Pour la onzième fois, Native Instruments revient avec son bundle de référence compilant d'une part les produits sortis depuis la version 10, mais réservant aussi quelques nouveautés.
Le test vidéo
Évidemment, l’occasion était trop belle pour ne pas faire un gros ORLP dessus :
Mais que les aficionados du texte se rassurent avec ce qui suit.
Changement de gamme, de concept, de support et de prix
La première des nouveautés de cette Komplete tient dans l’offre même puisque la Komplete Select, qui était jusqu’ici un bundle offert avec l’achat de certains contrôleurs Native Instruments, peut désormais être achetée indépendamment de ces derniers pour 200 petits euros. L’initiative est excellente si l’on considère que les instruments et effets qu’elle intègre n’ont rien de produits de seconde zone : Drumlab est une excellente batterie virtuelle tout terrain, Massive et Monark sont parmi les meilleurs synthés du marché, Scarbee Mark I demeure LE Rhodes virtuel de référence (en attendant Keyscape), The Gentleman est à n’en pas douter un excellent piano et Vintage Organs propose une collection d’orgues électriques très polyvalente. À eux 6, ces instruments vaudraient déjà largement l’investissement de 200 euros, et vu qu’ils sont complétés par Reaktor Prism (synthé), Retro Machines (synthés samplés), West Africa (percus africaines), le compresseur Solid Bus Comp et le delay Replika, inutile de dire que si vous n’envisagez pas d’acheter du matériel NI avec lequel le bundle est offert, le jeu en vaut largement la chandelle même si beaucoup auraient sans doute préféré troquer le sympathique, mais trop pointu West Africa pour une basse Scarbee, un Session Horns ou un Session Strings sans doute plus utiles au quotidien…
Cette entrée de gamme est donc excellente, mais il s’agira de ne pas se réjouir trop vite puisque Native profite de la réorganisation de son offre pour augmenter de 20% les tarifs de la Komplete « normale » et de la Komplete Ultimate qui sont donc vendus aux prix respectifs de 600 et 1200 euros (au lieu de 500 et 1000). Il est clair que la hausse est conséquente. Toutefois, il faut le reconnaître : même à ces nouveaux prix, le rapport qualité/prix proposé par Native Instruments demeure l’un des plus exceptionnels du marché et si vous deviez vous équiper de produits concurrents, il y a fort à parier que vous devriez dépenser beaucoup plus pour disposer d’un bundle équivalent. Soulignons en outre que la politique de l’éditeur en matière de mises à jour est plutôt sympathique même si elle est discutable (voir encadré).
Terminons enfin ce tour d’horizon de l’offre Komplete en soulignant un détail révélé par Native en cours d’année, mais qui aura peut-être échappé à certains : désormais, la Komplete Ultimate ne contient plus l’intégralité des instruments virtuels de l’éditeur. C’est ainsi que les instruments orchestraux co-réalisés avec Soundiron et Audiobro ne font pas partie du pack même s’ils sont en partie représentés par le biais de versions allégées nommées Essential.
Bref, cette nouvelle mouture aura de quoi faire grincer quelques dents, d’autant qu’en dehors des produits publiés dans l’année et des Symphony Essential que nous venons d’évoquer, la seule vraie nouveauté se résume au synthétiseur Form… Et c’est tout ! Pas de Kontakt 6 ? Non. Pas de Guitar Rig 6 ? Non. Pas de mise à jour majeure pour aucun autre instrument ou effet ? Non. Déçu ? Oui, car rappelons-le, la sortie des versions 5 de Guitar Rig et Kontakt remonte tout de même à… novembre 2011 !
Et pourtant, cette satanée augmentation et ces petits rendez-vous manqués n’entament en rien la réputation de cette onzième Komplete, comme nous allons le voir en installant les 480 gigots de l’Ultimate sur notre disque dur carnassier. Surtout que Native nous réserve dès cette étape une chouette surprise.
