Accompagnant la sortie de Maschine Mk3, la nouvelle version des claviers Komplete Kontrol débarque avec la ferme intention de transformer l’essai marqué il y a 3 ans. Pari réussi ?
Quelques kilomètres de fleuve ont coulé sous les ponts depuis la sortie des premiers claviers de Native Instruments. Et si durant trois années, la gamme Komplete Kontrol a évolué avec l’arrivée d’un modèle de 88 touches à toucher lourd et l’amélioration de quantité de petites choses sur le plan logiciel, si Native est parvenu à convaincre bon nombre de grands éditeurs d’adopter son format de mapping NKS (dont des concurrents !), on n’est pas mécontent de voir débarquer cette version mk2 dont on espère qu’elle va vraiment faire avancer le schmilblick des claviers de contrôle et corriger les défauts de la précédente mouture.
Kontrol teknik
L’inspection du clavier rassure d’emblée sur le fait que ce n’est pas une petite évolution qui nous est proposée mais bien une refonte complète de ce dernier, tant du point de vue cosmétique qu’ergonomique. Outre une nouvelle finition aussi moderne qu’élégante et qui s’inscrit dans le prolongement de la nouvelle Maschine Mk3 (et lorgne donc gentiment, elle-aussi, du côté du Push d’Ableton), la première chose qui saute aux yeux tient dans la présence de deux grands écrans couleurs cernés de 8 switchs lumineux et 8 encodeurs sensitifs. Certains d’entre vous auront reconnu ce bloc : ce n’est ni plus ni moins le même que l’on retrouve sur Mashine Mk3, donnant de faux airs de Maschine Keyboard à ce Komplete Kontrol Mk2. Comme sur le contrôleur à pads du constructeur, précisons-le d’emblée : il ne s’agit pas d’écrans tactiles. J’y reviendrai.
La deuxième énorme nouveauté qui nous assaille, c’est le retour des molettes de pitch bend et de modulation, bien larges, fermes et visiblement robustes, se tenant à l’endroit même où l’on disposait autrefois de rubans tactiles uniquement. Ces derniers ne sont toutefois pas complètement passés à la trappe puisqu’on dispose d’un ruban horizontal juste sous les molettes. On garde ainsi le meilleur des deux mondes : les molettes traditionnelles bien pratiques pour le jeu et le ruban tactile dont le comportement comme l’assignation sont libres et qui offre bien des possibilités hors de portée des molettes. Rappelons-le : outre la possibilité de le tapoter pour alterner entre plusieurs valeurs sans aucun glide entre les deux (on peut par exemple passer un pitch de moins à –5 demi-tons à +5 demi-tons sans visiter les hauteurs intermédiaires), on peut affecter un comportement 'physique’ à ce dernier et l’utiliser pour lancer une 'balle’ de modulation qui va rebondir entre deux bornes jusqu’à s’épuiser… ou pas, le comportement et l’assignation de ce dernier se définissant dans le logiciel Komplete Kontrol. Bref, on est ravi de voir que Native, tout en accédant aux prières des fans de molettes, n’a pas fait table rase de ce qui était l’une des plus intéressantes originalités du Komplete Kontrol Mk1.
Le troisième gros changement de cette version est invisible mais il n’en est pas moins intéressant puisque le clavier, malgré son Lightguide (système de lumières témoins multicolores bordant chaque touche du clavier) et ses deux écrans, n’a plus obligatoirement besoin d’une alimentation secteur pour fonctionner (cette dernière n’est d’ailleurs plus fournie de base). Un simple câble USB suffit en effet, ce qui simplifie évidemment les branchements comme l’usage du clavier en live. Pour arriver à cela, Native a dû réaliser une grosse optimisation en termes de consommation électrique, ce qui explique sans doute que les lumières du Lightguide soient nettement plus petites sur cette version Mk2 et que les switches soient nettement moins lumineux qu’ils ne l’étaient. Rassurez-vous toutefois : on ne ressent aucun inconfort en se passant d’alim secteur, le clavier demeurant très lumineux et parfaitement opérationnel.
Ultime changement à commenter : la réorganisation complète des boutons de commandes flanqués de part et d’autre du bloc-écran. Sur la gauche, Native a bien développé tout ce qui concerne le pilotage de la STAN, de sorte qu’en plus des habituels Play/Stop/Record/Loop, on dispose désormais de boutons pour le métronome, le tempo et, plus intéressant encore, la quantification, l’Undo/Redo ou le Solo/Mute de piste. À la droite des écrans, on trouve tout ce qui concerne le pilotage du logiciel Komplete Kontrol et des plug-ins, dont la fameuse molette qu’on connaissait déjà, toujours cliquable et toujours aussi crantée, mais qui fait maintenant aussi office de joystick, cerné de 4 petites LED s’illuminant pour vous montrer les déplacements possibles dans la navigation.
