Attendu de longue date par les aficionados de la marque rouge, le Nord Stage 3 semble embarquer suffisamment d’améliorations pour redéfinir les standards du clavier de scène haut de gamme…
Nord est devenu la marque emblématique des claviers de scène. Elle a su en une vingtaine d’années gagner la confiance de nombreux musiciens pro et amateurs exigeants qui tournent, à la fois par la qualité sonore, la prise en main directe, la légèreté et la robustesse de ses produits. Elle peut se targuer aujourd’hui d’un patrimoine conséquent de synthés et claviers de scène. Plutôt que d’élargir sa gamme à l’infini, Nord s’est toujours concentrée sur l’amélioration continue de lignes de produits bien ciblées (Lead, Piano, Electro, Stage, C, Drum), dont certaines en sont à leur cinquième génération. Présentée à la Musikmesse 2017, la nouvelle série Nord Stage 3 constitue donc, comme son nom ne l’indique pas, la cinquième mouture de claviers de scène de la marque suédoise ; cinq et pas trois en effet, puisqu’il faut inclure le Stage EX et le Stage 2 EX. À ce niveau, on a largement dépassé le stade de la maturité et on peut véritablement parler d’expertise. Raison de plus pour décortiquer en détail et sans concession ce magnifique cinquième élément.
En scène
Avec la complicité de Frankeys (rhodiste, wurlitzeriste et clavinetiste) à qui on doit la majorité des exemples audio de ce test, nous avons testé le modèle de 76 touches (OS 1.12), équipé d’un toucher lourd « portable » très agréable à jouer, avec une résistance à l’enfoncement équilibrée, un rebond franc et une réponse à la pression maîtrisée. Cela lui permet non seulement une taille relativement compacte (112 × 35 cm), mais surtout un poids limité (12,5 kg). Le modèle de 88 touches est quant à lui équipé d’un clavier lourd « plein » avec réponse aux vélocité et pression, pour une taille et un poids plus conséquents (129 × 33 cm pour 19 kg). Le Nord Stage 3 existe enfin en version de 73 touches en cascade semi-lestées, avec réponse aux vélocité et pression (107 × 30 cm pour 10 kg) ; ce dernier modèle dispose d’ailleurs de tirettes harmoniques physiques (type fader) dans la section d’orgue, là où les deux autres utilisent des tirettes virtuelles à 8 diodes et 2 boutons.
La qualité de construction est très bonne : façade métallique, fond en alliage léger, flancs en bois, potentiomètres bien ancrés, boutons fiables… Les claviers sont livrés avec une pédale de maintien signée Nord, mais on peut se procurer la triple pédale maison optionnelle, regroupant les fonctions de maintien (avec mi-course), sostenuto et sourdine.
Clairement le Nord Stage 3 est taillé pour la performance live ; il regorge de plus d’une centaine de commandes directes et de fonctions orientées scène. Depuis le premier Nord Stage, la crise d’acné n’a pas cessé, bien au contraire. La plupart des commandes est doublée d’une fonction secondaire, qui nécessite le maintien de la touche Shift, mais dans les cas extrêmes, un double-clic permet de garder une main libre, bien vu !
La façade est composée de différentes sections séparées par une sérigraphie alternant fond gris et fond rouge, avec de gauche à droite, l’effet de haut-parleur tournant, la section d’orgue, la section de piano, la section de programmation centrale, la section de synthé, la section externe et la section d’effets. Il est très facile d’activer ou couper une section, régler son volume, l’assigner à une zone du clavier ou la transposer d’une octave vers le haut ou vers le bas. De même, les deux écrans graphiques OLED visibles en toute circonstance permettent, pour l’un, de se repérer dans les numéros de programmes et les réglages, et pour l’autre, de programmer la section de synthé qui s’est bien musclée depuis la dernière fois (nous y reviendrons).