Access granted
La bonne surprise tient dans l’apparition de Native Access, un nouvel installeur qui, une fois qu’il ne sera plus en beta, remplacera définitivement le bon vieux Service Center. Qu’est-ce qu’amène ce nouveau système ? La possibilité d’installer tout ou partie de la Komplete sans devoir passer par un disque d’installation puisque tous les logiciels et banques sont désormais téléchargeables. Ça n’empêche pas Native de fournir son Ultimate comme la Komplete avec un petit disque dur (d’où sans doute l’augmentation de tarif global, même si les version téléchargeables ne sont pas moins chères), mais c’est quand même bien agréable de pouvoir se passer de ce dernier pour installer un simple plug, tandis que la plus grande avancée apportée par le Native Access tient dans le système de mises à jour. Ce dernier permet enfin de mettre â jour tous les logiciels d’un coup, au lieu de devoir lancer un par un les installeurs comme avec le Service Center. Ce n’était pas faute de le réclamer depuis des années et Native l’a fait : Alléluia ! Curieusement, le logiciel ne permet pas pour l’instant de désinstaller le moindre élément de la Komplete, ce qui serait pourtant bien pratique, mais gageons que Native aura à cœur de changer cela prochainement. Une mention de ce que chaque mise à jour apporte serait également bienvenue et nous éviterait d’avoir à fouiner dans les forums de l’éditeur pour le savoir. Et on aimerait même avoir plus de latitude dans l’installation de certains contenus, comme la banque de base de Kontakt, qu’on aimerait pouvoir installer partiellement pour gagner de la place sur le disque dur (à quoi bon en effet installer les claviers et basses qu’elle propose quand on a mieux par ailleurs… À bon entendeur).
L’installation terminée, nous pouvons à présent nous pencher sur les nouveautés neuves, à commencer par les Symphony Essentials, ce qui nous donne l’opportunité de découvrir la version 5.6 de Kontakt.
Apportant pour l’essentiel de nouvelles possibilités au niveau du langage de script, cette dernière bénéficie d’une interface graphique légèrement remaniée pour se marier avec le flat design utilisé par le logiciel Komplete Kontrol. Autant le dire, ce petit coup de peinture est très loin de la refonte dont aurait bien besoin Kontakt et réussit même l’exploit de dégrader sensiblement l’ergonomie du logiciel qui était déjà très perfectible.
En effet, alors que jusqu’ici le clavier au bas du logiciel se colorait pour montrer où se trouvaient les keyswitches, un graphiste bien mal inspiré a cru bon de réduire cette coloration à des languettes de 2 pixels surplombant les touches pour mimer l’esthétique propre au Light Guide sur les claviers Komplete. Résultat : on plisse les yeux pour y voir, ce qui s’avère parfaitement contre-productif. Signalons pour rester sur le sujet que les polices utilisées par le logiciel sont toujours aussi ridiculement minuscules, posant de gros problèmes de lisibilité. Bref, ce coup de Ripolin qui ne concerne que la surface du logiciel (les interfaces de paramétrage des sons n’ont pas bougé) ne trompera personne et on espère franchement que Native aura à cœur de faire un travail de fond pour la version 6 du logiciel (voir encadré), car si Kontakt offre de remarquables possibilités et vous donne accès à de fabuleux instruments, il accuse vraiment son âge du côté ergonomique.
Qu’importe toutefois la facture du flacon, direction l’ivresse des banques avec les Symphony Essentials.
Astiquez les cuivres et sortez les cordes
Déclinaison des instruments orchestraux réalisés par Audiobro et Soundiron pour le compte de Native dans la gamme Symphony Series, les Symphony Essential sont au nombre de 5 : Woodwind Ensemble, Woodwind Solo, Brass Ensemble, Brass Solo et Strings Ensemble. Comme vous l’aurez noté, il n’y a pas de Strings Solo, ce qui demeure une lacune dans la Komplete même si la banque de Kontakt propose quelques patches qui peuvent dépanner, dont la plupart émanent de la collection Vienna Symphonic Orchestra.
Chaque volume des Symphony Essentials se subdivise en plusieurs instruments. C’est ainsi que pour les cordes, on pourra charger au choix les contrebasses, les violoncelles, les altos, les premiers et seconds violons, ou un patch mappant les différents pupitres sur tout l’étendue du clavier, ce qui s’avère pratique pour le jeu en live comme pour écrire rapidement des arrangements.
