Cela fait plus de 20 ans que Samplitude existe et, en dépit de nombreuses qualités, il n'a jamais réussi à se hisser au même rang de popularité que ses concurrents. Voyons si cette version X2 saura changer la donne.
Si les utilisateurs de Samplitude ne tarissent pas d’éloges à son égard, le logiciel de Magix n’en demeure pas moins un éternel challenger à la diffusion confidentielle : lors du sondage que nous avions consacré aux STAN il y a de cela deux ans, il arrivait à la dixième place de notre classement, avec 3% des votes seulement. Ce manque de notoriété est d’autant plus inexplicable que le logiciel est depuis toujours réputé pour sa fiabilité, qu’il semble ne manquer de rien pour l’essentiel et qu’il regorge d’idées excellentes, voire révolutionnaires. A l’intention de ceux qui ne se seraient jamais penchés sur son cas, laissez-moi dresser brièvement le portrait de ce vieux de la vieille.
Comme Samplituuuude, on fera l’amuuur
Initialement développé sur Amiga puis porté sur PC, Samplitude fut, avec Pro Tools, l’un des premiers logiciels à permettre l’enregistrement audio multipiste. Mais ce n’est pas tant pour son grand âge qu’on s’y intéressera, plutôt que pour ses excellentes idées.
Le grand coup de génie de Samplitude depuis ses débuts et ce qui fait sa singularité réside dans le fait que la production y est orientée objet. Laissez-moi vous expliquer : dans Samplitude, un objet est ce qu’on a coutume d’appeler clip ou conteneur dans d’autres STAN, soit un segment contenant des données audio ou MIDI. Mais là où Samplitude va beaucoup plus loin, c’est que chaque objet dispose de ses propres traitements et de sa propre automation en plus de ceux de la piste. Sur un seul segment audio, vous pouvez avoir des Inserts, des Send, une EQ, des automs mais aussi un tempo ou un pitch qui seront différents du segment suivant sur la même piste, piste qui a donc, quant à elle, ses propres inserts, sends et automations. De la sorte, l’organisation du mixage comme de l’editing gagne en profondeur et on n’a pas nécessairement, comme dans les STAN concurrentes, besoin de dupliquer des pistes pour faire des choses relativement complexes. L’idée est absolument lumineuse au point qu’une fois qu’on y a goûté, il est bien dur de s’en passer, car elle simplifie grandement la production audio, que ce soit pour la production musicale ou le son à l’image. Et bien que certains se soient inspirés de cette fonction (Tracktion et Studio One permettent notamment de gérer des inserts de clip audio, tandis que le Clip Gain de Pro Tools permet une automation de volume pour chaque clip), aucun concurrent n’est jamais parvenu à proposer quelque chose d’aussi complet dans cette approche orientée objet.
Tout aussi intéressante, la façon dont le logiciel aborde le comping va beaucoup plus loin que ce que proposent les concurrents par le biais des ‘Revolver Tracks’. Comme tout le monde, Samplitude permet ainsi de créer une piste composite à partir de plusieurs pistes, mais là où ça devient intéressant, c’est qu’il est possible de mémoriser différents composites, et de faire du composite de composites ensuite. Encore une fois, et comme pour les objets audio, la tâche d’editing gagne en profondeur, en puissance.
Parmi les autres excellentes idées qu’on aimerait voir ailleurs, on citera encore le rendu ’Comparisonics’. Grâce à ce dernier, toutes les formes d’ondes présentes dans la fenêtre d’arrangement affichent non seulement des informations sur la dynamique du signal, mais aussi sur son contenu spectral : plus un son est grave, plus il est sombre ; plus il est aigu, plus il est clair. Voici une vraie bonne idée qui permet de distinguer du premier coup d’oeil le kick de la caisse claire dans un groove de batterie, et de différencier à vue de nez une piste de basse d’une piste de guitare. Et comme si cela ne suffisait pas, Samplitude propose même un mode spectrographique qui permet d’afficher des infos plus précises encore sur le contenu spectral, et de faire de l’édition en fonction grâce à des outils dédiés.
Pour vous dire tout le bien que je pense de Samplitude, je pourrais encore vous parler du fait qu’il fut le premier à intégrer une réverb à convolution, un EQ de type FFT, ou encore des outils de restauration audio aussi avancés qu’efficaces. Or, ce n’est pas de Samplitude en général qu’il convient de parler, mais bien de sa version Pro X2.