Tournée générale
Le Nord Stage est organisé en programmes qui mémorisent tous les réglages de la façade pour les rappeler à chaque instant (400 mémoires groupées en huit banques de cinquante). Si on le souhaite, changer un programme en maintenant des notes ne coupe pas le son, super ! On peut faire défiler les programmes par liste, par banque ou par catégorie. On peut aussi préparer sa configuration live grâce aux Songs (400 mémoires), contenant chacune 5 pointages de programmes immédiatement accessibles. Dans chaque programme, il y a deux configurations globales, appelées Panel A et Panel B, utilisables soit en alternance, soit simultanément. Deux boutons permettent d’éditer l’un, l’autre ou les deux en même temps. Donc on a bien, disponibles en même temps, deux orgues, deux pianos, deux synthés, deux zones externes (pour piloter un appareil MIDI) et deux sections d’effets ; du très lourd par rapport aux précédents Nord Stage. On peut facilement copier un Panel vers un autre, que ce soit dans le même programme ou non. Il existe même un mode Dual Keyboard où le pilotage du Panel B peut être confié à un clavier MIDI externe et déconnecté du Nord Stage 3.
Dans chaque Panel, chacune des sources sonores (internes et externes) est assignable à une ou plusieurs des quatre zones du clavier disponibles. Pour définir ces zones, on active un à trois points de split (Low/Middle/High). Il y a toutefois une limite, puisque le choix des points est limité aux notes Fa et Do sur cinq octaves (F2 à C7). Les points sont repérés par des LED situées au-dessus du clavier et les zones indiquées dans une page de l’écran graphique spécifique, ce qui facilite le repérage (cf. capture du manuel ci-contre). Il est possible de créer un fondu au point de split, suivant trois types de transition par point (Off = 0, Small = 12 demi-tons, Large = 24 demi-tons). On peut ainsi créer divers splits et empilages à partir de six sources sonores et deux zones MIDI externes.
Autre point utile pour les performances live, la fonction Morph, qui permet de piloter l’évolution d’une vingtaine de paramètres pré-définis dans les différentes sections sonores et d’effets, via trois contrôleurs physiques : molette, pression et pédale de contrôle. Pour créer un Morph, c’est très simple : on part d’un réglage initial, on maintient le bouton dans la mini-section Morph correspondant à la source de modulation à assigner, on bouge les commandes souhaitées en position finale et on lâche le bouton. On peut bien sûr ajouter des modulations ou tout effacer d’un coup. Cela est mémorisé dans chaque programme. Parmi les destinations : les tirettes harmoniques, le niveau de chaque section, certaines commandes continues (synthèse et effets). Les potentiomètres assignables disposent d’une diode témoin verte, sympa…
Terminons cette tournée par la face cachée de la machine. Toute la connectique est située à l’arrière et entièrement vissée au châssis : entrée monitoring, sortie casque, quatre sorties audio (configurables en deux paires stéréo ou une paire stéréo + deux sorties séparées), trois entrées pour pédales (Sustain simple ou triple pédale maison Sustain/Sostenuto/Sourdine ; pédale de contrôle continu pour le morphing ; pédale Organ Swell), une entrée & une sortie MIDI, une pédale pour variation de la vitesse de la Leslie, une prise USB (pour le MIDI uniquement), une pédale pour les changements de programme et une authentique borne IEC 3 broches pour cordon secteur (alimentation interne, merci !).
La connectique audio/pédales est au format jack 6,35 mm, sauf l’entrée monitoring qui est en mini-jack stéréo, ère smartphone oblige ; cette dernière envoie directement le signal aux sorties audio 1 & 2, sans passer par les effets ni même le volume, dommage. Le Nord Stage 3 est livré avec une pédale-interrupteur simple et un double DVD comprenant la bibliothèque d’échantillons Nord Piano.
Orgues modélisés
La première section sonore modélise différents orgues. Le moteur a été boosté, puisqu’on dispose de cinq modèles, certains tirés de l’orgue combo maison C2D : B3, Vox, Farfisa, orgue à tuyaux, orgue d’église. La polyphonie est totale quel que soit le modèle. On peut activer/couper la section, l’assigner à une zone du clavier, en régler le niveau audio, l’envoyer vers certains effets, activer/couper le Pitch Bend, activer/couper la pédale de Sustain et transposer sur plusieurs octaves. C’est d’ailleurs le cas avec les deux autres sections sonores, nous n’y reviendrons donc pas.