En termes d’interface, on est très proche des Symphony Series, avec bien évidemment moins d’options, mais l’esprit reste le même : un gros bouton central affecté par défaut à la molette du clavier permet de contrôler la vélocité des notes du pianissimo au fortissimo, tandis qu’on trouve juste en dessous des contrôles sur le son même : attaque, relâchement et, selon l’instrument, Tightness (qui permet de définir le début de lecture du sample pour avoir une attaque plus ou moins agressive), Brightness, Expression, Motion ou Vibrato (Motion étant le nom que prend le vibrato pour les ensembles).
Sous la fenêtre principale, un bandeau noir permet d’accéder aux différentes articulations et aux options de mapping, mais aussi à quelques scripts et leurs paramètres variant suivant les instruments : legato, répétiteur de note, arpégiateur, etc. On demeure loin de la sophistication qu’a pu atteindre le module Animator présent dans Session Horns Pro et Session Strings Pro, mais il y a de quoi se simplifier nettement la vie au quotidien. Sur les cuivres, le répétiteur de note qui permet de faire des TuTuuuuut, TuTuTuuuuut ou des TuTuTuTuuuuut est ainsi très pratique à utiliser même si, avouons-le, l’arpégiateur proposé par Soundiron sur les instruments à vent sonne bien souvent comme… un arpégiateur. Le mode trille est notamment loin d’être convaincant alors qu’il est très convaincant chez Audiobro (sans doute aussi parce que les trilles ont été samplées), tout comme leur mini-Animator.
Finissons ce tour d’interface en visitant l’onglet Effets qui rassemble un EQ, un compresseur, une réverbe à convolution et un filtre. Bref, une section d’effets de base, bienvenue et bien faite, mais sur laquelle il n’y a ni grand-chose à redire, ni grand-chose à dire d’ailleurs.
Reste à parler du son des instruments qui est excellent, tout autant qu’il l’était sur les Symphony Series déjà testées sur Audiofanzine vu que les samples proviennent des mêmes sessions. L’excellence n’étant pas toutefois au-delà de toutes critiques, soulignons que certains partis pris dans la réalisation de ces banques sont discutables. Ayant commencé mes tests par une flûte solo (pourquoi pas ?), j’ai été surpris par la jolie, mais très présente réverbération dont est baigné l’instrument. Me précipitant sur la section d’effets pour couper la réverbe ou du moins la diminuer, j’ai eu la désagréable surprise de voir qu’elle n’était pas activée ! Sachez-le donc : l’ambiance est très présente dans le mixage proposé dans ces versions allégées (surtout d’ailleurs sur les instruments Soundiron) sachant que, bien évidemment, vous ne pouvez pas jouer sur le dosage des micros. Cela ne gênera pas nécessairement celui qui veut faire de la symphonie wagnérienne avec tambour de guerre pour l’attaque des trolls, mais pour un quatuor à l’ambiance plus intimiste, on pourra sans doute trouver mieux. L’autre point négatif de cette réverbe très présente, c’est que les bois et cuivres réalisés par Soundiron n’ont pas été enregistrés au même endroit que les cordes réalisées par Audiobro, comme l’avait relevé Sleepless lors de ses tests. En résulte un manque de cohérence qui pourra s’avérer gênant pour que la sauce prenne. Avec un son offrant plus de proximité, on s’en serait sorti en envoyant le tout d’un bus de réverbe, mais rajouter de la pièce sur des sons proposant déjà beaucoup d’ambiance aura vite fait de s’avérer contre-productif. Reste alors le pis-aller de jouer sur le relâchement des samples, mais on porte alors préjudice au sustain de l’instrument sans pouvoir intervenir sur les réflexions précoces qui se trouvent en amont du son. Bref, ça tourne au casse-tête.