Avant de nous jeter sur l’installation, précisons toutefois que le soft n’est hélas disponible que sur PC, le projet de portage sous Mac prévu par Magix ayant été avorté. A la suite de cet article, vous trouverez une interview avançant les raisons de cet abandon, auquel je me permets d’ajouter un commentaire : depuis qu’Apple propose son gargantuesque Logic Pro à 200 euros, le marché du Mac pour les développeurs de STAN est devenu un terrain miné où il est bien dur de gagner de l’argent tout en restant compétitif : personne ne peut s’aligner face à Apple, à moins d’avoir un positionnement très différent comme celui d’Ableton, Native Instruments ou d’Image Line. De fait, cet abandon du portage n’a rien de très étonnant, tout comme la fait que Sonar ne semble toujours pas prêt à montrer le bout du pixel sur les machines à Pomme en dépit de rumeurs sur le sujet, et que des marques pourtant historiquement liées au Mac, comme MOTU, décident finalement de tenter l’aventure PC…
Fermons donc cette parenthèse et intéressons-nous à Samplitude Pro X2, 13e mouture du célèbre logiciel, et en particulier à la version Pro X2 Suite que nous avons déployée sur nos disques durs friands d’octets.
L’installation de la version téléchargée n’est pas bien compliquée puisqu’après avoir récupéré la démo de Samplitude, il suffira de l’autoriser via un numéro de série pour débloquer les fonctions du logiciel et rapatrier les contenus et plug-ins additionnels. Au nombre de ceux-ci, le sampler virtuel Independence refuse toutefois de s’installer. Après plusieurs tentatives infructueuses, on s’apercevra que le problème est tout bête : le programme tente d’installer les versions 32 bit et 64 bit du plug-in dans le même dossier et il suffit de lancer l’installeur autonome d’Independence pour lui indiquer les bons dossiers et achever l’installation. Le bug n’est pas méchant, mais il n’en reste pas moins une bien curieuse façon d’accueillir l’utilisateur dont la carte de crédit vient a priori de se faire débiter de 600 euros. On est d’autant plus surpris lorsqu’on découvre dans le menu Démarrer et dans le panneau de configuration que Magix s’est en outre permis d’installer en douce les logiciels Xtreme Print Center qui, comme son nom l’indique, sert à imprimer, et Magix Speed BurnR qui sert à graver des CD et des DVD… et qui, notons-le, ne se désinstalle pas lorsqu’on désinstalle Samplitude.
Bref. Passons sur ce point et lançons le logiciel.
Le même, mais en pareil
En termes de look, cette version X2 ne dépaysera pas les utilisateurs de la précédente mouture, vu que le design de l’interface n’a absolument pas changé, tout comme le moteur graphique. Magix ne semble en effet pas avoir modernisé ce dernier et à l’occasion, on observe des scintillements d’écran lors des défilements de la table de mixage, des bouts d’interface qui disparaissent puis réapparaissent et même quelques lags lors de déplacements de certaines fenêtres un peu chargées… Rien de bien méchant dans la mesure où cela n’entrave jamais la bonne marche du logiciel, mais à l’heure où la concurrence se met au vectoriel et aux interfaces accélérées via GPU, on espère que Magix se penchera sur la question pour la prochaine version et en profitera pour moderniser un peu les nombreux menus et fenêtres de configuration du logiciel dont le design accuse un certain âge. A l’occasion, précisons qu’il y a plus d’une typo qui gagnerait à être grossie ou plus contrastée pour améliorer la lisibilité des paramètres.
Passons toutefois sur ces détails qui n’ont rien de nouveau pour nous pencher sur les ajouts de cette treizième version, à commencer par les faders VCA.
YVCA ?
VCA signifie Voltage Controled Amplifier et renvoie à une fonction assez ancienne des tables de mixage physiques grâce à laquelle plusieurs faders peuvent être pilotés par un fader unique. Comme lorsqu’on envoie plusieurs pistes dans un bus, me direz-vous. Non, répondrai-je, car la chose est bien différente : ici, il n’y a pas de transit du signal audio, et donc aucune sommation ni aucun traitement commun. Il ne s’agit vraiment que de piloter le fader de volume de plusieurs tranches en même temps. Une fonction très utile donc (on peut vouloir maintenir l’équilibre entre plusieurs pistes sans pour autant vouloir les faire passer dans un bus) et qui s’avère très bien intégrée dans cette version Pro X2 vu qu’elle est très simple à mettre en oeuvre : un menu contextuel permet de définir sur chaque tranche s’il s’agit d’un fader VCA maître ou encore si le fader doit être asservi au fader d’une tranche. Bref, un ajout bienvenu et qui permet à Samplitude de rejoindre le petit cercle des STAN proposant cette très intéressante fonction (Cubase l’a intégrée récemment et Pro Tools la propose depuis des lustres).