Le premier modèle est dédié au B3, célèbre orgue électromécanique signé Hammond dans les années 30, basé sur 91 roues phoniques produisant différentes fréquences, que l’on peut ajuster avec neuf tirettes harmoniques. Le Nord Stage 3 modélise trois états de B3 : Clean (sortant d’usine), Vintage 1 (un peu usé) et Vintage 2 (bien rincé). On peut enclencher un vibrato (trois types) ou un chorus (trois types), de manière exclusive. Une percussion est également présente, avec le choix entre les 2e ou 3e harmoniques, le type de déclin (court/long) et le volume (faible/fort). On peut aussi paramétrer le volume du clic de note si caractéristique du B3. Les résultats sonores sont excellents et les choix de réglages pertinents ; l’orgue peut être très propre ou alors bourré de leakage, cette interférence entre les roues phoniques adjacentes créant des effets de phase. La réponse du clavier est ultra-rapide, d’autant qu’on peut régler la hauteur d’action des touches, pour les organistes les plus pointilleux. En conjonction avec le haut-parleur tournant et l’overdrive (voir section d’effets), on passe d’une ambiance soul décontractée au rock le plus dur !
Le deuxième modèle est dédié au Vox Continental, l’un des plus célèbres orgues à transistors, datant des années 60, au son beaucoup plus feutré que le B3. Le Vox utilise sept pieds harmoniques à intervalle fixe par rapport à la note jouée, dont le volume est contrôlé par les sept premières tirettes. La neuvième est un contrôle global de brillance. On retrouve différent chorus et vibrato, dont l’un est modélisé sur le Vox. Le troisième modèle d’orgue se consacre au Farfisa Compact, facture des années 60 de la célèbre firme transalpine d’orgues à transistors au son aigrelet. Les tirettes harmoniques sont ici utilisées en interrupteur à bascule (les fameux « Rocker Switch ») pour activer ou couper l’un des neuf registres disponibles, portant le nom (mais pas le son) d’instruments acoustiques et indiquant leur métrage en pieds (le tout aussi fameux « Footage », fût-t-il de gueule) : Bass 16, Strings 16, Flute 8, Oboe 8, Trumpet 8, Strings 8, Flute 4, Strings 4, Voix 2 2/3. Le Nord Stage 3 modélise aussi les différents modes de vibrato du Farfisa. Enfin, les quatrième et cinquième modèles recréent les orgues à tuyaux, déclinés ici en deux variations : l’une dérivée d’un B3 sans les artifices de leakage et clics spécifiques, pas mal pour le Gospel ; l’autre modélisant un orgue d’église à tuyaux métalliques. Les neuf registres sont identiques à ceux du B3, allant de seize à un pied. Cerise sur le gâteau pour presque clore cette première section, le constructeur a eu l’excellente idée de prévoir la mémorisation de deux réglages de registres par programme, entre lesquels on peut immédiatement alterner avec un bouton dédié (Preset II). Bien vu ! Pour couronner le tout, l’entrée pour pédale d’expression (Swell) permet de créer des nuances de volume caractéristiques des techniques de jeu des organistes.
Pianos échantillonnés
Passons maintenant à la deuxième section sonore, dédiée aux pianos dans tous leurs états. Il s’agit d’une banque de multi-échantillons stockés dans une mémoire flash réinscriptible de 2 Go, offrant 120 voix de polyphonie (stéréo comme mono). Le Nord Stage 3 est livré avec 40 multi-échantillons (approximativement 1,6 Go) décomposés en six catégories : pianos à queue, pianos droits, claviers électriques, pianos numériques et pianos en couche. On sait bien que la taille compte, en tout cas pour les sons de piano, et le Nord Stage 3 renferme quatre tailles de multi-échantillons (XL-L-M-S), correspondant à différents niveaux de qualité (cf. ci-dessous Les bibliothèques sonores gratuites). Un réglage du toucher permet de définir la réponse dynamique du clavier (quatre valeurs). De même, un EQ intégré permet de choisir parmi trois types d’égalisation (doux, médium, brillant). Lorsqu’on utilise deux sons de piano en couche (Panels A+B), on peut les désaccorder légèrement suivant 3 niveaux. On peut aussi régler la douceur du Release (pour certains sons), enclencher la résonance sympathique des cordes (sur les sons de piano compatibles) et le bruit de la pédale de Sustain, pour peu qu’on utilise la triple pédale maison (sur les sons de piano compatibles).