Pour le reste, le Komplete Kontrol n’a pas changé : c’est toujours Fatar qui fournit le clavier semi-lesté sensible à l’aftertouch, ce qui est un vrai gage de qualité, tandis qu’en face arrière, les connectiques se résument toujours à un MIDI In/Out sur prises DIN, deux entrées Jack pour pédales de sustain et expression (non fournies), un connecteur USB, une prise pour l’alim (optionnelle donc) et un bouton de mise en/hors fonction… La qualité d’assemblage et de finition de l’ensemble est toujours aussi bonne : à ce prix, me-direz vous, c’est le moins que Native puisse faire.
Mais puisqu’on en parle, l’autre chose qui n’a pas changé, et c’est une bonne surprise, c’est justement le prix. Il est vrai qu’à 600 et 700 euros les modèles de 49 et 61 touches, les Komplete Kontrol figuraient déjà parmi ce qui se fait de plus cher sur le marché, ne laissant que peu de marge à Native pour améliorer son bébé. On apprécie vraiment du coup de voir ces claviers bien plus richement équipés que dans la version MK1 sans que cela se traduise pour autant par une hausse du tarif. Pour arriver à cela, le constructeur a bien sûr fait quelques économies et on ne s’étonne pas du coup d’avoir des Lightguides plus réduits (mais tout aussi efficaces) ou de l’absence d’alim secteur dans la boîte. Disons que ce dernier détail est même une façon comme une autre d’assumer le fait que le Komplete Kontrol est bien un clavier de contrôle pensé avant tout pour la MAO et non pour le pilotage d’instruments matériels : il peut certes le faire, et même sans ordi en achetant l’alim séparée, mais ce n’est pas là sa vocation première.
Après cet aperçu de surface, il convient de plonger dans le détail de la machine. Comme dirait Actarus en tirant le starter de son Goldorak diesel après une nuit de gel :
Aaaaallumaaaage !
Comme sur Maschine, on a le droit à la petite vibe lumineuse qui fait plaisir lorsqu’on allume le clavier, avec cette délicieuse impression de se retrouver aux commandes d’un vaisseau spatial. Et comme un gosse grimpant dans un Faucon Millenium, on appuie d’emblée sur à peu près toutes les touches et tourne les boutons pour voir si ça fait de la lumière ou active l’hyperespace. Évidemment, il ne se passe pas grand-chose de cet ordre, mais cette prise en main est l’occasion d’un premier contact sensuel très satisfaisant avec l’instrument : les encodeurs comme les switches respirent la qualité et la solidité, aucune lumière ne vacille et le clavier Fatar est toujours aussi agréable : ferme et précis, autant sur la réponse à la vélocité qu’à l’aftertouch. Ça sent la bonne came. Seule la molette très crantée rend un son et un feeling un peu cheap, sans pour autant qu’on doute de sa robustesse. Bref, on se sent en confiance pour poursuivre le test.
Et pour le poursuivre, il faut en premier lieu lancer le logiciel Komplete Kontrol qui va de suite prendre possession des deux écrans couleur. Rappelons-le, ce dernier est un hôte virtuel que vous pouvez piloter depuis le clavier et qui centralise tous les presets de vos instruments virtuels, qu’il s’agisse de banques pour Kontakt, d’ensembles Reaktor, de synthés Native Instruments… ou d’instruments émanant d’éditeurs de tierce partie, pour peu qu’ils soient compatibles avec le format NKS utilisé par le logiciel.
L’intérêt de ce logiciel, c’est qu’il vous permet de filtrer vos dizaines de milliers de presets au moyen de tags, ce qui est un vrai gros avantage à l’usage : plutôt que d’ouvrir tel ou tel instrument dans lequel on va chercher tel ou tel son pour se rendre compte qu’il n’y est pas, on se concentre ici sur le son qu’on cherche, et tag après tag, on parvient à une liste où figurent tous les presets correspondant à la recherche, quels que soient les instruments auxquels ils font appel. Si je cherche par exemple un lead de synthé agressif arpégié, il me suffit de choisir les tags appropriés pour me retrouver face à un ensemble de presets issus de tous mes instruments : qu’ils s’agisse du Massive de NI ou du Diva de U-he, d’un synthé d’Arturia ou d’une banque de Heavyocity. L’idée est brillante car elle pousse à (re)découvrir sans a priori les trésors qui gisent au fond de notre répertoire de VST : l’occasion de se rendre compte qu’en dépit de leur sale gueule, quantité de vieux synthés Reaktor sonnent vraiment très bien.
Reste que si l’outil est génial, il n’en était pas moins peu utilisable depuis le clavier dans la première version du Komplete Kontrol S. En l’absence d’écrans sur ce dernier, il fallait non seulement garder les yeux rivés sur son ordinateur en permanence tandis que la molette très crantée du clavier ne facilitait pas le déplacement dans les longues listes de presets. Trois ans plus tard, qu’en est-il ?