Toujours au rayon mixage, le soft permet aussi de gérer plusieurs sorties par tranche, ce qui, là encore, peut s’avérer très pratique dans plusieurs contextes. De façon très simple, une même piste peut ainsi être envoyée vers plusieurs sorties physiques ou plusieurs bus, ce qui ouvre bien des perspectives en termes de traitement parallèle, mais aussi pour gérer avec plus de souplesse, par exemple, les retours musiciens au moment de l’enregistrement.
Précisons enfin que la gestion des automations a été nettement améliorée, avec la possibilité par exemple de transférer des automations de l’objet vers la piste lorsque c’est possible. Avec les VCA et les sorties multiples, cette seule fonction pourrait décider les possesseurs de versions précédentes à se payer la mise à jour.
Or, cette version X2 a encore bien des choses à proposer, et notamment, une gestion plus fluide des plug-ins d’effets depuis la table de mixage du logiciel. Certes, sur ce point, Samplitude comble plus son retard sur la concurrence qu’autre chose, mais il n’en demeure pas moins que le fait de pouvoir réorganiser le chaînage des plug-ins d’un simple drag & drop, ou encore de déplacer/copier un plug-in et tous ses réglages à la pointe du mulot simplifie la vie. Il reste encore du progrès à faire toutefois : on aimerait ainsi que le logiciel nous indique visuellement durant le drag & drop qu’on est effectivement en train de déplacer un objet (au moyen d’un rectangle désopacifié par exemple comme cela se fait partout ailleurs), mais on regrettera surtout de ne pas pouvoir remplacer un plug-in déjà inséré. Quand vous essayez de le faire, votre ancien plug-in reste à sa place et le nouveau s’ajoute et, malgré mes essais, je n’ai pas trouvé d’autre moyen pour remplacer un plug que supprimer le premier pour ensuite ajouter le deuxième et modifier ensuite le chaînage pour obtenir ce que je voulais. J’ose vraiment espérer que, sur ce point, je suis passé à côté d’un raccourci clavier paumé au fin fond du manuel, même si, hélas, tout laisse à penser que la chose n’a pas été prévue. Ce petit manque n’est toutefois pas le plus déroutant du point de vue ergonomique, comme nous le verrons.
Et puisque nous en sommes aux plug-ins, faisons le tour des nouveautés du côté des traitements et instruments virtuels.
Pleuguines
La chose relève sans doute plus de la mise à niveau qu’autre chose, mais il convient de préciser que le logiciel gère enfin les plug-ins VST3, ce qui est opportun vu que Steinberg a annoncé, il y a quelques mois, qu’il abandonnait le support de la norme VST 2. Au nombre des mises à jour, on notera également l’intégration de l’élastique Pro V3, l’algorithme de Time Strecthing/Pitch Shifting de zPlane. Si l’on saluera cette évolution, on regrettera toutefois que Magix n’ait pas choisi d’intégrer Melodyne comme le font désormais Studio One, Sonar, Tracktion (et bientôt Reaper), vu que les algo de Celemony ont bien d’autres choses à offrir (Démixage avec Melodyne Editor notamment). Pour compenser, Magix nous présente une fonction qui m’a paru plus anecdotique qu’autre chose : la possibilité de répercuter l’édition du pitch d’une piste sur d’autres. A quoi cela peut-il servir ? A gagner du temps lors de l’editing de choeurs, avance Magix comme exemple. Personnellement, je n’ai pas vu l’intérêt de la chose : à supposer que vos choeurs chantent exactement la même chose que la voix lead (et non pas une tierce ou une quinte), le fait même que la chose émane de prises différentes, voire de voix différentes oblige à faire le calage du pitch et du placement au cas par cas sous peine de se retrouver avec des artefacts. Seul cas où la fonction me semble pertinente : la prise de son d’un même instrument avec plusieurs micros (une guitare par exemple).