Dans la liste de pianos à queue intégrés, citons un Yamaha S6 (XL), un Bösendorfer Imperial (XL), un Steinway D de 9 pieds (L), un Fazioli (L), un « Velvet German » 9,2 pieds (L) et un Kawai SK7 (L) ; parmi les pianos droits, on trouve un Baldwin (XL), un Petrof (L) et un Yamaha U3 (L). On poursuit avec les claviers électriques : au programme, Yamaha CP80, Fender Rhodes (différents réglages de Mk I, Mk II, Mk V), Wurlitzer EP200 (deux déclinaisons), un Hohner Clavinet D6 (disponible avec les quatre réglages originels de micros — A = Neck, B = Bridge, C = combinés en phase, D = combinés en opposition de phase — produisant différentes nuances avec plus ou moins de piqué et de richesse), des pianos DX7 et des mélanges de pianos synthétiques. Au plan sonore, nous avons beaucoup apprécié les sons de pianos acoustiques dans leur ensemble, surtout au vu de la taille modérée de la mémoire. Les modèles se complètent bien, offrant une belle plage de dynamique et des segments bouclés assez longs (on n’est pas sur une bibliothèque de plusieurs dizaines de Go, mais on a en revanche des sons variés et disponibles en quelques secondes après l’allumage). Les Rhodes sont très réalistes avec une belle réponse en dynamique, des Tines précises et des bruits mécaniques réalistes. Le Wurlitzer nous a séduits, en particulier le second multi-échantillon « Amped » (XL). Le CP80, bien que de mémoire réduite, est très agréable à jouer. Les différents sons de Clavinet fournis déçoivent un peu, avec un manque de coupant que l’on peut à peine rattraper avec la section d’effets (wah wah, compresseur…). Pour le reste (pianos DX, clavecins, couches de pianos), c’est du classique sans surprise…
- NS3 1audio 01 Royal 00:50
- NS3 1audio 02 Imperial 00:35
- NS3 1audio 03 ItalDroit 00:40
- NS3 1audio 04 EP1 00:46
- NS3 1audio 06 EP3 00:24
- NS3 1audio 07 EP4 01:01
- NS3 1audio 08 CP80 00:25
- NS3 1audio 09 Clav 00:23
- NS3 1audio 10 B3 1 00:30
- NS3 1audio 11 B3 2 00:26
- NS3 1audio 12 DeepSplit 00:18
- NS3 1audio 13 Pipe 00:26
- NS3 1audio 14 ChurchVoice 00:27
- NS3 1audio 15 Pizzaiolo 00:21
- NS3 1audio 16 Mellotron 00:27
- NS3 1audio 17 Pad1 00:55
- NS3 1audio 18 SynthSplit 00:58
- NS3 1audio 20 SynthBrass 00:35
- NS3 1audio 21 Pad2 00:28
- NS3 1audio 19 Arpeg 00:36
- NS3 1audio 05 EP2 00:37
Bibliothèques sonores gratuites
L’un des avantages des Nord Stage / Piano / Electro, c’est qu’ils offrent l’accès à des bibliothèques additionnelles gratuites de multi-échantillons. Le Nord Stage 3 est compatible avec les bibliothèques Nord Piano et Nord Sample 3. Les données sont chargées dans des mémoires séparées (respectivement 2 Go et 480 Mo) via le logiciel Nord Sound Manager. Signalons au passage que l’on peut restaurer tout ou partie des échantillons et programmes d’usine. La bibliothèque Nord Piano est consacrée aux pianos acoustiques et claviers électriques. Les échantillons sont disponibles en quatre tailles, tout comme pour la mémoire interne : S (multi-vélocité, stéréo ; 5 à 50 Mo), M (ajout de la résonance sympathique partielle ; 50 à 80 Mo), L (ajout de la résonance sympathique totale ; 80 à 100 Mo) et XL (la totale, note par note ; 150 à 200 Mo). Le Nord Stage 3 intègre déjà 80% de la bibliothèque actuelle, mais Nord nous a habitués à des nouveautés régulières.