Voyez qu’il y a à redire, mais ces détails m’ont moins chagriné à l’usage que le choix des articulations retenues qui m’a semblé moins pertinent que sur Session Strings et Session Horns. Évidemment, les basiques sont là et bien là : Legato, Staccato, Spicato, Tremolo… Mais où donc sont passés les portamenti et autres glissandi pourtant plus essentiels que bien des articulations plus exotiques qu’on nous propose par ailleurs ? Ils sèchent les cours, les affreux ! Et c’est bien dommage, pour les cordes comme pour les vents. Tout comme il est dommage de voir que la plupart des articulations ‘évolutives’ comme les Crescendi, Sforzandi et autres sont proposées à un unique tempo fixe : à moins de faire un rendu audio et de faire de l’édition ensuite avec un Melodyne, elles sont donc difficilement utilisables dès que le tempo de votre projet ne se marie pas avec ces dernières…
En résulte une certaine frustration face à ces nouveautés qui, évidemment, donne envie de passer aux Symphony Series… ce qui est probablement le but de la manoeuvre. Et on sera d’autant plus tenté de le faire que sur les cordes d’Audiobro, on accède notamment à la gestion des Divisis qui change tout pour le réalisme. À voir si Native réussira son pari sur ce point, car pour le prix réclamé (pour les possesseurs de la Komplete 2–10, il faudra débourser 900 euros pour passer les cuivres, les bois et les cordes Symphony Essentials en Symphony Series), on pourra aussi être tenté d’aller voir ailleurs. En effet, même si on reste très en deçà des prix pratiqués sur des produits équivalents par Vienna ou Spitfire, ce ne sont pas les offres qui manquent dans ces prix-là, notamment chez ProjectSAM, Cinesamples ou encore 8dio pour n’en citer que trois parmi beaucoup d’autres. Chaque compositeur en quête de banque verra donc midi à sa porte, et lisant notamment les tests que nous avions consacrés aux Symphony Series Strings et aux Symphony Series Brass.
En marge de ce questionnement, l’autre grosse nouveauté de cette Komplete devrait mettre tout le monde d’accord. En tout cas, pour ce qui me concerne, il m’a mis tout le monde d’accord.
À fond le Form
En vis-à-vis des Symphony Essentials, la Komplete accueille donc désormais Form, un synthé pour Reaktor dont le look mélange habilement le flat design moderne et les couleurs des années 80 pour un résultat rétrofuturiste des plus convaincants. Mais bien évidemment, l’interface importe moins que le synthé qui se cache derrière et dont la grande force est de se situer à l’exact opposé d’un Absynth, un Massive ou un FM8 en termes d’expérience utilisateur. Comprenez qu’il est beaucoup plus simple à prendre en main que ces derniers, tout en étant amusant et diablement polyvalent. Bref : le synthé parfait pour ceux qui ne sont pas docteurs en traitement du signal, mais ont tout de même une libido de sound designer qui les chatouille les soirs de pleine lune.
Sorte de cousin éloigné de l’Iris d’Izotope ou du Granite de Sonic Arts, Form partage avec ces derniers l’idée de s’appuyer sur un sample unique que vous allez ensuite maltraiter à loisir. Une bibliothèque de fichiers prêts à l’emploi est évidemment de la partie, mais il est vivement conseillé de vous lancer avec n’importe quel fichier WAV dispo sur votre disque dur, dont le logiciel va extraire automatiquement la courbe de pitch pour s’en servir de base aux différents traitements.
L’interface se divise en une partie supérieure consacrée à l’édition et une partie inférieure consacrée au jeu. Commençons par la seconde qui se divise en 3 panneaux. Situé à gauche, Speed permet de définir la vitesse à laquelle le sample est lu, soit en multipliant ou divisant sa vitesse, soit en définissant une fréquence en Hz, soit en déterminant une division de note synchronisée au temps de l’hôte (1/4, 1/8, etc.). Rien qu’avec ce seul réglage, il y a de quoi expérimenter, car on se rend compte que bien ralenti, un son percussif se transforme en magnifique nappe tout comme l’inverse est vrai aussi.