Tout faire avec 8 encodeurs ?
Disons qu’avec les écrans, on peut déjà se passer de regarder son ordi vu que l’interface du Komplete Kontrol y est parfaitement reproduite, ce qui est une très bonne chose. Côté contrôle physique, les encodeurs viennent au secours de la molette-très-crantée-qui-fait-désormais-aussi-joystick pour sélectionner les tags et faire défiler les presets : 1 par 1 ou 10 par 10 en pressant la touche shift que se trouve à l’opposé sur le clavier. Indubitablement, c’est bien mieux qu’auparavant. Mais sincèrement, c’est toujours loin d’être idéal.
Voici dix ans qu’Apple nous a habitués à balayer des listes longues comme le bras d’un simple geste sur nos écrans tactiles et se retrouver avec de bêtes encodeurs pour réaliser la même chose manque singulièrement, en 2017, d’à propos ergonomique : on se croirait revenu dans nos répertoires téléphoniques à l’ère pré-tactile du Blackberry et du Nokia 3310. C’est vrai pour les listes de presets comme pour la sélection de tags qui serait si intuitive si l’on pouvait directement tapoter ces derniers du doigt au lieu de tourner des encodeurs pour les faire défiler séquentiellement.
On peste d’autant plus que certaines choses possibles sur le logiciel depuis l’ordinateur ne sont pas accessibles depuis le clavier comme la sélection de tags multiples. Si vous voulez par exemple filtrer les presets de basse correspondant aux tags « Additive » et « Arpegiated », un simple Shift-clic suffit sur le logiciel depuis l’ordi… alors qu’il faudra choisir ou l’un ou l’autre depuis le clavier. C’est un peu comme si le serveur d’un restaurant vous proposait de choisir entre manger un plat chaud ou salé. Ou comment brider la puissance d’une navigation par tags, au risque de rallonger significativement les listes et de s’exposer à des tours et des tours d’encodeur.
Dans le même ordre d’idée, cela fait maintenant 3 ans que le logiciel ne gère pas l’exclusion de tags : voir tous les pianos sauf les électriques, ce n’est ainsi pas possible. Pour cela, un tag « Acoustic » eût été bien pratique… mais il n’existe toujours pas lui non plus. Bien sûr, l’éditeur offre désormais la possibilité à l’utilisateur de réaliser ses propres tags, mais c’est un pis-aller peu acceptable si l’on considère que le gros avantage du format NKS par rapport à la démarche d’un Akai VIP, c’est de proposer de base un taguage de qualité sans qu’on ait à mettre la main à la pâte. Bref, on reste un poil déçu sur ce point même si Native se rattrape en offrant enfin la possibilité de mettre en favoris certains presets pour se bricoler une shortlist de sons, et plus important, en offrant un système de pré-écoute.
Au doigt et à l’oreille
Comme nous l’observions lors du test du premier Komplete Kontrol, parcourir une liste de presets pouvait s’avérer relativement fastidieux car il fallait à chaque fois charger l’instrument correspondant pour se rendre compte que le son… ne convenait pas à ce qu’on cherchait et charger le suivant ! Un calvaire ? Oui, surtout quand on parcourait de grosses banques de samples ou de gros ensembles Reaktor bien longs à charger. La solution était déjà si évidente à l’époque que nous l’avions suggérée lors du banc d’essai : proposer un extrait audio pour chaque preset, nous permettant de savoir si charger l’instrument vaut le coup.
Eh bien, Alléluia, Youpi, Atchiquatchiquatchiquaïaïaï : Native l’a fait ! Désormais, dès que vous passez sur un preset, vous entendez une note de ce dernier, voire un court extrait s’il s’agit d’un pattern, chose réalisée via une bonne grosse base de fichiers Ogg concernant tous les presets de tous les instruments compatibles NKS (désormais, fournir cet extrait audio est d’ailleurs un prérequis pour les développeurs tiers).
Ça n’a l’air de rien comme ça, mais ça change réellement la vie, sachant que comme il s’agit d’une évolution du logiciel qui n’est pas liée au matériel, tous les utilisateurs du Komplete Kontrol Mk1 pourront en profiter ! Braci ! Mervo ! C’est d’ailleurs pour moi, loin devant tout le reste, la fonction la plus intéressante qui apparait avec cette version Mk2. Devant le relooking, les molettes et les deux écrans réunis.
N’oublions pas toutefois que l’intérêt du système Komplete Kontrol ne réside pas seulement dans la navigation mais aussi dans la gestion des mappings du clavier.