Pour sa part, la nouvelle bibliothèque Nord Sample 3 (pas encore disponible et incompatible avec les précédentes) comprend des multi-échantillons de taille plus modeste (de quelques centaines de Ko à quelques Mo) dans des domaines très variés : pianos, cordes, vents, cuivres, guitares, percussions, voix, synthés, claviers électroniques (dont une belle collection de Chamberlin et Mellotron). Il manque toutefois des kits de batterie, que les claviers Nord ne savent à ce stade pas prendre en compte. Les multi-échantillons ainsi chargés sont ensuite utilisés dans la section de synthèse de l’instrument, où ils peuvent être filtrés et en partie modulés.
Synthé modélisé
La troisième et dernière section sonore du Nord Stage 3 est un moteur de synthèse numérique orienté live dérivé du Nord Lead A1. Avec 34 voix de polyphonie (!), il produit une synthèse soustractive à partir de différentes sources : ondes analogiques modélisées, FM, tables d’ondes et multi-échantillons. Il s’agit donc bien d’un véritable synthé avec une bonne trentaine de paramètres à touiller et à mémoriser. Pour ne pas partir de zéro, le Nord Stage 3 offre une banque de 400 mémoires de sons de synthés, indépendamment des 400 programmes principaux. Comme sur le Nord Lead A1, plutôt qu’offrir des oscillateurs classiques, le Nord Stage 3 opère à partir de configurations d’un ou deux oscillateurs. On commence par choisir le type de forme d’onde de l’oscillateur principal : Classic (huit formes d’ondes analogiques modélisées), Wave (46 tables d’ondes), F-Wave (neuf formants), S-Wave (huit empilages d’ondes) ou Sample (249 multi-échantillons fournis, auxquels on peut ajouter d’autres banques de la bibliothèque Nord Sample 3). On peut régler et moduler la largeur d’impulsion ou le contenu spectral d’une onde basique, la position dans une table d’onde, ou encore le contenu harmonique d’une onde à formants.
La mémoire Flash interne de samples totalise 480 Mo réinscriptibles ; les 446 Mo chargés représentent des multi-échantillons d’instruments à cordes, bois, cuivres, ensembles de voix, Mellotron et Chamberlin. Lorsqu’on assigne un sample à l’oscillateur principal, on appelle une présélection contenant des réglages idéaux (qui peuvent bien sûr être édités ensuite). Les samples ont un point de début de lecture alternatif prédéfini activable, permettant de shunter le segment d’attaque. Par contre, les échantillons ont peu de possibilités d’intermodulation avec d’autres ondes, puisque cela se limite à la modulation en anneau, contrairement à ce que permet le Nord Wave, ce qui est bien dommage…
Une fois le type d’oscillateur retenu, on choisit la configuration d’oscillateur(s) : oscillateur seul, désaccordage du même oscillateur empilé, mixage avec une onde basique (sinus, triangle, dent de scie, impulsion, cloche, bruit blanc, bruit filtré accordé), synchro de deux oscillateurs, FM à deux opérateurs, FM à trois opérateurs ou modulation en anneau. On règle ensuite la quantité de modulation d’oscillateur ou d’intermodulation entre oscillateurs, celle-ci étant elle-même pilotable par le LFO ou l’enveloppe de modulation (l’un ou l’autre). Le signal obtenu passe alors dans un filtre multimode résonant. Il offre six types de réponse : passe-bas deux pôles, passe-bas quatre pôles, passe-bas quatre pôles modélisé sur le Minimoog, passe-bande deux pôles, passe-haut quare pôles et réjection de bande deux pôles (combinaison de deux filtres passe bas / passe-haut non résonants en parallèle, avec fréquences de coupure distinctes). Un feedback à trois positions permet de saturer le filtre en entrée. La résonance peut être poussée jusqu’à l’auto-oscillation. La fréquence de coupure est modulable par un potentiomètre entre 14 Hz et 21 kHz (on a dénombré 128 valeurs et on entend un peu les pas), le suivi de clavier (0–1 / 3–2 / 3–1), le LFO, la vélocité ou l’enveloppe de modulation. Dans ce dernier cas, c’est fromage ou dessert, puisqu’il n’y a qu’un seul potentiomètre de balance pour doser la modulation des deux sources. Du coup, la modulation n’est pas bipolaire, ce qui est bien bête…