Évoquons pour finir les nouveaux instruments virtuels : le synthé DN-e1 est un petit analo aux réglages simples qui n’en demeure pas moins assez polyvalent. Ce n’est certes pas un Diva, mais il rendra bien des services à l’occasion. Pour l’accompagner, outre les anciens instruments plus ou moins réussis, on a aussi le droit à une ribambelle de plugs issus de la série Vita et qu’on peut d’ailleurs acheter au prix de 30 euros l’unité ou acquérir pour certains via les logiciels d’entrée de gamme de Magix. Des ajouts bienvenus dans la mesure où tout cela ne sonne pas si mal de prime abord, mais dont on en verra tout de même vite les limites.
Pourquoi ? Parce que proposer une batterie virtuelle ou un piano électrique dépourvus de Round Robin avec peu de niveaux de vélocités (et sans possibilité d’avoir des sorties multiples concernant la batterie), c’est souffrir de la comparaison avec ce que l’on trouve chez la concurrence, qu’elle s’appelle Cakewalk, Steinberg ou Apple. Et c’est bien dommage car il y a de bonnes choses dans le lot :
- dna1 00:20
- morceau 00:43
- organ 00:13
- rhodes 01:29
- roundrobinvelocite 00:13
- strings 00:13
Heureusement, Independence et ses Go de samples sont là pour rattraper le coup dans la version Suite. On y trouve des choses sonnant vraiment bien (Yellow Tools oblige) même si, là encore, le logiciel accuse son âge tant ergonomiquement, fonctionnellement qu’au niveau de la simplicité à produire des pistes réalistes sur certains instruments : Independence ne gère notamment aucun scripting comme le font MachFive, HALion ou Kontakt, et comme il n’a plus fait l’objet de mise à jour majeure depuis 2009 et ne reçoit le soutien d’aucun éditeur de tierce partie, on a cette désagréable impression d’un soft un peu à l’abandon… S’il s’agit clairement de l’instrument virtuel le plus intéressant qui soit livré dans ce bundle, on se gardera bien d’en faire un argument d’achat.
En marge de cela, Samplitude est en revanche toujours aussi exemplaire du côté des traitements audio, offrant l’un des meilleurs bundle du marché, notamment en ce qui concerne la restauration pour la version Suite. De l’édition spectrographique évoquée plus haut au denoiser à profil de bruit en passant par le declipper, le declicker et l’enhancer fourni, il y a de quoi faire. Les traitements plus conventionnels ne sont pas non plus oubliés, et présentent tous la même excellente qualité (bon nombre d’entre eux sont d’ailleurs signés Sascha Eversmeier qui les avait réalisés avant de rejoindre… U-He).
Last but not least, précisons qu’un accordeur est maintenant de la partie ainsi qu’un analyseur de Loudness à la norme EBU R128 (Version Suite uniquement, tout comme la suite de restauration, certains effets, Independence et un certain nombre d’instruments Vita).
Reste à parler enfin des nouveautés du côté de l’ergonomie… et des vieux démons du soft.
Complexe ou compliqué… ou les deux ?
Magix profite de cette version pour améliorer son système de docking qui s’avère assez satisfaisant : lorsqu’on déplace une fenêtre, elle peut soit rester flottante soit être glissée sur une croix qui s’affiche en surimpression au centre de l’écran. En fonction de la direction sur laquelle on l’aura déposée, la fenêtre viendra alors s’arrimer en haut, en bas, à gauche ou à droite de l’écran. Le système est évidemment intéressant, mais il n’empêche pas de se sentir à l’étroit sur un 27 pouces. Mieux vaut donc disposer de deux écrans pour travailler confortablement, ce qui est hélas le cas pour beaucoup de STAN.
Dans les choses intéressantes, on dispose également d’une fonction ‘Jump to peak value’ qui sera bien pratique pour vérifier un enregistrement qui aurait eu tendance à saturer et faire le nécessaire. Plus précieuse encore, on citera la possibilité de customiser les barres d’outils, histoire de se mettre les commandes les plus importantes en évidence.