Sur la droite se trouve le panneau Perform qui permet d’alterner entre 12 réglages pour un même son, ce qui permet de faire des choses très intéressantes en live, chaque réglage étant assigné à une touche du clavier. Mais le plus intéressant demeure le panneau Motion qui, au moyen de commandes relativement intuitives, permet de définir le comportement de la tête de lecture qui peut être linéaire comme cyclique et surtout complètement barré. En marge de presets relativement sages, on trouve des courbes beaucoup plus tortueuses tandis qu’un éditeur permet de définir des accélérations/décélérations et des boucles qui auront vite faite de réveiller le plus morne des fichiers WAV.
Et ce n’est pas fini, car la partie supérieure se divise quant à elle en 3 onglets : si Sample offre juste un aperçu du fichier chargé et permet de suivre ce que fait la tête de lecture, l’onglet Sound renferme quant à lui tout ce qu’il faut pour aller vers de la synthèse un peu plus évoluée. Trois générateurs vous attendent ainsi : Form OSC (ou Form fait référence aux formants); Additive OSC et OSC FX qui donne dans le Waveshaping et la FM, le tout étant complété par un filtre résonant multimode et, bien évidemment, une section de modulation. D’un point de vue ergonomique, la façon dont le logiciel gère les modulations est un modèle du genre : sous chaque potard, on peut ainsi assigner un ou plusieurs modulateurs et définir l’amplitude de la modulation.
Rien qu’avec cela, il y a de quoi s’amuser des heures et obtenir des choses extrêmement sages comme des choses beaucoup plus originales en partant des sources les plus variées. Précisons qu’une section d’effets complète l’arsenal avec un Waveshapper à deux bandes, un processeur de saturation, un compresseur, un delay et une réverbe. Last but not least, 4 boutons macros figurent au bas de l’interface auxquels vous pouvez assigner n’importe quel paramètre par le même système que les modulations. C’est très bien vu !
Bref, Form est la vraie bonne surprise de cette Komplete, et dans la mesure où il ne coûte que 100 euros, j’encourage ceux qui n’envisage pas d’acheter le bundle de NI à se ruer sur sa version d’évaluation pour se faire une idée. Je serais bien étonné de ne pas en voir craquer certains…
Reaktor, 6e du nom
Si l’on considère que les Symphony Essentials compte pour un, les nouveautés neuves ne sont donc pas légion dans cette version 11. Mais cela ne doit pas pour autant occulter les instruments sortis l’année passée et qui sont désormais intégrés au bundle, à commencer par sa Majesté Reaktor dont la version 6 vaut son énorme pesant d’énormes cacahuètes.
Pour ceux qui ne le connaîtraient pas, rappelons que Reaktor est un environnement de développement modulaire et graphique qui permet de bâtir tous types d’effets ou de synthés et qui, depuis la version 6, propose les Blocks, une couche supplémentaire en termes d’interface proposant une ergonomie et une philosophie beaucoup plus proche des synthés modulaires hardware. Concurrent d’un Max/MSP, PureData, Synthedit ou d’un AudioMulch, Reaktor permet ainsi au bricoleur virtuel de créer tout ce qui pourrait lui passer par la tête : Form, dont nous venons de parler, a d’ailleurs été crée avec Reaktor, tout comme la plupart des synthés et effets originaux qu’on trouve dans la Komplete : Monark, Prism, Razor, Polyplex, Skanner XT, Flesh, Kontour, Rounds, Molekular, The Mouth, The Finger. C’est vous dire la puissance du logiciel, à mille lieues du Modular de Softube qui, bien qu’il soit vraiment excellent dans son approche de la synthèse modulaire, n’offre pas le dixième des possibilités d’un Reaktor.
Or, ces merveilles ne sont que la face émergée de l’iceberg, car Reaktor vaut surtout pour sa grosse et active communauté qui propose des créations absolument renversantes dans tous les domaines, de la belle réverbe à l’émulation de violon en passant par quantité de gogogadgetoslicers. Allez par exemple voir du côté du français Boscomac pour vous faire une idée…
Et le pire, ou le mieux plutôt, c’est que la plupart des ces instruments et effets sont gratuits, de sorte qu’à travers Reaktor, c’est à des myriades de possibilités que vous accédez. Un indispensable ? À mon sens oui, au point qu’à lui seul, et parce que parmi les créations à venir, certaines ne fonctionneront sans doute qu’à partir de cette version 6, un logiciel qui peut justifier à lui seul de faire la mise à jour et dont vous pouvez lire le banc d’essai juste ici.