Au rayon modulations, nous sommes très limités, comme souvent sur les synthés Nord qui brillent par leur simplicité. Au programme, deux enveloppes ADR (Sustain infini lorsque le Decay est au maximum), l’une routable vers la modulation du (des) oscillateurs(s), l’autre assignée au volume. Elles peuvent être modulées par la vélocité (simple activation du contrôle pour la première, trois niveaux de vélocité pour la seconde). On trouve aussi un LFO capable de produire cinq formes d’onde classiques (rampe, dent de scie, triangle, carrée, S&H), avec une vitesse comprise entre 0,03 et 523 Hz (audio !), capable de se synchroniser à l’horloge globale. Il est assignable à la modulation du (des) oscillateurs(s) (en exclusion avec l’enveloppe de modulation) et à la fréquence de coupure du filtre. Un vibrato vient compléter les modulations (à vitesse et quantité réglables via le menu) avec délai fixe (trois valeurs) ou introduit par un contrôleur physique (molette ou pression). Les voix peuvent être jouées en polyphonie, en mono/legato (avec Glide possible dans ce cas) et à l’unisson sans réduction de polyphonie (avec trois niveaux de désaccordage). Enfin, le synthé intègre un arpégiateur, capable de produire 4 motifs (haut, bas, alterné, aléatoire) sur une à quatre octaves et redéclenchable (ou non) au clavier. Concernant la qualité sonore de cette section de synthé, elle est du même niveau que celle du Nord Lead A1, c’est-à-dire excellente (le lecteur AFien, s’il n’est toujours pas assommé à ce stade, pourra se reporter au test complet en suivant ce lien) et très supérieure au petit synthé incorporé dans les anciens Stage. Là, le sont claque, les textures sont très variées compte tenu du nombre de paramètres à disposition et le synthé fait jeu égal avec les autres sections sonores.
Effets musclés
Les claviers Nord n’étaient pas forcément les mieux placés au rayon effets. Avec les derniers modèles sortis sur le marché, cette période semble révolue. Le Nord Stage 3 est d’ailleurs un sérieux client dans ce domaine. Pour commencer, on trouve deux ensembles d’effets simultanés (un par Panel), constitués chacun de quatre multi-effets, un compresseur et une réverbe. On peut considérer les quatre multi-effets comme des pédales auxquelles on assigne l’une des trois sections sonores du Panel, de manière exclusive. Le compresseur et la réverbe s’appliquent à l’ensemble du Panel. S’ajoute à ces douze effets un effet de haut-parleur tournant, à partager cette fois entre les deux Panels (on peut lui assigner chaque Panel ou les deux en même temps). Pour activer ou assigner un multi-effet à une section, il suffit d’appuyer sur un sélecteur (un double-clic permet de s’affranchir de la fonction Shift et ainsi de garder une main libre), puis on visualise l’assignation avec les trois LED de contrôle.
Le premier effet propose six algorithmes : autopan, tremolo, modulation en anneau, wah wah, auto-wah 1 et auto-wah 2. On peut en régler la profondeur et la vitesse, cette dernière pouvant se synchroniser à l’horloge globale. Les effets d’auto wah se basent sur un suivi d’enveloppe d’amplitude pour agir en phase ; ils sont donc contrôlables en vélocité. Le deuxième effet peut générer six types de modulation : phaser de type Small Stone, phaser de type Bi-Phase, flanger, vibe (phaser + pitch-shifter), chorus léger et chorus épais. On peut en régler la vitesse et la quantité de modulation. Passons ensuite au troisième effet, consacré au délai ; il peut fonctionner en mono ou ping pong ; on en paramètre le tempo (avec fonction Tap et possibilité de synchronisation à l’horloge globale), le feedback (nombre de répétitions), le rapport sec/mouillé et le type de filtrage des répétitions (LP, HP ou BP). Le délai peut aussi simuler un écho à bande analogique, apportant une légère distorsion, un pitch variant avec le tempo et un filtrage plus chaud que le modèle numérique. Le quatrième effet est un simulateur d’ampli avec EQ à trois bandes. Il est tour à tour capable de modéliser un ampli Roland Jazz Chorus, le haut-parleur intégré au Wurlitzer 200A ou un ampli Fender Twin, le tout avec préampli à lampes. Il peut aussi fonctionner comme un filtre résonant quatre pôles en modes passe-bas ou passe-haut, utile à ceux qui voudraient faire résonner un son d’orgue ou de piano.