Une fonction d’autant plus salutaire que le soft garde un défaut qui lui colle à la peau depuis belle lurette : il est bavard et bordélique au niveau de ses menus, sous-menus et de ses interfaces qui, soit dit en passant, ne sont pas toujours traduites dans le meilleur français qui soit, comme le manuel d’ailleurs. Entre les options qui ne servent pas à grand-chose (dans les options MIDI, on trouve tout de même un réglage de synchronisation MIDI/Audio dont la valeur par défaut est fixée à 50%… Pourquoi ? Est-il vraiment envisageable que l’utilisateur ne souhaite pas que l’audio et le MIDI ne soient pas parfaitement synchros ?), des clics droits permettant d’accéder à une petite centaine de commandes et des interfaces indignes de progiciels bancaires d’il y a 15 ans, on se sent noyé par une complexité le plus souvent gratuite.
Rien que sur l’éditeur d’objet, point pourtant central du logiciel, les maladresses ergonomiques s’accumulent. Sur les Inserts de l’objet, c’est un clic gauche qui permet d’accéder aux plug-ins. Alors que sur les Envois auxiliaires, c’est un clic… droit ! Et encore, ça dépend où, car si vous cliquez droit sur la case qui affiche la valeur de l’envoi, selon qu’elle sera pleine ou vide, elle vous donnera accès à des commandes Unicode (activer les formes arabes, désactiver les formes symétriques, substitution des formes de chiffres nationales) ou au choix d’habillage graphique de l’éditeur d’objet. Vous ne comprenez rien à ce que je viens d’écrire ? Moi non plus. Et c’est loin d’être la seule chose incompréhensible dans cette interface pourtant centrale du logiciel. Il faut le voir pour le croire… Visionnez d’ailleurs la vidéo jointe à cet article et qui s’avère relativement édifiante sur ce point.
Du coup, toute la simplicité qu’offrent les concepts révolutionnaires de Samplitude semble se diluer dans des interfaces mal foutues et il faut s’accrocher au copieux manuel pour comprendre parfois la logique qui a présidé à cette organisation… pour peu qu’il y en ait une. C’est extrêmement décevant et annihile une bonne partie des a priori positifs qu’on avait sur le soft. On a l’impression, en définitive, d’avoir un moteur de Ferrari dans une 2CV rafistolée, et que le soft est inutilement compliqué. Pour un outil destiné à la création, c’est un tantinet ennuyeux, car toute l’énergie que l’on passe à comprendre une interface ou à la manipuler, c’est une énergie que l’on perd pour prendre les décisions et rester concentré sur la partie plus créative. Les fans de Samplitude me diront qu’on s’y fait et qu’une fois trouvées ses marques, on est efficace et que le soft est absolument génial, que ses spécificités valent bien qu’on passe au-dessus de ce genre de détails. Certes, certes. Mais si je ne doute pas que ces derniers seront ravis des nouveautés offertes par cette version X2, on peut sans trop de peine parier que le côté rustique du logiciel rebutera plus d’un nouvel utilisateur qui ira voir la concurrence et y trouvera un meilleur accueil.
Cela est d’autant plus vrai que Samplitude, tout en proposant certaines choses que les autres ne proposent pas, n’en est pas moins frappé de certaines lacunes. Ainsi, le logiciel ne gère toujours pas de sortie Mono, ni la possibilité de dupliquer des pistes, tandis qu’il est impossible également de colorer les tranches de la console, de faire des combis d’instruments et de plug-ins comme dans de nombreux logiciels désormais, ou de se connecter à des services de stockage dans le cloud… 4 ans après la sortie de Windows 8 et à quelques semaines de Windows 10 tandis que les tablettes sous iOS ou Android ont connu un succès massif, le tactile n’est pas non plus à l’ordre du jour, cependant que certains plug-ins fournis sont toujours en 32 bits… Et où sont les macros qui simplifient la vie, le navigateur de presets et de fichiers gérant les attributs ?
Bref, si l’on comprend tout à fait que Magix ait renoncé au portage de Samplitude pour Mac, on attend du coup qu’il se passe un peu plus de choses sur la version PC pour que le logiciel puisse faire le trou qu’il mérite sur le marché. C’est d’autant plus important que même en ayant réajusté ses tarifs qui étaient bien trop élevés, Magix n’est pas le plus agressif qui soit : comptez 400 euros pour la version Pro X2, et 600 pour la Pro X2 suite, les mises à jour étant proposée à 200 euros et 300 euros.