Map du dimanche
Dès lors que vous sélectionnez un preset, c’est encore le logiciel Komplete Kontrol qui se charge d’assigner les contrôles du clavier aux paramètres les plus judicieux. Et c’est l’une des grandes forces du produit de Native : ces assignations ont été réalisées amoureusement par les éditeurs eux-mêmes pour chaque preset, de sorte que les huit encodeurs sont immédiatement affectés à des paramètres vraiment utiles au jeu. Résultat, entre la navigation dans les presets et ces mappings prêts à l’emploi, on a la sensation d’avoir à faire à une workstation plutôt qu’à un clavier maître pilotant un ordinateur, et tous les instruments, quels qu’ils soient (pourvu qu’ils soient compatibles NKS) se fondent dans un gros tout homogène bien agréable.
Hélas, là encore, les choix en termes de conception hardware viennent un peu gâcher la fête. Pour un clavier sensé nous permettre de piloter tous nos instruments, le fait de tout miser sur des encodeurs rotatifs est toujours aussi pénalisant ergonomiquement dès qu’on veut piloter des choses un peu plus sophistiquées qu’un Minimoog.
Cela nous pousse d’abord à gérer les pads X/Y d’un Alchemy ou d’un Absynth à la manière d’un bon vieux Télécran, ce qui, 18 ans après le premier Kaoss Pad, n’a rien de bien compréhensible. Et vu que les pads X/Y sont aussi très utilisés pour programmer des instruments virtuels complexes comme les cordes ou les vents, on se dit qu’on n’est pas près de pouvoir se passer de nos iPad et de TouchOSC.
Ce choix complique aussi inutilement le pilotage de simples interrupteurs On/Off vu que le bouton se transforme alors en potard dont les 50% de la course activent le Off et les 50% qui restent activent le On. Aberrant ? Oui, et d’autant plus agaçant que c’était déjà le cas il y a trois ans. Comme dirait Nabila : « non mais allo, quoi ! » Évidemment, vu que les encodeurs sont sensitifs, on se doute bien que NI pourra mettre à jour son logiciel et sa base pour améliorer cela mais ce n’est pas le cas à la sortie du produit. Et sans parler des On/Off ou des X/Y, ces d’encodeurs sont encore tout aussi limitants pour contrôler intuitivement les tirettes d’un orgue Hammond ou les faders de la console d’une STAN, comme nous allons le voir.
Les limites de l’encodeur infini (le retour)
Comme nous l’avons dit, Native a bossé sur le pilotage d’une STAN depuis son clavier, ce qui est une très bonne chose même si l’on regrettera que le Komplete Kontrol S ne gère pour l’heure qu’Ableton Live et Logic Pro X, tandis que la prise en charge de Cubase/Nuendo n’arrivera qu’au dernier trimestre et qu’aucun calendrier n’a été annoncé concernant les autres, représentant tout de même d’après notre sondage 43% du marché en France.
Quoi qu’il en soit, c’est donc sur Ableton Live que nous avons testé la chose et force est de constater que cela marche très bien, du moins sur tout ce qui concerne le bloc de lecture/enregistrement et les fonctions de base. On ne va pas s’extasier sur le fait de disposer d’un Play/Stop/Record sur un clavier de contrôle mais le fait d’avoir le Tempo, l’Undo/Redo et la quantification à portée de main au moment où l’on enregistre une partie MIDI est un vrai plus qui évite de se saisir de la souris à tout bout de champ et permet de rester concentré sur le jeu. Si l’on couple ça à la navigation dans les presets depuis le clavier et les mappings prêts à l’emploi, on comprend de suite l’intérêt du Komplete Kontrol en termes de productivité, même s’il ne fera aucune ombre, évidemment, à un Push pour les Abletoniens. On peste en outre de voir que les 5 boutons bordant les écrans du bloc Maschine ne sont absolument pas mis à contribution dans ces mappings, alors que les 8 encodeurs rotatifs le sont bien heureusement.
Concernant le pilotage de la console, je reste d’ailleurs assez dubitatif car s’il est agréable de retrouver ses tranches représentées 8 à 8 sur les deux écrans couleur, c’est encore le choix des encodeurs rotatifs comme seul et unique contrôle qui vient dégrader la fonction. Vous voulez monter le volume de trois pistes en même temps dans votre STAN ? Il vous faudra… 3 mains ! La fonctionnalité est du coup un peu gadget et c’est dommage. Bien sûr, tout aurait été différent avec 8 sliders à côté, ou 8 rubans sensitifs comme Native sait si bien les faire. Tout aurait pu être parfaitement géré aussi avec du tactile multipoint. Mais non.
Relativisons tout de même : on n’attend pas d’un clavier de remplacer une vraie surface de contrôle pensée pour le mixage. Encore que…
Maschine sur la touche
Vous l’aurez compris, une foule de petits détails qui nuisaient à l’expérience-utilisateur du Komplete Kontrol S Mk1 sont toujours présents dans cette version, au point qu’en dehors d’afficher le navigateur Komplete Kontrol, on se demande bien ce qu’on a réellement gagné avec ces deux écrans.