Or, Native nous fournit quantité de bonnes raisons de passer à la caisse.
Et le reste
Au rayon instruments pour Kontakt, la moisson est plutôt excellente également, puisqu’on a droit au Session Guitarist – Strummed Acoustic, qui nous avait paru après notre test être l’une des meilleures guitares acoustiques rythmiques du marché, mais aussi à Una Corda, l’un des rares produits à avoir obtenu la note maximale sur Audiofanzine… et par le pourtant exigeant Sleepless par-dessus le marché ! Il faut dire que le concept de base de l’instrument est complètement fou : construire un prototype de piano juste pour le sampler ! En résulte un instrument magnifique qui n’a pas d’équivalent et que je vous conseille fort d’aller écouter : il se pourrait bien que vous tombiez amoureux comme nous autres…
En marge de cela, les compositeurs de musique à l’image seront ravis de voir débarquer Emotive Strings, qui propose 28 Go d’arpèges joués par une section de cordes au grand complet et permet d’obtenir des résultats impressionnants en deux coups de cuillère à clic. A découvrir dans le banc d’essai que nous lui avions consacré.
Toujours à l’attention de ces derniers ou de ceux qui veulent s’aventurer dans la fusion World, Discovery Series : India vous emmène au pays des vaches sacrées avec des patterns de tablas, santur, bansuri et sitar de très belle facture.
Terminons avec les nouveaux effets : Replika XT, un delay multimode vraiment très créatif et musical et doté de suffisamment de personnalité pour ne pas avoir à rougir face aux références du marché que sont Echoboy ou Relayer, et Flesh, un effet/synthé capable de générer des parties mélodiques à partir d’une simple boucle de batterie dont nous avions publié le test juste à cette adresse.
Voyez qu’il y a de quoi faire, sachant que tout cela s’ajoute à un bundle déjà fort complet, ce qui ne le rend pas exhaustif pour autant.
Une banque vous manque…
Si impressionnante que soit cette Ultimate, elle n’en garde pas moins quelques lacunes que l’éditeur s’appliquera probablement à corriger au fil des versions. Nous mentionnions plus haut l’absence de cordes solo sérieuses, mais on soulignera également qu’il reste à faire du côté des basses (fretless, contrebasse jouée au doigt) et surtout des guitares : l’arrivée de Strummed Acoustic laissait croire que 2015–2016 serait l’année de la six-cordes mais on est toujours sans nouvelles d’une Strummed Electric (pourtant évoquée dans le manuel de Strummed Acoustic) et d’éventuelles guitares solo, tant électriques qu’acoustiques. Efimov, Vir2, AcousticSamples et Orange Tree Samples peuvent donc toujours dormir sur leurs huit oreilles de ce côté.
Même si le partenariat récent avec Soundiron, dont c’est l’une des spécialités, laisse présager le meilleur, on constatera aussi que Native n’a toujours rien à proposer de sérieux dans le registre vocal, que ce soit en solo ou en chorale. Et vu l’application que semble montrer l’éditeur pour occuper le terrain de la musique de film, ça manque…
Dans les petites choses, précisons enfin qu’il n’y a toujours pas d’harmonica, de banjo ni de koto dans cette Ultimate. Ce n’est pas tant que ces instruments manquent à beaucoup de monde, mais il sont à l’origine d’une belle incongruité : malgré ses 480 Go de samples, la Komplete ne couvre toujours pas les sons de la norme General MIDI. Amusant, non ?