Le cinquième effet, global par Panel, est un compresseur assez basique, capable d’agir en mode lent ou rapide, avec simple réglage du niveau de compression ; il s’avère toutefois très utile sur scène, en particulier face à des batteurs ou guitaristes un peu bruts de décoffrage ! Enfin, le sixième et dernier effet, toujours global par Panel, est une réverbération capable de produire six ambiances de pièce : deux Room, deux Stage et deux Hall. On peut faire briller plus ou moins la queue de réverbe (simple réglage marche/arrêt) et doser le signal sec/mouillé. Rappelons ici qu’un certain nombre de paramètres d’effets sont modulables en temps réel via la fonction Morph. Au plan sonore, la qualité de ces effets nous a beaucoup plu. De même les choix d’algorithmes et de réglages nous ont semblé judicieux, compte tenu de l’orientation live de la machine. Un peu à part, le treizième et dernier effet est une modélisation de la cabine Leslie 122. Il offre une distorsion dosable en entrée, simulant l’overdrive de l’étage de préamplification. On peut alterner entre les vitesses de rotation lente/rapide du haut-parleur à l’aide d’un bouton ou d’une pédale externe. L’accélération (le temps de transfert) entre les deux vitesses est paramétrable via le menu. On peut aussi contrôler avec précision la vitesse du rotor via la fonction Morph, pour qui ne se contenterait pas des deux vitesses de base. Enfin, un mode Stop permet d’arrêter le rotor tout en continuant à faire passer le signal à travers la cabine. Une modélisation parfaitement maitrisée, indispensable à la section d’orgue mais tout aussi intéressante à expérimenter avec d’autres sons.
Relations extérieures
Avant de conclure, nous allons dire quelques mots sur les possibilités MIDI/USB de la machine. Bien évidemment, elle sait dumper ses mémoires programmes en Sysex, émettre/recevoir des CC MIDI pour l’ensemble de ses paramètres sonores, mettre à jour son OS et importer des échantillons internes (via USB) avec le logiciel Sound Manager (Mac/PC)…
Elle dispose également d’une section Externe, capable de piloter des modules sonores MIDI externes, avec le clavier et les contrôleurs physiques (si on le souhaite). Celle-ci est disponible dans chaque Panel avec son propre canal MIDI et est assignable aux différentes zones du clavier, tout comme les trois sections sonores.
Outre les notes MIDI, elle peut transmettre le volume (CC7), le numéro de programme (0–127, indépendamment du programme dans lequel elle est elle-même mémorisée) et un CC à définir (0–119). On peut décider si les valeurs initiales de ces paramètres sont envoyées au moment des changements de programme ou uniquement via l’encodeur dédié sur le panneau avant. Au plan du jeu, on peut sélectionner l’une des trois courbes de vélocité et la transposition d’octave qui seront transmises en MIDI. Un ajout très intéressant pour ceux qui pilotent des modules en live…
Taillé pour la scène
Au final, le Nord Stage 3 est un clavier de scène très bien pensé, aussi agréable à jouer qu’à écouter. Les différents moteurs sonores sont très soignés et s’avèrent tout à fait complémentaires. Qui plus est, ils passent à six instances simultanées. Les fonctions et commandes laissent la part belle à la performance live. Quand on commence à additionner la polyphonie, les zones de jeu, les possibilités de morphing et les effets empilables, on apprécie la puissance de feu. Le Nord Stage 3 est un instrument haut de gamme, construit sans concession. Le modèle 76HP « toucher lourd portable » que nous avons testé est un plaisir à jouer pour qui aime mettre des nuances extrêmes et un plaisir à trimbaler grâce à un choix de matériaux assurant solidité et légèreté. C’est un partenaire idéal pour la scène, conçu pour accompagner durablement le musicien pendant ses tournées. Nord fait une fois encore la preuve que l’on peut toujours progresser quel que soit son niveau d’expérience. Le Nord Stage 3 est une valeur sûre, qui mérite bien son Award 2017.
Tarif généralement constaté : 3 699 €
Nord Stage 3 Compact (73 touches) : 3 499 €