Et puis on lance Maschine et tout s’éclaire, au sens propre comme au figuré, car on va pour le coup beaucoup plus loin dans l’intégration à cette dernière qu’avec Ableton Live. Dès que le logiciel est lancé, on se retrouve face à l’interface familière sur nos écrans, et la possibilité de visualiser nos scènes et nos beats jusqu’au piano roll même grâce aux fameux 5 boutons sur la gauche des écrans qui trouvent enfin leur utilité.
Bon, disons-le clairement : le Komplete Kontrol ne remplacera pas une vraie Maschine pour ce qui est de l’édition, mais les utilisateurs de la groove machine de Native Instruments seront probablement ravis de ce pilotage depuis le clavier qui prendra tout son sens en live. Pas besoin de repasser aux pads pour lancer telle ou telle scène ou manipuler tel ou tel effet, on peut tout faire depuis son clavier, et comme l’ergonomie aussi bien que les contrôles sont les mêmes que sur Maschine Mk3, on trouve immédiatement ses repères. C’est vraiment du très bon boulot.
Reste à parler des choses moins agréables…
Le point de vue d’Orangina rouge
À part sur le Lightguide moins sexy, ce nouveau Komplete Kontrol surpasse son aîné en quasiment tous points. Entre les deux écrans couleur, la molette-joystick, les molettes physiques, la réorganisation des contrôles plus orientés vers le pilotage de STAN et le fait que le clavier puisse désormais se contenter d’une alimentation par USB, il serait dur de ne pas considérer cette version mk2 comme une réussite. D’autant qu’elle conserve tous les points forts du modèle précédent (Lightguide notamment) et que le logiciel Komplete Kontrol propose désormais l’aperçu audio des fichiers tout en gérant toujours plus d’instruments de tierce partie. D’autant que le prix n’a pas bougé du Mk1 au Mk2.
Cela étant dit, on est encore loin, très loin du clavier de contrôle que le premier Komplete Kontrol S laissait espérer, Native n’ayant pas grandement progressé sur les principaux reproches que nous adressions à la première version du produit. Et, il faut bien l’avouer, si l’on comprend le rapprochement du clavier avec Maschine d’un point de vue stratégique (Native cherche clairement à proposer un écosystème complet pour le musicien électro/hip-hop), on regrette que cette orientation ait mobilisé autant de ressources alors que des choses plus cruciales restaient à résoudre… et qu’elles n’était pas forcément compliquées à résoudre.
Passée la bonne surprise de découvrir les deux écrans couleur, on se rend compte que s’ils présentent un intérêt réel pour un usage avec Maschine ou la navigation dans les presets, ils n’apportent rien de plus que les anciens afficheurs au contrôle des instruments car ils sont pour l’heure très largement sous-exploités. Avec un Komplete Kontrol Mk1, on était obligé d’afficher les paramètres 8 par 8, et de faire défiler les pages pour accéder aux suivants. À présent qu’on dispose de deux grands écrans couleur… c’est toujours la même chose ! En noir et blanc pour ne pas changer, avec pour seule fioriture le fait d’avoir un joli fond d’écran en couleur de l’instrument en cours d’édition ! Vous éditez un EQ ou une enveloppe ? N’imaginez pas, même dans Maschine, profiter des écrans pour afficher leurs courbes respectives : juste des potards ronds, noir et blanc, avec des valeurs en dessous. Comme dans Komplete Kontrol Mk1 en somme ? C’est exactement cela et on est déçu de voir que personne ne semble s’être gratté la tête à ce sujet, tout comme personne ne semble s’être penché sur le fait d’offrir une gestion correcte des pads X/Y ou des On-Off, tout comme personne ne s’est rendu compte du problème du fait que piloter la console d’une STAN n’avait rien de très intéressant avec des encodeurs… En trois ans. Or, on a beau savoir que Native est aujourd’hui adepte du développement agile, que le constructeur va rajouter des fonctions, des modes qui vont améliorer bien des choses sur les claviers, il ne fait aucun doute que tous ces défauts ne pourront être comblés que par des changements matériels… en version Mk3 donc ! Dans trois ans ?
Pour résoudre tout cela, on se serait bien volontiers contenté d’un seul écran tactile plutôt que d’en avoir deux non tactiles et, à supposer que cela ne soit pas possible financièrement (encore qu’Akai ait montré que cela n’avait rien d’inaccessible avec la MPC Touch, encore qu’on trouve des tablettes de 7 pouces de marque sur Amazon à moins de 100 euros), on aurait même préféré n’avoir qu’un seul écran mais disposer d’un bête pavé tactile (comme sur le petit Korg Taktile), d’un bloc de 8 sliders ou 8 rubans sensitifs, d’une molette à inertie (comme sur les souris Logitech à 30 balles) ou d’un vrai Jogwheel (comme sur les contrôleurs de montage vidéo) pour la navigation dans les presets… Et même si tout cela n’était pas envisageable pour une obscure raison, on aurait adoré que Native nous propose enfin une appli Komplete Kontrol pour iPad/Android : c’était là une solution relativement économique pour balayer quantité de défauts du clavier. Bref, le constructeur avait plein d’options à sa disposition et il a choisi… de camper sur ses positions en reconduisant des choix déjà très discutables il y a trois ans.