Au-delà de ces manques, force est de constater que certains pans du bundle ont vieilli, que ce soit en termes de sons (là, c’est aux modélisations de Guitar Rig que je m’adresse, qui sont loin d’égaler celles d’Overloud, Scuffham ou encore Positive Grid, tandis que les basses et pianos électriques Scarbee gagneraient à se doter d’une vraie belle section d’effets), de fonctionnalités (on aimerait voir le clonage d’ampli débarquer dans Guitar Rig, tandis que les batteries Abbey Road auraient bien besoin d’un petit Tap2Find pour vraiment rivaliser avec EZdrummer ou Addictive Drums) ou d’ergonomie (Kontakt est très perfectible sur les plans de la lisibilité et de la navigation dans les différentes banques).
Bref, il y a encore du taf. Et c’est normal et c’est tant mieux sinon nous n’aurions aucune raison d’attendre la Komplete 12. Reste à présent à répondre aux questions habituelles : vaut-ce le coup d’acheter la Komplete 12, quelle édition, et vaut-ce le coup d’upgrader, de crossgrader, etc.
Vaut-ce ?
Pour faire simple, disons un oui global que chacun appréciera à sa juste valeur en fonction de sa situation. Pourquoi ? Parce que même avec ces 20% d’augmentation, l’offre de Native n’a aucun équivalent en termes de rapport qualité/quantité/prix chez personne que ce soit en entrée, en milieu ou haut de gamme. Et que je vois mal, en 2016, comment faire de la MAO en se passant d’une plateforme comme Kontakt (je veux dire, si vous utilisez des instruments virtuels, bien entendu). Bien sûr, il y a des choses extrêmement pertinentes chez UVI, chez Arturia ou chez Air Music, mais rien qui ne soit aussi complet que ces bundles. La Komplete se fait ainsi concurrencer sur le terrain des synthés, mais quand on cherche au-delà des synthés, une solution globale qui aille de la batterie à la basse électrique en passant par les cordes, les claviers, les cuivres ou les percussions, il n’y a personne en face. C’est regrettable, mais à l’heure où j’écris ces lignes, c’est ainsi. Donc oui, la Komplete vaut le coup.
Voyons maintenant les choses dans le détail.
Pour ceux qui n’ont aucun soft de Native Instruments, la Komplete Select vaut vraiment le coup pour 200 euros et pourrait ravir les fauchés dont les STAN sont un peu chiches du côté du bundle d’instruments (Studio One, Reaper, etc.). Toutefois, je ne saurais que trop leur conseiller d’économiser un peu plus (bon, trois fois plus, c’est vrai) pour se payer la Komplete tout court qui leur permet d’accéder à beaucoup plus d’instruments et d’effets d’une part, mais donne surtout accès à Kontakt et Reaktor, deux formidables logiciels qui sont, de mon point de vue, des indispensables aujourd’hui dans le monde du studio ou du home studio, et leur donneront accès à quantité d’instruments exceptionnels, dont un bon nombre gratuits. D’ailleurs, si seule la Komplete Select vous intéresse, pensez que cette dernière est fournie en bundle avec les contrôleurs de Native Instruments : si Maschine ou les claviers Komplete Kontrol S vous intéressent, la chose se réfléchit d’autant que l’entrée de gamme de ces deux produits se situe sous la barre des 400 euros. À vous de voir.
Komplete normale ou version Ultimate ? Le choix n’est pas si épineux dans la mesure où l’Ultimate a bien sûr beaucoup plus à offrir, mais que le budget n’est pas tout à fait le même. Lorsqu’on jette un oeil aux différences majeures entre les deux contenus, on s’aperçoit en outre que ce que l’on gagne avec l’Ultimate, ce sont surtout de gros instruments samplés, pensés pour le rock ou la musique à l’image, et quelques effets. Il m’est avis que ceux qui ne font que de la musique électronique pourraient tout à fait se contenter de la Komplete normale qui contient l’essentiel des synthés en dehors de Flesh, Razor et Skanner XT, en remplaçant les effets manquants par ceux de leur STAN et quelques freewares ou vraimentpascherwares qui feront parfaitement la blague. De ce point de vue, la question du crossgrade est la même : passer à une Ultimate si la seule chose qui vous intéresse sont les synthés n’est pas forcément ce qu’il y a de plus judicieux.