Bref, il y a du boulot pour la version Pro X3 : c’est rien de le dire…
Conclusion
C’est avec un sentiment mitigé que l’on conclura ce banc d’essai. Bâti autour de la révolutionnaire idée des objets audio, stable et bardé de traitements de grande qualité, Samplitude ne manque a priori de rien ou presque pour rencontrer le succès, à plus forte raison quand son prix de vente est autrement plus raisonnable qu’il ne l’était autrefois.
Hélas, bien des détails agaçants viennent gâcher la fête : outre un moteur graphique poussif, l’ergonomie de nombre de ses interfaces fait bien pâle figure face à ce que proposent ses concurrents, fussent-ils moins chers, et donne l’impression que le logiciel n’a jamais le souci de faire simple et rationnel. Cette complexité est le propre d’un outil professionnel, pense-t-on de prime abord avant de se rendre à l’évidence : c’est plutôt le fait d’un logiciel qui a besoin d’une grosse refonte ergonomique et pas seulement d’un nouveau design, de trois icônes et de 15 nouveaux sous-menus. C’est d’autant plus rageant que l’on adore le logiciel que Samplitude pourrait être… mais qu’il n’est pas. Et le problème, c’est qu’en face, la concurrence est rude. Rude au point d’avoir intégré certains points forts de Samplitude, rude au point d’en proposer bien d’autres que lui ne propose pas, pour des prix parfois inférieurs.
Dans ce contexte, si cette mise à jour est recommandée à tous les aficionados du soft qui y gagneront des fonctions bien pratiques (VCA, Multi Out, etc.), et si malgré tout, le concept des objets audio pourrait bien séduire quelques courageux qui sauront passer au-dessus de bien des maladresses ergonomiques, on comprend également que Samplitude, dans cette version Pro X2, n’est pas encore prêt de sortir de la confidentialité qui est sienne depuis de nombreuses années. À bon entendeur…
ITW de André Standke, responsable du management des produits audio, par Géry
Géry: Bonjour, pouvez vous vous présenter et définir votre fonction au sein de la société MAGIX ?
AS: Je m’appelle André Standke, je travaille depuis 11 ans chez MAGIX et suis responsable du management des produits audio. Ayant été responsable du développement technique de Samplitude et Sequoia pendant des années, les logiciels audio professionnels me tiennent beaucoup à cœur.
Géry: Quelle est l’équipe constituée autour du développement de Samplitude ?
AS: Le siège social et les équipes qui en dépendent, comme le management, marketing et design, se trouvent à Berlin. En revanche, le centre de développement se situe depuis le début à Dresde. C’est exactement il y a 25 ans que les deux étudiants en informatique, Titus Tost et Tilman Herbeger, ont écrit les premières lignes de code pour Samplitude. 25 ans plus tard, nous sommes vraiment fiers.
La plupart des développeurs qui ont rejoint MAGIX travaillent depuis des années à la conception de nouvelles idées et nouveaux produits. C’est aussi le cas pour nos programmeurs audio qui s’occupent non seulement des logiciels grands publics, mais aussi des produits professionnels, Samplitude et Sequoia. La plupart d’entre eux possèdent des connaissances musicales, jouent dans un groupe ou produisent leur propre musique. Selon moi, cette passion pour la musique est un élément clé pour le développement de logiciels audio de grande qualité.
Géry: Pour quelles raison avez vous décidé d’abandonner le développement sur Mac ?
AS: Nous avons longtemps voulu offrir Samplitude pour Mac et nous avons aussi passé beaucoup de temps à accomplir ce but. Mais les résultats n’ont pas réellement satisfait nos exigences. Le futur montrera si les produits pro d’Apple ont une chance ou si les logiciels vont simplement devenir une sorte de complément bon marché des produits hardware. Mais en attendant, il est déjà très facile d’utiliser des logiciels pour Windows sur Mac à l’aide d’émulateurs ou Bootcamp. D’ailleurs, l’ordinateur que j’utilise chaque jour et sur lequel tous les logiciels MAGIX fonctionnent parfaitement est aussi un Mac (rire).
Géry: Samplitude Pro X2 est sorti depuis quelques mois maintenant. Quelles sont les fonctions les plus novatrices dans cet upgrade ?