Même s’il ne s’agit pas d’une réelle doléance, soulignons aussi que le Komplete Kontrol S demeure toujours un clavier centré sur un usage informatique. En dépit des connecteurs DIN MIDI en face arrière, on sent que Native n’a pas vraiment pensé son produit pour qu’il pilote des instruments électroniques hardware, chose que traduit l’alim par USB et l’absence d’alim secteur dans la boîte. Les fonctions d’arpégiateur ou de contraintes de gamme sont ainsi toujours tributaires du logiciel tandis que, vous vous en doutez, le CV/Gate n’est pas au programme. Il ne s’agit pas là de réels défauts pour ceux qui sont branchés instruments virtuels mais d’une orientation qu’il convient d’avoir à l’esprit en achetant le Komplete Kontrol S Mk2 : sans le logiciel qui va avec et donc sans ordinateur, il demeure un clavier de contrôle lambda qui n’offre rien de très attractif pour piloter du hardware.
Puisqu’on parle du logiciel Komplete Kontrol, notons d’ailleurs que si ce dernier offre LA fonction qui change tout, à savoir la pré-écoute des presets, il n’a pas du tout changé pour le reste et n’offre toujours pas d’interface en Responsive Design, ni de fonctionnalités qu’on trouve depuis belle lurette sur le VIP d’Akai, son grand concurrent : pas de gestions des effets, donc, ni de multis. Et même si ça devrait arriver un jour (on voit bien à l’installation que le soft scanne les effets), Native n’a semble-t-il pas trouvé le temps de gérer ça en trois ans… Dans le même ordre d’idée, on regrettera que l’éditeur n’ait pas planché sur une solution pour les temps de chargement. Des pistes existent pourtant, qu’il s’agisse de ne charger qu’une seule vélocité d’une grosse banque Kontakt avant de charger le reste en arrière-plan, ou de pré-intégrer des composants de Reaktor dans Komplete Kontrol même. Le SSD ne pourra pas tout faire dans tous les cas et on se retrouve avec un écran qui, bien trop souvent, affiche un « busy » en attendant que l’instrument veuille bien se charger.
On clora ce long chapitre des reproches en soulignant que si le Komplete Kontrol S premier du nom proposait des fonctions intéressantes (ruban à comportement physique, Lightguide) qui simplifiaient la programmation de manière relativement innovante, ce nouveau modèle n’offre à son tour rien qui change vraiment la donne. On déplore toujours l’absence d’une entrée pour Breath Controller (ce qui est pourtant très utile lorsqu’on doit programmer des instruments expressifs comme des vents bien sûr, mais aussi des cordes frottées) et au-delà de ça, le fait que le clavier ne gère pas le pitch bend polyphonique comme les Seaboard de Roli ou les Touchkeys. Il s’agit pourtant, bien plus que l’aftertouch, de la plus grande avancée qu’aient connu les claviers électroniques depuis l’avénement du MIDI, parce que cela permet de réaliser en temps réel et intuitivement des programmations qui prendraient autrement des plombes à obtenir avec un clavier normal… comme ce Komplete Kontrol S Mk2.
Le mieux en même
Vous l’aurez compris : sans qu’on puisse dire qu’il est décevant dans la mesure où il surpasse en tout point son prédécesseur pour le même prix, le nouveau clavier de Native n’est certainement pas le « game changer » que laissait espérer la version Mk1. Parce qu’il est clairement aujourd’hui un leader de marché, on rêverait que Native instruments nous fasse le coup du « One more thing » des keynotes de Steve Jobs et nous présente des idées qui nous laissent langue pendante façon loup de Tex Avery, mais ce n’est pas le cas. Pour ce qui est de reconduire l’ergonomie rustique d’une bonne vieille workstation, ça fait la blague, mais pour trouver un moyen simple et innovant de piloter un violon, une guitare ou un instrument à vent, on sent bien que la R&D est au point mort à Berlin. Question de culture sans doute (l’ADN de Native est clairement électro), mais question de priorités marketing aussi.