Évoquons à présent le cas plus complexe des anciens utilisateurs : si vous êtes le possesseur d’une vieille Komplete antérieure à la version 10, je vois mal comment ne pas vous inciter à faire la mise à jour, ne serait-ce que pour profiter de Reaktor 6 et des dizaines d’instruments supplémentaires que vous pourrez grappiller ainsi. À 200 euros pour la Komplete et 400 euros pour l’Ultimate, ça en vaudra certainement la peine.
Quant aux possesseurs de la Komplete 10, il s’agit de voir ce qu’ils valorisent en fonction de ce dont il disposent en banques de tierce partie : Reaktor 6 est bien sûr attractif, mais après tout, on peut faire toujours bien des choses avec Reaktor 5 tandis que l’ajout des Symphony Essentials ne fera pas lever le sourcil de ceux qui ont déjà investi chez des éditeurs spécialisés pour leurs besoins en cordes, cuivres et bois. Form semble génial, mais il ne semblera pas aussi excitant aux yeux d’un possesseur d’Izotope Iris 2. Et évidemment que tout le monde aimerait avoir Una Corda sur son disque dur, mais on peut sans doute patienter encore un peu avant d’en profiter.
Car c’est là le revers de la médaille de sortir cette Komplete 11 sans Kontakt 6 et avec une augmentation de tarif : certains y regarderont peut-être à deux fois avant de se payer l’upgrade, se disant qu’après tout, il serait plus sage d’attendre la Komplete 12 qui proposera vraisemblablement (du moins on l’espère) des changements plus majeurs. Bref, midi à votre porte : on y revient…
Finissons enfin avec un argument qui fera peut-être réfléchir certains : sans douter un instant de l’exceptionnel rapport qualité/quantité/prix du bundle, la question est de savoir si l’on fait mieux de la musique quand on a des milliers d’instruments et effets plutôt qu’une poignée. Gros utilisateur de la Komplete, j’avoue moi-même n’avoir jamais ouvert certains instruments ou effets qu’elle intègre, allant jusqu’à oublier qu’ils étaient là. Cette logique vaut toutefois pour l’équipement en général : combien de gens achètent tel ou tel synthé qui vient de sortir alors qu’ils n’ont même pas exploré le dixième des possibilités du DX7 qu’ils avaient acheté il y a 30 ans…
Et c’est d’ailleurs tout l’intérêt du logiciel Komplete Kontrol pensé pour les claviers du constructeur, mais utilisable par tous les utilisateurs de la Komplete. En donnant un accès direct aux presets par le biais d’une recherche multicritère, il nous permet de découvrir simplement des sons que nous n’avions jamais encore entendus, donnant un accès instantané à la richesse de cet abyssal bundle.
Conclusion
Même si cette version 11 n’apporte aucun changement majeur en dehors de Reaktor 6, même si on espérait voir des mises à jour de Kontakt et de Guitar Rig, même si Native profite de cette édition pour gonfler de 20% ses prix, et même si, à notre grand regret, l’éditeur ne propose plus de bundle qui compile vraiment l’intégrale de ses instruments et effets, il faudrait être de bien mauvaise foi pour ne pas accueillir avec enthousiasme cette onzième version de la Komplete. Le rapport qualité/prix est phénoménal et n’a d’égal que le rapport quantité/prix. En d’autres mots, il y a énormément de choses dans cette Komplete et rien qui ne soit vraiment à jeter, de sorte que quelle que soit l’édition qui vous intéresse, l’affaire vaut diablement le coup.
Certes, Native a encore des progrès à faire sur certains pans de son offre et en fonction de leurs besoins comme des leurs équipements, tous les anciens utilisateurs ne se rueront pas forcément sur cette mise à jour. Mais on voit mal cette année encore qui pourrait remettre en question la suprématie de ce bundle : pour faire de la MAO, il existe bien des choix dans les ordinateurs, les interfaces audio, les séquenceurs ou encore les enceintes de monitoring. Mais à l’heure de choisir un pack d’instruments et d’effets virtuels qui soit polyvalent et de qualité, la Komplete est encore loin d’être inquiétée par une quelconque concurrence. C’est ce qui s’appelle être un leader.