Régulièrement, et entre diverses extensions dédiées à d’autres sonorités, Modartt met à jour son logiciel de piano acoustique à base de modélisation. Voici donc Pianoteq version 5, ses améliorations et nouveautés.
Dans notre doux domaine de l’audio, de la musique et de l’audionumérique, on connaît les oppositions Mac/PC, les tenants des amplis guitares physiques et les thuriféraires des modélisations d’ampli, les fondus de l’orchestre virtuel et les inconditionnels de la vraie assemblée de musiciens, et les diverses guerres picrocholines entre défenseurs de ceci et pourfendeurs de cela. Sans compter ceux qui sont peut-être une majorité (je m’avance, attention aux horions…) et qui trouvent leur bonheur dans l’utilisation de techniques présentées comme opposées et qui seraient avant tout complémentaires, et surtout dépendantes du contexte, que l’on oublie souvent.
|
Dans ces oppositions se tiennent celles qui concernent ici notre article, dans les approches retenues afin de créer un piano acoustique virtuel, à savoir les solutions à base d’échantillons, celles utilisant des techniques hybrides (synthèse et échantillons, échantillons et modélisation, etc.) et celles n’utilisant que la modélisation. L’un des représentants les plus connus de la mise en œuvre de cette dernière est Modartt, éditeur du logiciel Pianoteq, dont la première version a été réalisée en 2006, et considéré selon les termes du marketing maison comme le « premier piano véritablement modélisé ».
On trouvera sur Audiofanzine les différents tests des précédentes versions (voir encadré). Voici la toute dernière, Pianoteq 5 (5.0.1 au moment de ce test).
|
Introducing Modartt Pianoteq 5
On obtiendra comme d’habitude le logiciel sur le site de l’éditeur, un téléchargement toujours aussi rapide puisque le fichier ne pèse que 36 Mo, qui gagne donc 16 Mo par rapport à la version 4 (20 Mo). L’instrument est vendu 399 euros (dans sa déclinaison Pro, 249 dans sa déclinaison et 99 dans sa déclinaison Stage). L’upgrade depuis n’importe quelle version précédente est vendu 29 euros (bravo), et la mise à jour d’une déclinaison Stage à Standard, ou de Standard à Pro, en coûtera 150. Et il faudra débourser 300 euros pour passer de Stage à Pro. Une politique tarifaire plutôt bien étudiée, notamment depuis les premières versions. Les déclinaisons offrent bien entendu des fonctionnalités différentes (voir sur le site de l’éditeur), et si l’on ne souhaite pas modifier son instrument, Pianoteq Stage est une solution idéale offrant toutes les autres spécificités du logiciel.
Le logiciel est compatible Mac, PC et Linux (un bon point pour l’éditeur) aux formats de plug-ins VST, AU, AAX et RTAS 64 bits, et sous forme d’application autonome (standalone). Nouveauté, on sélectionne lors de l’achat un pack sonore composé de deux pianos acoustiques (D4 et le nouveau K2), ou des pianos électro-acoustiques (Rhodes, Wurlitzer), ou des lamellophones (vibras, xylo, marimba). Les autres modèles, sous forme d’Instrument Packs pourront être achetés séparément (49 euros). On prêtera notamment attention aux magnifiques Schloss Kremsegg Collection #1 et #2, développées avec le musée autrichien du même nom, offrant de superbes pianos des XVIIIe et XIXe siècles (Kremsegg1 et Kremsegg2).
On téléchargera aussi les des Add-Ons gratuits KIViR et Bells, qui sont en train d’être mis à jour pour profiter des nouveautés de la version 5. KIVir offre de nombreux instruments historiques (clavicorde, clavecins, cymbalum, pianofortes, pianos et CP80), l’autre des tubular bells, des cloches et carillons.
Quelles sont les autres modifications apportées à Pianoteq dans sa version 5 ?
Dans le vif du sujet
Fidèle à son habitude, l’éditeur nous offre un nouveau modèle de piano entièrement fictif même si reprenant, selon Modarrt, les caractéristiques de plusieurs pianos différents, et baptisé K2, qui prend donc la place du K1 (les différents pianos sont en effet souvent remplacés d’une version à l’autre). On va donc procéder à une écoute approfondie de ce modèle (le terme n’a jamais aussi bien porté son nom).
Un des premiers grands avantages de la modélisation est sa gestion des nuances, qui ne montrent aucune disparité timbrale autre que celles naturelles, et ne fait entendre ni à-coup ni saut de vélocité. Le K2 n’y échappe pas.