En effet, il n’entrait sans doute pas dans les objectifs de Native d’innover ou de faire le meilleur clavier de contrôle possible, quoi qu’il en coûte, mais de rester sur un rapport prestation/prix qui demeure accessible : avec un écran tactile, un arpégiateur hardware, du CV/Gate, un Breath Controller, des sliders et du pitch bend polyphonique, on serait sans doute à deux-trois fois le prix du clavier, ce qui laisse de la place pour un Komplete Kontrol Pro. On sent en outre que les efforts des concepteurs concernent surtout l’interaction du clavier avec Maschine, sachant qu’avec l’interface audio intégrée sur la version Mk3 de cette dernière, on se doute bien que l’audio finira bien par y pointer le bout du nez et Maschine de devenir de ce fait une véritable STAN. Native pourra alors se targuer de proposer l’écosystème hard/soft le plus complet du marché pour faire de la musique électronique de sorte que, stratégiquement, le pion avancé avec ce Komplete Kontrol S Mk2 est tout à fait cohérent.
Et puis, soyons beaux joueurs : malgré ses défauts, agaçants parce qu’ils ne datent pas d’hier, le Komplete Kontrol Mk2 n’en demeure pas moins l’un des meilleurs claviers de contrôle du marché, si ce n’est le meilleur pour ce qui est de la MAO. Certes, on trouvera chez la concurrence bien des produits mieux dotés en termes de contrôles physiques, mais après avoir déjà fait un premier tri sur la qualité même du clavier Fatar, on n’en trouvera probablement aucun qui améliore autant la productivité au quotidien que le produit de Native.
Reste d’ailleurs à voir au cas par cas à qui s’adresse finalement ce clavier et à le confronter à l’offre concurrente.
Komplete Kontrol : pour qui ? Pour quoi ?
À n’en pas douter, ceux qui envisageaient déjà de se payer un Komplete Kontrol peuvent acheter sans se poser de question cette version Mk2 qui dispose de toutes les qualités de son aîné tout en y ajoutant des molettes physiques, deux écrans couleurs et une alimentation par USB uniquement. De fait, le Komplete Kontrol offre toujours deux énormes avantages : une bonne gestion centralisée des presets avec les mappings de qualité prêts à l’emploi pour tous les instruments compatibles NKS (et ils sont nombreux) et le système Lightguide qui simplifie le jeu comme la programmation des instruments complexes. Et oui, ça change la vie au quotidien, surtout maintenant qu’on a la fonction de pré-écoute.
On adressera le même conseil aux utilisateurs de Maschine qui envisageaient de s’équiper en clavier maître. Avec son excellente intégration et son ergonomie cohérente avec le soft comme le hard, le Komplete Kontrol S Mk2 est sans l’ombre d’un doute LE clavier à avoir pour compléter leur setup. Puisqu’on parle de Maschine, soulignons-le clairement : nous ne sommes pas en présence d’une Maschine à touches, le clavier n’étant utilisable que pour l’affichage, le lancement de scènes et le réglage d’effets/console, mais certainement pas pour l’édition proprement dite. Acheter ce clavier en pensant faire l’économie de Maschine n’est donc absolument pas un bon calcul.
La consigne d’achat sera plus mitigée pour les possesseurs de la version Mk1 n’utilisant pas Maschine, et qui devront peser l’intérêt que représente pour eux le fait d’avoir de vraies molettes physiques, le navigateur sur écran et l’alim via USB. En dehors de ces aspects, le plus gros progrès du système Komplete Kontrol provient de la pré-écoute des presets dont ils bénéficieront de toute façon par mise à jour gratuite du logiciel. Même s’il est intéressant, le contrôle de la STAN depuis le clavier demeure en effet relativement sommaire tandis que l’apparition des écrans ne change pas grandement la donne dans l’édition d’instruments et que les contrôleurs physiques dont sont équipés le clavier présentent les mêmes limitations que dans la version Mk1. Bref, le nouveau Komplete Kontrol Mk2 en fait plus que l’ancien pour le même prix, mais il ne fait pas forcément beaucoup mieux que ce dernier sur la promesse de base du clavier.
À présent qu’il est livré sans alim secteur, qu’il ne propose pas de CV/Gate et parce que ses fonctionnalités avancées (arpégiateur, scale, etc.) sont tributaires d’un logiciel, on déconseillera en revanche le Komplete Kontrol à ceux qui cherchent un clavier pour piloter en premier lieu des instruments électroniques hardware en se passant d’ordinateur. Il peut certes le faire mais dans ce registre, on trouvera mieux ailleurs, voire moins cher.
Il nous reste à envisager le cas de celui qui veut juste acheter un clavier de contrôle orienté MAO et dont le portefeuille balance certainement entre ce Komplete Kontrol, l’Advance d’Akai (et ses clones chez M-Audio et Alesis, moins chers mais avec de moins bons claviers) et le Panorama de Nektar, soit les trois claviers qui sont allés plus loin dans la symbiose hard/soft. Sur ce point, la réponse est plus complexe.