AS: La flexibilité de Samplitude est extrêmement importante selon nous. Avec la nouvelle version, tous les effets peuvent être routés librement et déplacés par drag & drop et il est possible d’associer les pistes à plusieurs sorties. En plus des éléments clés pour le travail quotidien, comme le support des plug-ins VST3 et l’excellent élastique Pro V3 Time Stretching de zplane, il y a aussi des fonctions spéciales qui ont été intégrées, telles que les Fader VCA, Elastic Audio pour plusieurs pistes ainsi que de nouveaux instruments VST. La nouvelle version présente aussi de nombreuses améliorations de l’interface, par exemple les onglets pour projets ou les barres d’outils individuelles. En plus des différences connues, la version Suite de Samplitude Pro X2 offre plus d’instruments ainsi que le Loudness Metering conforme EBU R128 et une fonction True-Peak-Limiter. La suite Cleaning & Restoration est également contenue dans ce bundle.
Géry: En quoi vous considérez que votre logiciel est différent des autres ?
AS: Samplitude est extrêmement flexible et il n’y a presque aucune chose qu’on ne puisse pas faire avec. Depuis le début, le logiciel a été conçu pour le traitement d’objets audio ou MIDI. Cela a l’avantage de pouvoir mettre des effets en temps réel sur des objets, laisser calculer des fondus et charger des objets par des bus AUX. Ce principe est d’ailleurs toujours le fil conducteur de ce logiciel. Samplitude a été précurseur en ce qui concerne de nombreux développements techniques, comme la réverbération à convolution ou la représentation en forme d’onde de Comparisonic. Les effets de restauration de la Cleaning & Restoration Suite ainsi que le Spectral Cleaning Editor sont des fonctions indispensables qu’on ne trouve pas sous cette forme dans d’autres logiciels audio numériques. Étant donné la grande diversité des fonctions déjà intégrées, la quantité de fonctions n’est plus vraiment le critère fondamental lors du choix d’un logiciel audio numérique, mais plutôt comment le logiciel permet de faciliter et d’optimiser son travail au quotidien.
Géry: Comment dialoguez-vous avec les utilisateurs et quelles sont vos priorités de développement dans un futur proche ?
AS: Nous avons une véritable communauté d’utilisateurs qui s’échangent et s’entraident dans nos forums et que nous connaissons en partie personnellement depuis beaucoup d’années. Le forum est ainsi une source précieuse pour nos développeurs pour découvrir et réaliser les envies de nos clients. En ce qui concerne Sequoia, nous travaillons avec des stations de radio allemandes et internationales pour identifier les aspects critiques pour un processus de production efficace. La collaboration avec nos clients est selon moi indispensable pour pouvoir continuer à développer nos produits selon les souhaits de nos clients et donc offrir des logiciels réussis.
Géry: Comment envisagez-vous l’avenir de Samplitude dans 10 ans ?
AS: 10 ans sont une longue période dans le domaine du développement de logiciels. Il y a eu de nombreux facteurs ces dernières années qui ont influencé le marché de la musique et la manière dont on produit la musique. Au début on était déjà content de pouvoir enregistrer et éditer plusieurs pistes simultanément. Aujourd’hui on peut reproduire virtuellement des racks d’effets et des tonnes de synthétiseurs ou faire de l’habillage sonore sur des vidéos intégralement sur l’ordinateur. Les fonctions qu’offre Samplitude sont déjà extrêmement volumineuses, mais nous avons néanmoins de nombreuses autres idées que nous développons avec nos programmeurs. L’insertion de nouvelles catégories d’équipement, comme les tablettes, mais aussi la coopération avec des musiciens et producteurs sont des thèmes qui me paraissent intéressants. Si nous identifions les tendances, écoutons nos clients et continuons à perfectionner notre produit, Samplitude sera aussi dans 10 ans un des meilleurs logiciels audio.
ITW Thomas Vingtrinier, ingénieur du son et directeur du studio Sequenza, par Géry
Géry: Bonjour Thomas, peux-tu te présenter ?
TV: Je suis Thomas Vingtrinier, ingénieur du son et directeur du studio Sequenza spécialisé dans les musiques acoustiques au sens large. Ça regroupe la musique classique, le jazz, la world, la musique de film, et par extension la chanson ou le rock acoustique. J’interviens de la prise de son au mastering et Sequoia est au cœur du système pour chacune de ces étapes. J’utilise aussi Samplitude Pro X et j’ai d’ailleurs plusieurs versions du logiciel : un Pro X, un Pro X Suite, un Pro X2 et bien sûr un Séquoia 13. Je suis utilisateur de ces softs depuis la version 7.
