle sait se montrer claquante lorsqu’on le souhaite, tant mieux.
Séquences et arpèges
Tout comme le SH-101, le SH-01A dispose d’un arpégiateur et d’un séquenceur. Le premier est très basique : motifs haut/bas/alterné, fonction de maintien et division temporelle. Côté séquenceur, on reste aussi dans l’esprit dépouillé du SH-101, mais on passe cette fois de 1 à 64 motifs de 100 pas, avec une polyphonie de quatre voix. La programmation se fait en pas à pas et en une seule passe : en mode LOAD (enregistrement), on entre successivement les notes au clavier, les silences avec la touche REST et les liaisons avec la touche LEGATO. En revanche, point d’accent, c’est comme sur le SH-101… Un pas représente la plus petite division temporelle, donc il est important de se montrer économe pour ne pas gâcher ; pour éditer une séquence ou ajouter des notes à la fin, on se met en mode LOAD, on tourne l’encodeur de tempo pour accéder au pas souhaité et on (re)joue les notes à entrer. Ceci n’est pas documenté dans la feuille de chou faisant office de manuel…
En relecture, on peut transposer les séquences et les arpèges en maintenant la touche KEY TRANSPOSE et en jouant sur le clavier ou en tournant l’encodeur de valeur ; c’est bien mais ça occupe quand même les deux mains. Changer la division temporelle de l’arpégiateur affecte aussi celle du séquenceur, ce qui est bien utile. On peut lancer l’arpégiateur pendant que la séquence tourne, une fonction assez rare sur les synthés mais bien agréable à l’usage. Les notes séquencées et arpégées sont transmises via MIDI, très bien !
MIDI et audio
À quelques exceptions près, les modules Boutique travaillent avec des CC MIDI, ce qui leur permet d’être pilotés à distance et d’émettre les valeurs des paramètres de synthèse en temps réel. Avec 42 CC intégrés, le SH-01A ne déroge pas à la règle et peut ainsi être entièrement automatisé. On peut également effectuer des Backup/Restore de la mémoire interne complète via USB.
Sur le plan audio, l’USB permet de véhiculer un canal stéréo en entrée/sortie, transformant le SH-01A en interface audio 24 bits / 96 kHz stéréo. Les sons du module et de l’entrée audio numérisée peuvent ainsi être envoyés à une STAN. Réciproquement, les sons sortant de la STAN sont convertis et envoyés à la sortie audio analogique du module. Ceci nécessite au préalable d’installer et de convenablement paramétrer le pilote PC/Mac fourni par Roland (pour Windows/Windows 10, Mac OS10.13/OSX).
Conclusion
Le SH-101 était en son temps une machine abordable, basique et au timbre singulier. Le SH-01A en reprend toutes les caractéristiques, dont la personnalité sonore, l’extrême simplicité d’édition et le tarif serré. Il y ajoute les mémoires, la polyphonie, les CC MIDI et l’audio via USB… qui lui permettent de s’intégrer parfaitement à un ensemble musical actuel. Après le JP-08, le JU-06 et le JX-03, la série Boutique vient donc de s’enrichir d’un nouveau synthé polyphonique à modélisation analogique, avec une couleur sonore encore différente de celle de ses congénères. C’est aussi le seul des quatre à proposer un séquenceur polyphonique et un arpégiateur ; de quoi faire craquer à nouveau les fans de cette série fort sympathique…
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