Pour la gestion d’une STAN, c’est sans doute le Panorama qui demeure le plus complet (encore qu’il soit loin de les gérer toutes aussi bien et en ignore certaines), mais dès qu’on rentre dans le monde des plug-ins, les offres de Native et d’Akai sont clairement plus développées, grâce à leurs gestionnaires de presets maison : Komplete Kontrol d’un côté et VIP de l’autre.
Or s’il y a trois ans, il fallait faire un match au point par point pour déterminer un vainqueur entre les deux compétiteurs, il semble bien pour l’heure que ce soit Native qui ait clairement pris le dessus. Pourquoi ? Parce que sans parler de telle fonction qu’on a chez l’un et pas chez l’autre ou vice versa, la promesse d’un clavier permettant de gérer un gros corpus de presets n’est réellement tenue que par les berlinois qui ont dès le départ misé sur la qualité et la collaboration avec les éditeurs tiers alors que les japonais ont cherché à faire de la quantité tous seuls (et probablement en utilisant des moulinettes plutôt que des humains). La problème ne tient donc pas tant au logiciel VIP lui-même mais à la base de données sur laquelle il repose et qui est parsemée d’absurdités et de lacunes. Le Komplete Kontrol S Mk2 sort donc grand gagnant de son duel avec l’Advance lancé il y a trois ans, sachant que les nippons pourraient bien présenter eux aussi la version Mk2 de leur clavier, intégrant un écran tactile comme la MPC Touch. Tout serait alors à revoir, évidemment.
D’ailleurs, à l’heure où ces lignes sont écrites, la version 3.0 de VIP vient de sortir, utilisable sur les claviers de n’importe quelle marque et proposant le format VIPMS (VIP Native Plugin Map Standard) permettant aux éditeurs de tierce partie de réaliser le mapping de leurs propres produits. Ou comment changer son fusil d’épaule et adopter la stratégie du concurrent… Reste que cette politique ne sera réellement efficace que si Akai s’échine à promouvoir son format auprès d’éventuels partenaires comme Native l’a fait, sachant que pour l’heure, aucun nom n’a été avancé.
Bref, si les japonais n’ont pas dit leur dernier mot et si vous pouvez compter sur moi pour réviser mon jugement, je n’aurai pas trop d’état d’âme en vous conseillant à cet instant T le clavier de Native plutôt que son concurrent direct.
Conclusion
Native ne s’est certainement pas moqué du monde avec ce Komplete Kontrol S mk2 qui, tout en conservant les points forts de la première version (clavier de qualité, logiciel Komplete Kontrol, Lightguide, arpégiateur, chorder et scaler), propose bien plus de choses encore sans pour autant faire grimper le tarif : entre les molettes physiques, l’alim via USB, les deux écrans couleurs et l’excellente intégration de Maschine, ceux qui envisageaient déjà de se payer le clavier de Native peuvent foncer sur cette version Mk2 qui sera très certainement à terme complétée par un modèle de 25 touches et un autre de 88 toucher lourd (mais pas pour tout de suite visiblement). Au-delà des changements matériels, l’apport le plus important du concept Komplete Kontrol tient toutefois au fait d’avoir une pré-écoute de chaque preset de la base, ce qui est un vrai changement au quotidien et qui, on s’en réjouit, profitera aussi aux possesseurs de la première version du clavier.
Ceci étant dit, force est de constater que, trois ans après la première édition, les modifications apportées sont loin de gommer les défauts que nous avions mentionnés lors de notre précédent test. Si les écrans permettent désormais de naviguer dans le logiciel sans avoir besoin de garder les yeux sur son ordinateur, le choix des potentiomètres rotatifs et de la molette demeure toujours aussi limitant en termes d’ergonomie et réduit sensiblement le potentiel du concept. Et c’est dommage car sans même parler du tactile multipoint qui existe depuis 10 ans sur nos téléphones et depuis deux ans chez la concurrence, il y avait quantité de solutions peu onéreuses pour éviter cela.
Si l’on comprend enfin la direction Maschinesque que prend Native Instruments en termes de stratégie, on ne peut s’empêcher d’être un peu déçu par le petit manque d’audace du colosse berlinois : on s’attendait à quelque chose d’autrement plus innovant, à un truc qui fasse dire « Wouah ! », mais il faut croire que Native n’avait pas d’autre ambition que d’améliorer tranquillement son clavier, sans vouloir révolutionner le marché. De fait, si le constructeur nous livre un bon outil de travail, ce dernier est suffisamment perfectible pour qu’on attende déjà avec impatience la version Mk3 pour 2020. Pendant ce temps là, on continuera de regarder du côté de Roli, Touchkeys, Joué, Touché ou encore Leap Motion pour trouver des idées neuves.
Tarifs : 599 € pour le Komplete Kontrol S49 mk2 et 699 € pour le Komplete Kontrol S61 mk2