Géry: En tant que studio professionnel, quelles sont les raisons qui t’ont fait choisir Samplitude/Sequoia ?
TV: Tout d’abord la qualité et la transparence du moteur audio qui sont irréprochables. Ensuite la stabilité du logiciel, à la condition bien sûr d’avoir un PC optimisé et aux composants bien choisis. L’ergonomie et le worflow sont aussi un plus, notamment grâce à la démarche objet dont je ne m’imagine pas pouvoir me passer. Ensuite, la possibilité de pouvoir ouvrir plusieurs sessions en parallèle et plusieurs instances du logiciel en même temps. On peut ainsi piocher et drag and dropper le contenu d’une session vers l’autre.
Pour continuer dans la liste, un outil fantastique est le spectral cleaning qui permet de nettoyer très efficacement accidents et autres pollutions simultanément sur autant de pistes que nécessaire, ou le montage 4 points. Pour finir, une fonction que l’on retrouve uniquement chez Sequoia : Musyc. Cette dernière est phénoménale, car elle permet de mettre en équivalent playlists des sessions d’orchestre qui ne sont pas au même tempo. En musique classique, c’est une fonction incroyable.
Géry: Que penses-tu des effets intégrés et comment les utilises-tu ?
TV: Ce sont de très bons outils, mais j’ai la chance de posséder de très bonnes machines externes donc je les utilise finalement assez peu. J’ai quand même beaucoup eu recours par le passé à Eq116 qui a longtemps été mon meilleur EQ à phase linéaire, et qui vient juste d’être détrôné par DMG Audio EQuilibrium. SMax est mon meilleur limiteur numérique. Je possède aussi le Fabfilter Pro-L ainsi que le limiteur de Slate, mais je reviens toujours à SMAX. À mon oreille, c’est celui qui encaisse le plus sans artefacts.
Géry: Comment gères-tu les problèmes de compatibilité quand un projet par exemple doit naviguer d’un studio à l’autre en passant par des plateformes différentes ?
TV: Tout d’abord, j’ai aussi un Pro Tools 10 natif à disposition des ingés son extérieurs qui collaborent avec le studio. Ils utilisent l’outil qui leur convient. Pour ma part j’utilise le Pro Tools quand je suis aux commandes d’un projet nécessitant un processus vertical d’empilage des pistes, typiquement lorsque les morceaux sont au clic. Il faut bien avouer que la notion de playlist est beaucoup plus performante chez Pro Tools que chez Samplitude, c’est d’ailleurs là mon principal reproche à l’encontre du logiciel. Pour répondre précisément à ta question, l’outil intégré depuis la version Pro X d’import/export OMF/AAF me donne satisfaction. C’est assez fluide lorsqu’il s’agit de communiquer avec des sessions Pro Tools. Dans d’autres cas, j’utilise des outils extérieurs comme Pro Convert de chez SSL ou AATranslator lorsqu’il s’agit d’importer/exporter des sessions depuis/vers un Cubase ou un Nuendo par exemple.
Géry: En tant qu’utilisateur, que penses-tu de la politique de Magix actuelle et comment imagines-tu l’avenir avec ce logiciel ?
TV: Samplitude/Sequoia est mon outil principal et en ce sens j’aimerais le faire progresser grâce à mes retours d’expérience. Je pense être représentatif des besoins d’un ingénieur du son musique, mais je n’ai pas toujours l’impression que nous sommes correctement entendus. J’ai édité sur le forum officiel une wishlist avec les outils que j’aimerais voir apparaître ou tout simplement ceux que j’estime incontournables pour un utilisateur professionnel. Il y a quelques points noirs à régler dont certains ne demandent a priori que très peu de développement. On a la sensation d’être tout proche du logiciel absolu, mais il manque toujours la dernière marche. Un exemple tout bête est l’absence de la fonction « Duplicate track ». On demande ça depuis des années et toujours rien à l’horizon. Idem pour des sorties… mono. Aujourd’hui, avec l’effondrement du marché du disque, c’est clairement le broadcast qui pilote les priorités de développement des stations de travail. Mais la logique économique est la plus forte et on ne peut pas leur en vouloir. Malgré ces réserves Sequoia/Samplitude reste mon outil favori et de très loin. Je ne remets pas en question ce choix.