Autre classique à rechercher, que l’on peut parfois obtenir avec les instruments utilisant des échantillons et une technique supplémentaire, la résonance sympathique. J’ai coutume d’utiliser cet exemple, dans lequel un accord est plaqué sans faire entendre les notes, puis sont jouées par-dessus différentes notes, qui sur un véritable instrument feraient entrer en vibration les cordes de l’accord muet par sympathie, puisque les étouffoirs desdites notes sont en position haute. Voici le résultat sur le K2.
Deux points sur lesquels les concurrents pur sampling ou hybrides n’arrivent toujours pas à lutter…
Autre comparaison possible, la gestion des écarts de dynamique, ici avec deux accords à des nuances différentes. D’autres tests (répétition d’une seule note, etc.) nous montrent que l’on dispose de 36 dB d’écart (±3 dB), ce qui correspond à peu près à l’écart que l’on peut trouver dans certaines conditions d’enregistrement d’un piano à queue (une moyenne, car il est évident que les graves sonnent plus forts que les aigus).
Cet écart n’est pas toujours rendu de façon très agréable. Par exemple, cet extrait avec le préset Studio Recording fait entendre le premier accord fff avec un contenu en fréquences résultant en un son et des résonances trop métalliques.
Profitons de ce préset pour faire entendre plusieurs exemples de re-pedaling, plutôt difficile à obtenir avec du pur sample.
Et ici un bel exemple de la capacité de l’instrument à reproduire le sustain et les résonances, avec un préset CloseMic.
Plus le ConcertRecording joué avec la pédale Una Corda.
Et le préset Under Lid, dans lequel les micros sont placés sous le couvercle (ouvert) donc proches des cordes et captant plus de résonances de la caisse, notamment dans les graves.
On va continuer avec quelques exemples plus musicaux, notamment cette pièce de Rimski-Korsakov, utilisant le (peu orthodoxe, mais j’aime bien le résultat…) programme Bass & PianoSplit.
Toujours dans la douceur, avec le programme Dreamy.
Autre ambiance sonore, ce boogie. Les trémolos ne passent pas ici aussi bien que sur les pianos à base de samples. Je vous laisse, je retourne les bosser…
Enfin, concernant le K2, un dernier exemple en jouant sur le réglage Condition, et en le plaçant presque au milieu entre Mint et Worn.
Autres changements, des améliorations annoncées des précédents modèles, c’est-à-dire les D4, Blüthner, YC5 et U4. On ne pourra pas les comparer tous, mais voici un même exemple joué sur le D4 ClassicalRecording du Pianoteq 4 et du Pianoteq 5 (il y a une très légère différence de volume crête entre les deux, mais celui qui entend 0,2 dB de différence me fait signe).
Bas médiums et graves sont moins soutenus, et à l’inverse (ce n’est pas juste un sentiment de balance spectrale modifiée), les aigus sont plus brillants, plus forts, notamment à partir de 3 kHz. On constate à l’usage que c’est une tendance de la nouvelle version.
Autre grand changement, la gestion des micros ; d’abord l’éditeur a modélisé de nombreux micros, que l’on reconnaîtra parfaitement de par leur appellation (et peut-être de leur comportement…) avec un réglage de compensation de l’effet de proximité (augmentation du bas du spectre plus on se rapproche de la source) et inclusion de nouvelles possibilités (notamment dues aux figures en 8). Ensuite, on peut modifier l’axe des micros utilisés (jusqu’à cinq simultanés, différents, indépendants ou liés), ce qui permet une très grande souplesse de « prise de son », puisque l’on travaille maintenant en trois dimensions.
Bilan
On pourrait quasiment reprendre la conclusion des précédents tests, mettant en avant toutes les qualités de la modélisation et donc de l’instrument Pianoteq, notamment le réalisme et le confort de la réponse au jeu ainsi que la qualité du comportement sonore du piano (résonance sympathique, réponse à la vélocité, pédales, génération des harmoniques, etc.).
Mais bizarrement, cette fois, le principal reproche fait à Pianoteq semble accentué, c’est-à-dire la faiblesse des graves, d’autant que les hauts médiums et aigus ont eux été légèrement renforcés. Mais peut-être dira-t-on qu’il vaut mieux avoir plus pour enlever, que pas assez. Certes. Demandons donc plus de graves pour la prochaine…
Il sera donc question de faire une balance raisonnée entre les qualités indéniables de la modélisation, inatteignables par les pianos à base d’échantillons, et les qualités de ces derniers, notamment dans la plénitude du son. Deux versions de démo de Pianoteq Stage et Pianoteq Standard sont disponibles sur le site de l’éditeur, n’hésitez pas à les essayer, peut-être que vos opinions sur les pianos virtuels changeront.
Téléchargez les fichiers sonores (format FLAC)